Diversité : quand l'accueil devient citoyen
En faveur d'une plus grande diversité dans leur personnel, certaines entreprises utilisent l'accueil comme vitrine de leur engagement. Emploi de seniors, de collaborateurs handicapés... Retour sur des politiques RH qui répondent aux dernières dispositions législatives en matière de discrimination positive.
Je m'abonneSophie, 22 ans, est belle, blonde et étudiante. Elle correspond parfaitement au stéréotype de l'hôtesse d'accueil. Mais ce dernier serait-il en voie de disparition ? «Pour favoriser l'égalité des chances au travail, les entreprises, soucieuses de leur image et de leur éthique, ont initié depuis quelques années une démarche visant à promouvoir la diversité de leur personnel, rappelle Cécile Guelfucci, directrice des relations extérieures de Pénélope. Cette démarche passe notamment par un recrutement plus ouvert auprès de populations auparavant victimes de discrimination, des seniors aux personnes issues de minorités, sans oublier celles souffrant d'un handicap.» Et pour véhiculer cette image citoyenne, l'accueil est en première ligne «car il produit la première impression que clients et collaborateurs ont d'une société», souligne Laurent Alberola, DRH de City One.
Gains pour le prestataire et l'entreprise
Pour y parvenir, les prestataires d'accueil emploient les grands moyens : modes de recrutement étendus, partenariats avec des associations, plans de communication... Autant d'initiatives qui visent à diversifier et professionnaliser leurs services accueil encore largement prisonniers des stéréotypes. A la clé, les gains pour le prestataire comme pour le client sont multiples. Car au-delà de la valorisation de leur image, les parties prenantes répondent à leur obligation d'emploi ou de collaboration avec des seniors et des handicapés. Un moyen d'éviter de lourdes sanctions financières. Témoignages et retours d'expérience sur une problématique plus que jamais d'actualité.
Des profils d'hôtesses plus éclectiques
Des seniors aux minorités visibles, les prestataires d'accueil élargissent leurs méthodes de recrutement pour donner au métier d'hôtesse une nouvelle image, à la fois plus ouverte et plus professionnelle. Décryptage.
«Dans notre entreprise, les collaborateurs ont des personnalités et des origines variées. Aussi, lorsque je choisis les hôtesses parmi celles proposées par notre prestataire, je me concentre d'abord sur leurs compétences, mais tiens également à ce qu'elles reflètent cette diversité», explique Véronique Leterrier, responsable achats et services généraux de Marithé et François Girbaud, groupe spécialisé dans la fabrication et la distribution de prêt-à-porter haut de gamme. A l'instar de cette entreprise, bon nombre de grands groupes comme de PME misent sur leur accueil pour illustrer leurs engagements en matière de responsabilité sociétale. «Dans un contexte où l'image est au coeur de la stratégie des entreprises, le choix de l'hôtesse d'accueil constitue plus que jamais un vecteur efficace de valeurs et de messages», rappelle Cécile Guelfucci, directrice des relations extérieures de Pénélope.
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Formations et partenariats avec des écoles
Pour assister leurs clients dans cette démarche, les spécialistes de l'accueil ont pris le taureau par les cornes. City One, Phone Régie, Pénélope, CC Team Aurore... si les poids lourds du secteur ont signé la Charte de la diversité en entreprise qui les engage à promouvoir l'égalité des chances, ils mènent également des actions plus poussées qui dépassent le simple engagement. Ainsi, Phone Régie mise depuis deux ans sur des formations en alternance pour recruter des personnes issues des minorités. Des partenariats avec des écoles ont été établis, et ce pour proposer aux populations issues de milieux défavorisés une expérience certifiante de six mois composée d'enseignements théoriques et d'un travail sur le terrain. « Ces personnes qui ont besoin d'une formation adaptée peuvent ainsi apprendre les rudiments du métier de l'accueil : bonne présentation, maîtrise du français et de l'anglais, gestion du stress, exercices de simulation...», explique Emmanuel Gautret, DRH de Phone Régie.
Quant à Pénélope, la société est référencée dans l'annuaire national de la diversité et de l'égalité des chances. «Même si nous n'avons pas radicalement changé nos méthodes de recrutement, nous les avons élargies à une population spécifique par le biais d'un réseau d'associations locales et partenaires offrant des modules d'e-learning sur mesure», indique Cécile Guelfucci.
Quelles que soient les méthodes adoptées par les prestataires, une chose est sûre : les mentalités des clients évoluent en faveur de l'embauche d'hôtesses issues de minorités. Si la discrimination, même positive, est prohibée et passible de sanctions pénales, interdisant aux donneurs d'ordres d'émettre des clauses spécifiques quant à l'apparence physique ou l'ethnie des salariés des agences d'accueil, «la diversité est de plus en plus considérée comme une source de richesse sur laquelle les entreprises aiment largement capitaliser», note Laurent Alberola, DRH de City One.
La loi booste l'emploi des seniors
Mais peut-on en dire autant concernant les seniors, autre catégorie particulièrement vulnérable face au chômage ? «Il est vrai que notre métier donne le sentiment d'être plus ouvert aux jeunes qu'aux personnes expérimentées, admet Emmanuel Gautret (Phone Régie). Aussi depuis deux ans, nous nous efforçons défaire évoluer notre recrutement afin de favoriser l'emploi des seniors. » Une démarche boostée par la récente loi qui impose à toutes les entreprises de mettre en place des plans d'actions en faveur de l'emploi des seniors. Résultat : les spécialistes de l'accueil ont signé, tour à tour, des accords avec leurs partenaires sociaux pour répondre à leur obligation légale. «Nous privilégions notamment ces profils sur des postes à responsabilités tels que celui de chef hôtesse, où l'expérience et la maturité professionnelle des collaborateurs constituent des atouts importants», précise le DRH.
Pour valoriser l'expérience de ses hôtesses seniors, CC Team Aurore entend miser davantage sur un système de tutorat qui permettra aux collaborateurs expérimentés de former les nouvelles recrues. «Nous allons aussi mettre en place des entretiens individualisés avec nos seniors pour s'assurer du bon suivi de leur fin de carrière», confie Daniel Guérin, président de CC Team Aurore. Et Cécile Guelfucci (Pénélope) de rappeler : «Embaucher des hôtesses dotées d'une maturité et d'une véritable expérience, c'est contribuer à professionnaliser le métier de l'accueil et à faire évoluer son image. » Un atout non négligeable dans un secteur où le cliché de la jeune et jolie hôtesse reste plus que jamais de rigueur.
Cécile Gualfucci, Pénélope : «L'image étant au coeur de la stratégie des entreprises, le choix de l'hôtesse d'accueil est plus que jamais un vecteur efficace de valeurs et de messages.»
L'accueil, nouvelle voie d'insertion des handicapés
Si, pour répondre à leur obligation d'emploi de salariés handicapés, les entreprises procèdent généralement à des embauches directes, d'autres privilégient la mise à disposition de personnel sur site, via un prestataire. Exemple avec l'accueil, un marché où les clients sont de plus en plus demandeurs de ce type de profil.
Daniel Guérin, CC Team Aurore: Nous avons réalisé un diagnostic afin de dégager les différents leviers d'amélioration de notre politique handicap.
Favoriser l'intégration des travailleurs handicapés via un prestataire. Voici l'un des leviers à disposition des entreprises pour réduire la contribution qu'elles doivent payer à l'Agefiph (Association de gestion des fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) en cas de manquement à leur obligation d'emploi de 6 % de salariés handicapés (loi du 11 février 2005). En effet, comme l'explique Jean-Gabriel Gil, responsable du service de contribution de l'Agefiph, «tout établissement qui bénéficie de la mise à disposition d'un salarié handicapé par un prestataire peut déclarer cette personne, à la place de ce dernier, dans ses 6 % de travailleurs en situation de handicap
Un premier logo handi-accueillant
Une solution sur laquelle misent déjà nombre de services achats pour s'acquitter de la contribution Agefiph. Et parmi les prestations humaines existantes, l'accueil constitue un terrain d'action stratégique : «L'esprit de la loi de 2005 insiste sur la nécessité, pour chaque entreprise, de communiquer en interne, comme en externe, sur sa politique d'intégration des salariés handicapés», indique Farid Ben Malek, responsable des partenariats au sein du réseau Gesat qui fédère les Esat (établissements et services d'aide par le travail) et EA (entreprises adaptées). Selon ce dernier, il s'agit de valoriser l'emploi de ces personnes à des postes visibles, en relation directe avec les collaborateurs ou les clients de la structure, afin que leur regard sur le handicap change. «Les sociétés qui recrutent des hôtesses handicapées s'inscrivent dans cette démarche puisqu'elles mettent en avant leur engagement», se félicite Farid Ben Malek.
Une configuration qui explique la hausse des appels d'offres spécifiant le recours à du personnel handicapé. Et pour répondre à ces demandes, les prestataires n'ont d'autre choix que de se mettre à la page. D'autant qu'ils sont, eux aussi, soumis à cette obligation d'emploi. «Pour favoriser cette démarche, le Syndicat national des prestataires de services d'accueil (SNPA) a créé, avec le concours d'Accueil fob [le site web d'offres d'emploi du secteur, NDLR], le logo handi-accueillant. Il vise à signaler aux candidats que nous sommes ouverts à l'embauche de personnes souffrant d'un handicap», détaille Laurent Alberola, responsable RH de City One. Courant 2010, une charte sera créée pour régir l'utilisation de ce logo. Et le responsable de compléter : «Pour pousser cette démarche encore plus loin, toutes les annonces du secteur sont désormais reprises sur le site www.hanploi.com [site de l'association Hanploi-CED qui aide les entreprises à recruter des handicapés].»
Plaquettes de sensibilisation
Si le secteur de l'accueil se responsabilise, chaque acteur du marché s'engage à son propre niveau. Ainsi, nombre de prestataires comme City One ou CC Team Aurore ont mis en place en interne une plaquette de sensibilisation visant à «démythifier le handicap». D'autres entreprises, à l'instar de Pénélope ou Phone Régie, privilégient des partenariats avec des associations spécialisées telles que Handipass, exposent dans des salons professionnels spécialisés en la matière, ou encore lancent des actions de communication de grande envergure. «Nous avons établi, en février 2009, en partenariat avec la mission emploi des travailleurs handicapés de Paris [qui promeut l'emploi et le placement des personnes handicapées en entreprise], un diagnostic de l'existant pour dégager les différents leviers d'amélioration de notre politique handicap », témoigne Daniel Guérin, président de CC Team Aurore.
Emmanuel Gautret, Phone Régie: «Aujourd'hui, nous avons une plus grande marge de manoeuvre financière pour aménager les postes de travail de nos hôtesses handicapées.
Des accords d'entreprise chez les prestataires
Autant d'initiatives qui visent un objectif : développer un réseau pour mieux entrer en contact avec les candidats handicapés. «Depuis peu, notre service RH compte une personne dédiée à l'embauche d'hôtes et hôtesses handicapés. Une action indispensable pour développer le réseau et trouver les profils adéquats», souligne Cécile Guelfucci, directrice des relations extérieures de Pénélope. D'autant que ce recrutement n'est pas une mince affaire. Ainsi, la majorité des professionnels de ce marché affichent des taux d'emploi de personnes handicapées avoisinant les 2 ou 3%, soit loin des 6 % requis par la loi.
Aussi, pour éviter les sanctions financières, Pénélope, Phone Régie ou encore CC Team Aurore misent sur la signature d'accords d'entreprise avec leurs partenaires sociaux. «Ces accords, d'une durée de trois ans, constituent l'une des alternatives pour satisfaire notre obligation légale», rappelle Emmanuel Gautret, DRH de Phone Régie. Dans ce cadre, le groupe a décidé d'investir 280 000 euros par an pour financer des actions pour améliorer l'embauche et le maintien au travail des handicapés. Son objectif est d'augmenter son taux d'emploi de deux points d'ici à trois ans. Grâce à ces accords, la contribution que le prestataire payait auparavant à l'Agefiph est désormais conservée en interne pour investir dans ses propres actions en faveur du handicap. «Résultat, notre politique d'emploi gagne en efficacité puisque nous avons par exemple une plus grande marge de manoeuvre pour financer les aménagements, très onéreux, des postes de travail de nos hôtesses», se réjouit Emmanuel Gautret. Sur un marché du travail où l'offre reste bien supérieure à la demande, ces actions pourraient favoriser un meilleur recrutement sur le long terme. D'autant que les sanctions, en cas de manquement à l'obligation d'emploi, ont été alourdies. En effet, comme le note Jean-Gabriel Gil (Agefiph), la contribution est passée en 2009 de 400 à 600 fois le Smic selon la taille de la société à 1 500 fois pour toutes les entreprises n'ayant pas mené d'actions continues en faveur de l'intégration des travailleurs handicapés durant l'une des quatre dernières années.
Laurent Hatchuel, responsable des prestations transversales clients, Société Générale
Expérience
«Nous collaborons depuis 35 ans avec un standardiste non-voyant»
Particulièrement investie dans l'emploi de salariés handicapés, la Société Générale collabore depuis 35 ans avec un travailleur non-voyant en charge de l'accueil téléphonique. Pour adapter son poste de travail, la Société Générale achète du matériel auprès de United Vision, une société spécialisée dans les aides techniques braille et basse vision. «Nous faisons réviser le matériel régulièrement pour s'assurer que notre collaborateur est toujours équipé de solutions adaptées et innovantes», explique Laurent Hatchuel, responsable des prestations transversales clients au sein de la banque.
Ce collaborateur handicapé utilise un ordinateur, un téléphone et un scanner munis de logiciels spécifiques avec fonctions vocale et braille. «Hormis cela, il réalise autant de tâches que ses collègues et de manière aussi efficace», précise Laurent Hatchuel. Et sur le plan d'accessibilité au poste de travail, le groupe n'a pas eu à prévoir d'aménagements spécifiques importants. «Le bureau de notre collaborateur est situé au rez-de-chaussée, il peut donc s'y rendre aisément, indique Laurent Hatchuel. D'une façon générale, notre salarié est autonome et très bien intégré.» Et d'ajouter : «Étant donné son ancienneté, il a joué, à plusieurs reprises, le rôle d'intégrateur voire de formateur lorsque nous recrutions notamment des intérimaires.»
Société Générale
ACTIVITE
Banque
PRODUIT NET BANCAIRE 2009
21,9 milliards d'euros
EFFECTIF TOTAL
163 000 salariés
VOLUME D'ACHATS 2009
5 milliards d'euros
Une expérience concluante pour LCIE
Un accueil confié à deux hôtes, l'un senior, l'autre handicapé, c'est le parti adopté par LCIE. La filiale de Bureau Veritas a ainsi professionnalisé ce service tout en répondant à son obligation d'emploi de travailleurs handicapés.
Depuis cinq ans, LCIE, une filiale de Bureau Veritas spécialisée dans la certification des produits et équipements électriques, confie son accueil à des salariés handicapés. «La principale exigence que nous exprimons auprès de notre prestataire, Pénélope, est que nos hôtesses maîtrisent l'anglais, confie Robert Gadaud, responsable des services généraux de l'entreprise. Mais comme notre objectif est aussi de se conformer à l'obligation d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés, l'accueil nous semblait être une fonction où l'on pourrait trouver ce type de profil sans trop de difficultés.». En effet, comme de nombreuses entreprises, LCIE a du mal à recruter des collaborateurs handicapés dans les services liés à son coeur de métier. « Par conséquent, nous avons décidé de modifier notre contrat, pour inclure une clause spécifiant cette demande. »
Pénurie de personnel
Si, au départ, LCIE souhaitait disposer de deux hôtesses handicapées, une le matin et l'autre l'après midi, elle a dû se contenter d'un demi-poste. La raison ? «Même dans les métiers de l'accueil, il est difficile de trouver des hôtesses en situation de handicap,» constate Robert Gadaud. Un poste à mi-temps qui permet toutefois d'augmenter le taux de collaborateurs handicapés de l'entreprise. Au départ, LCIE a collaboré avec une femme ayant un handicap psychique, se souvient-il. «Malgré son investissement, elle a dû quitter sa fonction après quelques années, les trajets, très longs, entre son domicile et l'entreprise n'étant plus adaptés à son handicap», se souvient Robert Gadaud. Pénélope s'est chargé de lui trouver un nouveau travail, plus en adéquation avec son incapacité. Elle a été remplacée par un collaborateur dont l'infirmité physique n'imposait pas d'aménager de poste.
«Même si nous avons conscience de l'impact en termes d'image qu'a le recours à du personnel d'accueil handicapé, notre objectif premier est de travailler avec des hôtesses compétentes, quel que soit leur profil», rappelle Robert Gadaud. Car la première impression que les visiteurs ont d'une entreprise repose avant tout sur «la qualité de son accueil».
C'est d'ailleurs pour conférer à son accueil une image plus professionnelle que la société fait aussi appel à des hôtesses expérimentées. Depuis deux ans, une hôtesse senior gère ainsi l'accueil l'après-midi. «Forte d'une expérience de secrétaire, elle est très à l'aise pour gérer les tâches que nous lui confions. De plus, elle sait s'imposer auprès des visiteurs, ce qui lui permet d' établir une relation de qualité avec eux», se félicite Robert Gadaud.
Robert Gadaud, LCIE: «Notre objectif premier est de travailler avec des hôtesses compétentes, quel que soit leur profil.»
LCIE Bureau Veritas
ACTIVITE
Certification des produits et équipements électriques
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009
22 millions d'euros
EFFECTIF
220 salariés
VOLUME D'ACHATS 2009
3,6 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS
2 collaborateurs