La Ged en mode SaaS: entre tentation et hésitation...
Le déploiement d'un projet Ged en mode SaaS offre de nombreux atouts, à commencer par la souplesse et la rapidité de mise en oeuvre. Néanmoins, le modèle économique peut susciter des interrogations, notamment en raison des inconvénients qu'il peut cacher. Explications.
Je m'abonneLa Ged est apparue à la fin des années quatre-vingt, mais elle n'a véritablement «décollé» qu'en 1995, avec le développement d'Internet. C'est en effet à partir de ce moment-là que les entreprises ont commencé à «produire» de plus en plus d'informations difficilement gérables sans outils adaptés. « Gérer électroniquement des documents garantit une recherche plus aisée, facilite la communication ou le partage et contribue à la protection de la mémoire et du patrimoine de l'entreprise», explique Emmanuelle Ertel, directeur général de Tessi Ged. Généralement, un projet Ged se justifie pour des raisons juridiques de conservation de documents. En outre, il évite de multiplier les sources d'information. « Il convient de garder en mémoire que le propriétaire de l'information doit être l'entreprise et non le salarié (en cas de départ, de licenciement, etc.) », précise Florent Bavoux, directeur Europe du Sud de Perceptive Software. Les éditeurs promettant monts et merveilles avec leurs offres SaaS, il est donc utile de faire le point et de voir si ce mode est bien adapté.
Souplesse et sécurité: des arguments en faveur du SaaS
Le mode SaaS s'avère précieux lorsque les projets Ged portent sur un usage commun à de nombreux collaborateurs. « Cette forme de gestion collaborative de documents, qui consiste à recevoir, relire, valider, redistribuer et stocker, est finalement assez répandue dans de nombreuses entreprises», commente Jean-François Millasseau, responsable avant-vente Europe du Sud d'OpenText. En revanche, dans le cas d'une Ged très avancée, le SaaS s'y prête moins et il vaut mieux, dans ce cas, partir sur un modèle hybride (à la fois déporté et hébergé), notamment lorsqu'il s'agit de s'intégrer à un ERP existant. A fortiori, lorsque ce dernier est de type propriétaire.
Parmi les nombreux avantages du mode SaaS, la souplesse de déploiement n'est pas négligeable. Il est ainsi tout à fait possible de démarrer un projet Ged en mode locatif pour ensuite basculer en mode licence, s'il s'avère que le SaaS devient trop onéreux. «De nombreux projets informatiques déployés en interne, notamment des projets Ged, ont échoué par le passé, principalement par manque de souplesse. Aujourd'hui, les entreprises ont le choix de démarrer un projet Ged dans le cloud, sans investissement, avant de le déployer ensuite en interne», constate Emmanuelle Ertel. Un projet peut également démarrer en mode licence tandis que la solution est hébergée chez l'éditeur. Par ailleurs, les craintes en matière de sécurité sont très souvent infondées puisque les éditeurs sont actuellement en mesure d'apporter un niveau de sécurité que les DSI n'auraient pas forcément en installant la solution dans leurs locaux. Par ailleurs, en déléguant l'ensemble de l'infrastructure à son éditeur hébergeur (supervision, exploitation, maintenance, mises à niveau, etc.), l'entreprise peut se concentrer sur les seules fonctionnalités du projet Ged.
Un mode encore sous-exploité
En dépit des nombreuses offres lancées en SaaS depuis trois ou quatre ans par les éditeurs, les projets restent encore confidentiels. Moins de 10 % des projets Ged sont déployés en SaaS sur la base des clients existants chez OpenText, même si ce chiffre a largement progressé depuis un an. Peu ou prou, le même constat pour Tessi, puisque 75 % des projets Ged restent déployés en mode licence, même si, là encore, la demande est beaucoup plus forte depuis deux ans pour le mode hébergé. Le mode SaaS a permis d'attaquer un nouveau marché pour les éditeurs de Ged, celui des PME-PMI. Mais, pour ces dernières, la priorité est ailleurs aujourd'hui. Pour Jean-Louis Pineau, consultant senior chez Axeodoc, les atouts du mode SaaS sont trop souvent sous-exploités. «En théorie, ce mode permet pour les grandes entreprises d'avoir une approche de la Ged par département, par palier, pour pouvoir basculer en mode licence, si le coût du service consommé devient trop élevé. Mais en pratique, je n'ai pas l'impression que ça se passe comme ça. » Par ailleurs, l'idée de se séparer de ses documents et de les faire traiter à l'extérieur ne séduit pas toutes les entreprises.
En outre, payer au service consommé paraît intéressant mais il ne faut pas oublier d'incorporer les coûts d'installation, de mise en oeuvre, de tuning et de paramétrage. Le mode SaaS est valable si l'entreprise ne dispose d'aucune infrastructure. En revanche, si elle possède un équipement en interne avec les personnes adéquates pour déployer une Ged, il vaut mieux se tourner vers le mode licence. Globalement, un projet Ged déployé en mode SaaS se facture au document consommé, selon un coût à la page traitée variant entre quelques centimes et 1,5 euro. En réalité, l'idéal ne serait-il pas d'avoir un SaaS global qui intègre l'ERP et la gestion commerciale, puisque les solutions ERP représentent le socle du SI des entreprises? Les éditeurs ERP commencent d'ailleurs à proposer ce type d'offre globale en SaaS considérée comme un bouquet de services. Une offre assurément appelée à se développer...
Olivier Coulon, Caisse d'Epargne Ile-de-France
Témoignage
«Pour les agences, l'impact a été quasi nul»
Sous l'appellation «Entreprise numérique», la Caisse d'Epargne a entamé, en 2010, un vaste programme de dématérialisation des documents dans lequel s'inscrit son projet Ged en mode SaaS. Implémentée «temporairement» depuis deux ans autour de la solution Docubase, cette opération s'appuie sur les points forts de ce mode de dé ploiement, à savoir sa rapidité et sa souplesse de mise en oeuvre. Le projet impliquait dès le départ deux grandes catégories de documents : ceux des crédits immobiliers et ceux des successions. Pour les agences, il faut souligner que l'impact a été quasi nul. « Leur fonctionnement n'a pas été modifié. Elles établissent toujours des documents papiers que nous récupérons en Ged via notre partenaire Tessi documents services après numérisation. Des pièces complémentaires sont, par ailleurs, ajoutées aux dossiers directement par le prestataire», explique Olivier Coulon, directeur du projet. L'objectif étant d'aboutir à terme à un flux de dématérialisation de toute la chaîne, y compris depuis les agences. Le volume traité est conséquent puisque la Caisse d'Epargne Ile-de-France, sur la seule partie crédit immobilier, traite deux millions de pages par an.
Sur le plan budgétaire, ce projet Ged est facturé à la page, soit un tarif compris entre deux centimes et un euro. Cet écart se justifie par la complexité du traitement réalisé. « Le traitement peut aussi bien être basique avec une simple numérisation en fonction d'un volume important. A l'opposé, le traitement peut être très complexe, avec séparation des documents, classement, indexation automatique (RAD/LAD) ou manuelle, etc. », précise Olivier Coulon. Même si la fin du mode SaaS n'est pas planifiée, le transfert du projet Caisse d'Epargne Ile-de-France vers des outils implémentés en interne pourrait voir le jour en 2013 ou, plus probablement, en 2014.
Caisse d'Epargne Ile-de-France
ACTIVITE
Banque
CA 2011
1 milliard d'euros (produit net bancaire)
RESULTAT NET
120 millions d'euros
EFFECTIF
4500 salariés
VOLUME D'ACHAT
NC
EFFECTIF D'ACHAT
6 personnes