Défibrillateurs: un achat sous assistance
Les commandes de défibrillateurs se multiplient, depuis l'autorisation de l'usage des appareils automatisés par le grand public. Un achat très technique, qui nécessite le conseil de spécialistes.
Je m'abonnePresque deux ans après la parution du décret de mai 2007, étendant l'usage des défibrillateurs automatisés externes (DAE) au grand public, au moins 3 300 appareils ont déjà été installés dans des lieux publics (piscines et équipements sportifs municipaux, musées, voie publique...) de plus de 80 communes et d'une dizaine de communautés de communes, selon la Fédération française de cardiologie (FFC). «Environ 2 300 appareils devraient être installés dans les prochains mois», ajoute-t-on à la FFC, qui a dressé ce premier bilan en septembre dernier. L'équipement en défibrillateurs répond à un enjeu vital en matière de santé publique. Selon la fédération, 50 000 personnes décèdent chaque année des suites d'un arrêt cardiaque, faute d'une intervention efficace dans les cinq minutes. L'utilisation de DAE dans ce laps de temps, et en attendant l'arrivée des secours, permettrait de sauver 5 000 vies.
Pour cet achat au coût relativement modeste (un appareil coûte en moyenne entre 1 500 et 2 000 Euros), la technicité reste la principale difficulté. Les collectivités intéressées s'appuient donc en général sur les conseils de spécialistes, dès l'étape de recensement du besoin et pour rédiger le cahier des charges. «Les intervenants sont très divers, constate Xavier Lefebvre, gérant de Daexal, un distributeur spécialisé. Il peut s'agir d'un cardiologue du centre hospitalier de la ville, de la Croix- Rouge, du Samu local, des pompiers ou, parfois même, du médecin généraliste.» Fabricants (Philips, Schiller, Medtronic...) ou distributeurs fournissent aussi du conseil. Au final, le critère technique prend une place prépondérante dans les documents de consultation. «En général, la fiabilité et la simplicité d'utilisation sont pondérées à 50 ou 60%, observe Christophe Lévèque, directeur général de Schiller France. Le prix représente 30%, devant le SAV et la fiabilité du fournisseur.»
Matthias Berahya-Lazarus, NM Médical
«En France, les communes préfèrent les défibrillateurs entièrement automatiques.»
Semi ou entièrement automatiques?
Au niveau du choix du matériel, il existe deux types d'appareils automatisés externes: les défibrillateurs semi- automatiques (DSA) et les défibrillateurs entièrement automatiques (DEA). Tous deux analysent le rythme cardiaque et décident de la nécessité de délivrer ou non, un choc. Cependant, avec le DE A , le choc électrique est déclenché par l'appareil, alors qu'avec le DSA, c'est le sauveteur qui assure ce déclenchement. «En France, la grande majorité des appels d'offres porte sur les DEA, observe Matthias Berahya-Lazarus, directeur général du distributeur NM Médical. Cela s'explique surtout par le fait que les appareils semi-automatiques demeurent largement méconnus.» Pour Sylvie Robert, directrice de santé au sein du Grand Nancy, qui a coordonné un groupement de commandes pour une vingtaine de communes, il existe également un facteur psychologique. «L'utilisateur du défibrillateur est davantage rassuré s'il sait que c'est la machine qui déclenche le choc, analyse-t-elle. Cet aspect est d'autant plus important en France, où nous partons de zéro en matière de sensibilisation et de formation sur les gestes qui sauvent en cas d'arrêt cardiaque.» Dans les faits, les DSA sont surtout réservés aux lieux fermés (piscines, gymnases...), où une partie du personnel est formée aux premiers secours.
Le type de matériel choisi peut donc être en partie conditionné par son emplacement final. Pour savoir où implanter les DEA, chaque commune tente de définir ses besoins selon les informations dont elle dispose. Une grande ville comme Paris, qui a lancé un marché d'un million d'euros pour l'achat de DEA en 2007, a bénéficié d'un diagnostic précis. Les 368 cas d'arrêts cardiaques qui se sont produits entre 2005 et 2007 ont ainsi été passés au crible pour définir les emplacements les plus propices (musées, médiathèques, parvis des gares...).
Nantes, les premiers défibrillateurs automatisés ont été installés dans la mairie centrale, des médiathèques et des pharmacies du centre-ville.
Expérience
La municipalité de Nantes s'équipe de défibrillateurs en plusieurs vagues
A Nantes, environ 100 décès par an seraient causés par des malaises cardiaques, selon les statistiques médicales. Dès 2007, la commune a passé un marché auprès de l'Ugap pour équiper la ville en défibrillateurs entièrement automatiques (DEA), chaque appareil coûtant environ 1 500 Euros. Elle a ensuite sollicité les pompiers et le référent cardiologue du Samu pour détecter les emplacements les plus judicieux. «En recoupant les informations, nous avons d'abord identifié la population à risque, comme les hommes de plus de 50 ans», explique Hélène Lepoivre, responsable du service santé publique. La majorité de cette population circulant en centre- ville, c'est donc cette zone qui a été choisie, début 2008, pour l'installation d'une première dizaine de défibrillateurs. Après mûre réflexion sur l'emplacement précis des appareils (dans la rue, sur un mur...), ces derniers ont été placés dans le hall de la mairie centrale, dans trois médiathèques très fréquentées ainsi que dans des pharmacies du centre-ville. «La ville de Caen nous a inspiré l'idée des officines, qui sont un lieu adapté pour relayer une politique de santé.» Une fois sensibilisés, la plupart des pharmaciens sollicités ont accepté de placer un DEA dans leurs locaux. Aujourd'hui, Nantes est entré dans une seconde phase d'équipement. «Nous allons continuer d'installer des appareils dans des pharmacies du centre-ville et commencer les installations en périphérie, notamment dans les centres commerciaux», indique Hélène Lepoivre. A terme, les gymnases, les musées et les sites sportifs seront aussi concernés. Mais pas seulement. «Pour ce type d'équipement, le dialogue entre tous les services publics est nécessaire. C'est pourquoi nous avons sensibilisé nos partenaires des transports afin qu'il s installent des défibrillateurs dans les autobus», note Hélène Lepoivre.
Nantes
DEPARTEMENT
Loire-Atlantique
BUDGET 2008
946 millions d'euros
NOMBRE D'HABITANTS
291 000
Deux niveaux de formation
Une fois le produit sélectionné, l'une des principales prestations associées demandées par les communes est la format ion. Celle-ci se situe à deux niveaux . Elle concerne d'abord l'utilisation de l'appareil. Le fabricant ou le distributeur, via un partenariat, par exemple avec la Croix- Rouge, délivre cette prestation relativement simple, du fait de l'automatisme de l'appareil. «Sur la majorité des modèles, une voix électronique détaille les différentes étapes à suivre», explique Sylvie Robert (Grand Nancy). Généralement, le public visé par ce niveau de formation est constitué d'agents administratifs, qui auront un rôle de relais d'information. Dans un second temps, certaines collectivités font le choix de former la population. C'est le cas à Luçon (Vendée), où la moitié des habitants, soit 5 000 personnes, ont appris à se servir de la douzaine de défibrillateurs qui équipent les rues de la commune depuis le début 2007, mais également les gestes de premiers secours. Dispensée par la Croix-Rouge, la formation a duré une heure et demie. «Nous avions noué un partenariat avec l'antenne locale de l'association, afin qu'elle nous conseille sur l'achat de ce type de matériel, explique Gilles Gueret, directeur juridique et développement. La Croix-Rouge a proposé ensuite de former les habitants dans une salle communale mise à disposition.» Les populations scolaire (élèves du collège, professeurs...) et professionnelle (gendarmes, agents administratifs en contact avec le public, associations sportives...) ont été les premières concernées. Une campagne destinée aux habitants, relayée par des affichettes et le journal municipal, a étoffé le dispositif d'information.
Avec la formation, l'entretien est un autre point important en matière d'achat de défibrillateurs. Cela concerne principalement le renouvellement des consommables. Il en existe deux sortes: les cartouches d'électrodes recouvertes d'un gel spécifique, dont la durée de vie est d'environ deux ans, ainsi que les piles alimentant le défibrillateur, qui doivent être changées tous les trois ans ou tous les 200 chocs. En général, ce suivi est facilité par l'automatisation des appareils, sur lesquels une lumière clignote lorsque les consommables doivent être changés. Deux cas de figures existent: soit la commune se charge de cette tâche, soit elle la confie au fabricant. Chaque collectivité fait son choix en fonction du nombre d'appareils à entretenir. Mais, dans les villes importantes, la télégestion semble nécessaire pour gérer au mieux les dizaines d'appareils. Des vies en dépendent peut-être.