Insuffler une culture achats dans une PME
Pour encourager Les efforts de réduction de coûts de Leurs collaborateurs. Les dirigeants de PME mettent notamment en place des incitations financières, comme une prime d'intéressement. Un système efficace à condition de bien communiquer.
Je m'abonneUn commercial s'est octroyé un vol domestique en business class, un ingénieur commande un chariot entier de fournitures de bureau, etc. Beaucoup de PME connaissent, peu ou prou, ce genre de situations. Comme l'explique Judith Palant, consultante en réduction des coûts chez Services et Entreprises, «l'entreprise supporte bien des relâchements. Pire: certaines attitudes dépensières sont cautionnées par la direction, comme une sorte de compensation à la stagnation des salaires.» Or, il s'agit d'un très mauvais calcul, puisque ces dérives rognent les marges sans pour autant combler la frustration des salariés.
La solution? Sensibiliser tous les collaborateurs de l'entreprise à la réduction de coûts. Et, parallèlement, les récompenser pour les économies qu'ils procurent à la société. Comment? «L'idéal est d'instaurer une récompense collective, car il faut responsabiliser l'ensemble des salariés, suggère Thierry Magin, associé au sein du cabinet de conseil en rémunération MCR Consultants. Vous pouvez opter, par exemple, pour une prime d'intéressement indexée sur la marge de l'entreprise, et pondérée d'un bonus en fonction d'objectifs prédéterminés de réduction de coûts.» Les salariés sont ainsi doublement incités à acquérir des réflexes économes.
Luigi Masala, Costalis
«L'avantage du versement d'une prime trimestrielle est qu'elle permet d'encourager les efforts réguliers.»
Un objectif par service
Concrètement, il est conseillé de partir du budget annuel, élaboré à la fin de l'exercice précédent, pour fixer des objectifs de production et de dépenses, service par service. «Imaginez un service comptable où cinq personnes pratiquent le recouvrement de créances. Si elles parviennent à réduire l'encours client de dix jours, elles évitent des coûts inutiles, comme les agios», illustre Thierry Magin. Cela paraît évident, mais les salariés ne perçoivent pas forcément les répercussions de leur travail sur la santé financière de l'entreprise. Aux responsables achats notamment de les sensibiliser (ce qui, accessoirement, participe aussi à les valoriser), de fixer un objectif d'efficacité... et surtout de bien communiquer. «L'idéal est de faire une simulation, estime Judith Palant (Services et Entreprises). Donner un exemple concret de ce que rapporte à l'équipe telle économie générée. Sans oublier d'indiquer le montant de l'enveloppe à répartir ensuite entre les salariés.»
Yves Garagnon, directeur général de l'éditeur de logiciels Equity, s'est appuyé sur un consultant pour bâtir une mécanique d'intéressement dans sa PME de 40 salariés. Le calcul de cette prime repose, en partie, sur le taux de rentabilité de chaque département. «Tous les trimestres, je fais un point sur la situation avec les salariés», confie le dirigeant. Le chiffre d'affaires et les coûts de chaque service sont alors dévoilés et expliqués. Yves Garagnon fait notamment un point sur l'intéressement. Les collaborateurs savent ainsi ce qu'ils vont toucher. «L'avantage du versement d'une prime trimestrielle est qu'elle permet d'encourager les efforts réguliers», commente, pour sa part, Luigi Masala, directeur général de Costalis, société de conseil en optimisation des coûts des PME.
Si un trimestre s'annonce mal, Yves Garagnon demande à ses collaborateurs de réduire la voilure, par exemple en ne sollicitant plus d'intérimaires ou de consultants. Cette politique porte ses fruits puisque, depuis qu'elle a été mise en place, les salariés d'Equity ont toujours touché une prime d'intéressement, allant jusqu'à récupérer l'équivalent d'un mois de salaire supplémentaire à l'année. L'entreprise y trouve aussi largement son compte: «Plus qu'un chiffre global de réduction de coûts, j'ai pour objectif une croissance rentable. Ce que j'ai réussi à atteindre», explique le dirigeant.
Yves Garagnon, Equity
«Plus qu'un chiffre global de réduction de coûts, j'ai pour objectif une croissance rentable.»
Les dirigeants doivent montrer l'exemple
En plus de sensibiliser à l'effort et de fixer un objectif, il faut donner aux salariés les moyens d'économiser. «Cela passe par une véritable politique de dépenses, où l'on analyse, service par service, les gisements d'optimisation de coûts», indique Luigi Masala (Costalis). Les commerciaux se déplacent fréquemment et ont tendance à rapporter des notes de frais salées? Il faut alors fixer un plafond de dépenses quotidiennes et leur indiquer les situations dans lesquelles les invitations à déjeuner sont justifiées. Pour faire passer la pilule, il est indispensable de leur expliquer ce qu'ils ont à y gagner: transparence, équité, temps, etc. Et puis, surtout, le dirigeant de l'entreprise doit montrer l'exemple en s'appliquant les mêmes contraintes. Le responsable achats pourra formaliser ces règles dans une charte de bonnes pratiques, qui servira de référence aux nouveaux arrivants. «Attention cependant à demander des efforts raisonnables, prévient Thierry Magin (MCR Consultants). Le risque est de compromettre la performance des commerciaux, par exemple, en amputant leurs moyens.» Dans sa propre PME, ce consultant autorise ainsi l'invitation à déjeuner de certains prospects... s'il existe une chance de signer un contrat!
Mickaël Esnault, dirigeant de Libbre.fr
Témoignage
«J ai mis en place un challenge individuel de productivité»
Libbre.fr
ACTIVITE Portail de services aux entreprises
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007 2,5 millions d'euros
EFFECTIF 15 salariés
Mickaël Esnault, gérant du portail internet de services aux entreprises Libbre.fr, a mis en place un challenge individuel de productivité. Il emploie neuf téléopérateurs, chargés de renseigner des fichiers de prospects. Le chef d'entreprise a calculé que si ces derniers qualifiaient bien chaque contact, il pouvait économiser jusqu'à 7500 Euros par mois, soit ce que lui coûte la prestation des sociétés de maintenance des fichiers. Il a donc mis en place une mécanique simple de récompense, consistant à offrir un coffret-cadeau à chaque opérateur qui atteint ses objectifs d'efficacité. A la fin du premier mois, trois salariés ont obtenu un coffret-cadeau Liberty de 279 Euros, donnant droit à des récompenses de luxe (week-ends, etc.). En optimisant le rapport temps/informations obtenues, ils ont fait économiser 5000 Euros à l'entreprise. «L'idée était non seulement de réduire les coûts, mais également de montrer aux salariés qu'ils pouvaient être plus audacieux et poser plus de questions pour améliorer leur travail», explique le dirigeant. Qui garde encore plusieurs coffrets-cadeaux à distribuer et envisage d'autres récompenses, car l'opération n'est pas limitée dans le temps.