L'impact sur l'environnement des émissions de dioxyde de carbone (CO2) est devenu une priorité au niveau mondial. Dans le cadre du protocole de Kyoto, de nombreux pays, parmi lesquels la France, se sont engagés à réduire de 5,5% leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport au niveau atteint en 1990. De même, certaines entreprises se sont aussi engagées à réduire leurs émissions de C02, une politique qui a un impact direct sur les règles de déplacement des collaborateurs. Ainsi, une étude réalisée conjointement par l'Association of corporate travel executives (Acte) et l'éditeur KDS révèle que le critère de développement durable est désormais pris en compte par 45% des entreprises en Europe et aux Etats-Unis pour leur politique voyages. Toutefois, ce critère n'arrive qu'en troisième position, après la réduction des coûts et la sécurité. «Si certaines entreprises prennent des mesures en vue d'améliorer leur impact sur l'environnement, notre enquête montre également que la plupart des salariés considèrent qu'elles doivent en faire encore plus» indique Stanislas Berteloot, directeur marketing chez KDS. Malgré cette statistique plutôt encourageante, il semblerait que les entreprises françaises soient en retard sur le sujet.
Stanislas Berteloot, KDS
«Les voyageurs d'affaires semblent adopter une démarche responsable et active en matière de respect de l'environnement.»
Réaliser un bilan carbone
Selon le dernier baromètre EVP d American Express Voyages d'Affaires, seules 16% d'entre elles prennent en compte les émissions de CO2 dans le cadre de leur politique voyages. Pour Adelina Miteva, consultante au sein du cabinet Kyu spécialisé dans les achats et le développement durable, certaines grandes sociétés françaises ont bien mis en place des actions pour limiter les émissions de CO2 et les consommations de carburant de leur flotte de véhicules, mais elles sont loin d'être majoritaires. En effet, dans le cadre de leur politique de déplacements, les considérations écologiques ne sont pas primordiales dès lors qu'elles ne représentent pas un enjeu économique et qu'elles touchent au confort des personnes. «Il est plus difficile de demander à un dirigeant de privilégier le train plutôt que l'avion», illustre Adelina Miteva. Face à ce constat, le secteur des voyages (agences de voyages, compagnies ferroviaires et aériennes) multiplie les initiatives pour que les grandes entreprises intègrent des critères écologiques dans leur politique voyages. Des actions qui visent à évaluer et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
En réalisant un bilan carbone, les entreprises peuvent constater le lien entre leur activité et la dégradation de l'environnement. Pour ce faire, elles doivent demander à leur agence de voyages un état des kilomètres parcourus pour être en mesure de les convertir en émissions de CO2. Pour Yves Nanique, directeur général de l'agence de voyages HRG France, le calculateur de CO2 permet à l'entreprise d'évaluer, au moyen d'un outil simple d'utilisation, les conséquences sur l'environnement des moyens de déplacement choisis. D'autres agences utilisent des calculateurs de CO2 via les outils de réservation en ligne des éditeurs comme Traveldoo et KDS. De son côté, GetThere a directement intégré à son outil de réservation en ligne un lien vers un calculateur d'émissions de CO2.
La SNCF s'est également engagée dans une démarche verte. La compagnie ferroviaire propose ainsi, sur la page d'accueil de son site internet, un éco-comparateur. Ce logiciel calcule le prix, la durée et le nombre de kilogrammes de CO2 émis pour quatre moyens de transport: le train, l'avion de ligne, l'avion à bas prix et la voiture personnelle. Air France-KLM propose également, à partir de son site de réservation, un calculateur de CO2. Ce dernier permet de connaître la quantité de gaz à effet de serre émise pour un voyage effectué sur un avion de la compagnie aérienne.
Un exemple d'utilisation: la Caisse des Dépôts. Pour lutter contre le réchauffement climatique, cet établissement public a évalué les émissions de gaz à effet de serre liées au fonctionnement de l'ensemble de ses sites en France et de sa filiale de services informatiques, ce qui incluait notamment les déplacements de ses agents (professionnels et domicile-travail). Son bilan carbone, calculé selon la méthode homologuée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) à partir des activités et consommations 2004, s'établissait ainsi à 30 000 tonnes d'équivalent (teq) CO2 par an, soit 5,5 teq CO2 par collaborateur. Pour se conformer à la demande des pouvoirs publics de diviser par quatre les émissions du pays d'ici 2050, la Caisse des Dépôts s'est fixé pour objectif de réduire de 3% par an en moyenne ses émissions sur une première période 20062012. Les prestataires de voyages montrent eux-mêmes l'exemple. En avril 2007, Eurostar s'est engagée, dans le cadre de son programme «Voyage vert», à réduire les émissions résiduelles de CO2 de 25% par trajet et par voyageur d'ici 2012. Le train, qui relie en 2h15 la gare du Nord à la station de St Paneras International en Angleterre, s'inscrit dans cette démarche. Eurostar a également mis en place un plan d'actions en dix points qui touche l'ensemble des entités et différents métiers de la compagnie ferroviaire. Pour Jérôme Laffon, directeur des ventes et marketing chez Eurostar France, les compteurs de dépense d'énergie installés sur les trains vont, par exemple, permettre aux conducteurs de réguler la consommation d'énergie. En termes de réduction des gaz à effet de serre, les compagnies aériennes ne sont pas non plus en reste. Dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, Air France- KLM, Aéroports de Paris (ADP) et le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales ont signé avec le ministère de l'Ecologie un engagement visant à réduire de 50% d'ici à 2020 les émissions de CO2 par passager-kilomètre et de 80% celle d'oxyde d'azote.
Des programmes de carbo-compensation
Il existe également des programmes de carbo-compensation. Ces derniers permettent à une entreprise, lorsqu'elle n'est plus en mesure de réduire ses émissions de CO2, de financer un plan de réduction d'émissions équivalent chez un partenaire, dans un autre domaine d'activité. Comme le précise Christophe Drezet, consultant au sein du cabinet Epsa, «il s'agit d'un marché émergent où il y a encore peu d'entreprises». Toutefois, certains établissements comme la Caisse des Dépôts ont engagé une démarche de compensation des émissions de gaz à effet de serre par le financement de projets. La Caisse des Dépôts a ainsi réalisé la compensation de 60 000 teq CO2, ce qui correspond aux émissions non évitées en 2006-2007, en finançant trois projets labellisés Kyoto, dont un de captation de méthane dans une exploitation agricole aux Philippines.
Enfin, pour réduire leurs émissions de CO2, les entreprises peuvent limiter les déplacements de leurs collaborateurs en utilisant des solutions d'audio, de visio et de web conférence. Celles-ci permettent de planifier, gérer et animer des réunions virtuelles (formations, séminaires, réunions de travail...) entre des utilisateurs répartis sur différents sites géographiques. Selon une étude réalisée par Ipsos et Tanberg (spécialiste de la vidéoconférence), 38% des entreprises interrogées pensent que ce support est une solution efficace pour éviter les déplacements. Outre l'utilisation de la visioconférence, «les entreprises peuvent également initier une action de fond dans leur politique achats globale en privilégiant les produits et services éco -responsables», précise Christophe Drezet. Pour ce faire, les éditeurs référencent dans leurs outils de réservation en ligne, sous forme d'un sapin vert, les hôtels ayant adopté une charte de développement durable (recyclage de l'eau, utilisation de capteurs solaires, etc.). Reste aux voyageurs à privilégier ces établissements...
zoom
Une charte sur la compensation carbone
A la demande du ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie propose un portail web sur la compensation carbone volontaire (www.compensationC02.fr) et une charte de bonnes pratiques. Celle-ci valorise notamment le recours à des projets certifiés, dans le cadre du protocole de Kyoto, qui présentent à ce jour les garanties les plus abouties en termes de suivi des projets et d'unicité des unités carbone. Parmi les signataires de cette charte, figurent le ministère de l'Ecologie, les associations Action Carbone et C02 solidaire, ainsi que les entreprises Climat Mundi et EcoAct.
Jean-Francois Magne, travel manager, SFR
Témoignage
«Nous privilégions le train sur des trajets comme Paris-Marseille»
SFR se définit comme une entreprise citoyenne. La santé et l'environnement font notamment partie des cinq champs de responsabilité définis par l'opérateur de téléphonie mobile dans le cadre de sa politique de développement durable. Ainsi, SFR a créé une direction santé et environnement pourgérer les aspects liés à l'énergie, la gestion des déchets, l'intégration des antennes, la collecte des téléphones mobiles et les déplacements. II y a trois ans, cette dernière a notamment dressé un reporting détaillé des émissions de CO2 générées par SFR, et not a m m e n t les déplacements professionnels des collaborateurs. Depuis l'an dernier, elle a mis en place un éco-calculateur pour mesurer les coûts et les émissions de CO2 générés. Les règles définies par la politique voyages de l'entreprise prennent également en compte des critères de développement durable. «Nous privilégions le train sur des trajets comme Paris-Marseille ou Paris-Bordeaux», illustre Jean-François Magne, travel manager. Pour limiter les déplacements, SFR utilise aussi des solutions d'audio, de visio et de web conférence et prend en compte le critère CO2 dans ses achats de véhicules de fonction.
L'entreprise
SFR
ACTIVITE
Opérateur de téléphonie mobile
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
9 milliards d'euros
EFFECTIF GLOBAL
6 100 personnes
EFFECTIF DIRECTION ACHATS
60 personnes
VOLUME D'ACHATS
3 milliards d'euros
Bertrand Le Bert, président, et Dominique Vatry, responsable des achats et des services généraux de Roche Diagnostics en France
Témoignage
«Nous souhaitons réduire nos émissions de CO2 de 10% d'ici à 2010»
Dans le cadre de sa politique de développement durable lancée en 2003, Roche Diagnostics, filiale française du groupe pharmaceutique suisse Roche, a mis en place dans chacune de ses entités un suivi obligatoire, sous forme de reporting, des évolutions d'émissions de CO2 générées par les véhicules de fonction et les voyages en avion. L'objectif est de diminuer de 10% les émissions de CO2 par salarié, sur la période 2005-2010. Pour ce faire, Roche Diagnostics privilégie le train à l'avion. «Les émissions de CO2 sont au coeur des préoccupations environnementales de la politique voyages de Roche Diagnostics», confirme Bertrand Le Bert, son président. La filiale du groupe Roche organise également ses séminaires ou réunions sur des trajets empruntés par des lignes de TGV, plutôt que de recourir à l'avion.
Elle préconise, pour son personnel, l'usage du métro, du RER, des bus plutôt que celui du taxi. Pour limiter les déplacements de ses collaborateurs, l'entreprise a également équipé une des salles de réunion de son siège social de solutions d'audio, de visio et de web conférence. «Depuis deux ans, pour toute location de véhicules, les salariés de Roche Diagnostics disposent de voitures de catégorie B ou I (diesel) ayant un taux de CO2 inférieur à 140 g», conclut DominiqueVatry, responsable des achats et des services généraux de Roche Diagnostics.
L'entreprise
Roche Diagnostics France
ACTIVITE
Commercialisation et distribution des produits et services pharmaceutiques
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
321,1 millions d'euros
EFFECTIF GLOBAL
506 personnes
EFFECTIF ACHATS
10 personnes
VOLUME D'ACHATS GLOBAL
20 millions d'euros
VOLUME D'ACHATS DE VOYAGES
2 millions d'euros