Comment optimiser son budget hôtellerie
Alors que dernièrement les entreprises ont cherché à maîtriser en priorité leurs dépenses aériennes, l'optimisation des réservations hôtelières a souvent été mise de côté. Pourtant, les économies réalisables dans ce domaine ne sont pas négligeables. Explications.
Je m'abonneChargé de mission déplacements professionnels chez Veolia Environnement, Abdelaziz Bougja le reconnaît lui-même: rationaliser les dépenses hôtelières est loin d'être une sinécure. «Les données liées à cette famille d'achats sont très difficiles à consolider, explique-t-il. Il faut procéder ville par ville. Or un certain nombre de réservations échappent aux outils déployés par l'entreprise car les voyageurs ont leurs propres habitudes dans ce domaine. Cela demande beaucoup de temps et d' énergie pour posséder une vision très précise de ce que l'on dépense. » Chez Veolia Environnement, l'hôtellerie représente un budget annuel moyen estimé à 32 millions d'euros dans le monde, dont la moitié en France. En 2009, des réservations ont été effectuées dans plus de 4 000 établissements. «Des grandes chaînes mais aussi des hôtels indépendants, précise Abdelaziz Bougja. Et c'est justement auprès de ces établissements intermédiaires qu'il est très difficile de récupérer des informations. » Il faut dire que l'intérêt n'est pas seulement économique. Réserver des nuitées dans des hôtels référencés par l'entreprise fait partie de la politique de sécurité du groupe. « Cela nous permet de localiser nos voyageurs rapidement et de les évacuer en cas de danger», reprend Abdelaziz Bougja. Pour lui, il faut donc que les règles de réservations hôtelières soient «simples et adaptées à chaque contexte local». Ainsi, beaucoup d'entreprises cherchent à rationaliser leurs dépenses hôtelières. Pour 60 % des travel managers il s'agit même d'une priorité venant avant l'amélioration du respect des politiques voyages ou l'optimisation des dépenses dans l'aérien et le rail, selon une étude réalisée fin 2009 par Carlson Wagonlit Travel (CWT). Il faut dire que le potentiel d'économies n'est pas négligeable. «Alors que l'hôtellerie représente en moyenne 40 % des dépenses de voyages dans les entreprises, nous estimons qu'il est possible de réaliser une économie moyenne de 21 % sur ce budget par la mise en place d'un certain nombre de bonnes pratiques », avance Julie Fouard, directrice marketing de CWT France. Dans sa newsletter du 30 avril dernier, justement consacrée à l'optimisation des dépenses hôtelières, le cabinet de conseil Epsa indiquait pour sa part réaliser en moyenne 13 % d'économies sur ce genre de missions et confirmait que dans certains cas les gains pouvaient être supérieurs à 20 %.
250 000 établissements dans le monde
Comment expliquer de telles performances? «Historiquement, les entreprises se sont attaqué en priorité à l'aérien, une catégorie de dépenses beaucoup plus importante et donc beaucoup plus visible que l'hôtellerie, d'où un certain retard dans ce domaine, note Jean-Marc Dandurand, directeur conseil chez American Express Voyages Affaires. Dans certaines organisations, la politique voyages ne définit même pas de règles en matière de réservations hôtelières. Seules quelques chaînes sont référencées, voire des établissements indépendants, mais cela ne va pas plus loin. » Cependant, l'optimisation de ces dépenses n'en reste pas moins compliquée. Tout d'abord, il s'agit d'un marché extrêmement éclaté où l'on dénombre pas moins de 250 000 fournisseurs, avec 60 % d'établissements indépendants et 40 % d'hôtels appartenant à des grandes chaînes. Par ailleurs, la pratique du yield management, qui consiste pour les hôteliers à faire fluctuer le prix de la chambre en temps réel en fonction de l'offre et de la demande, complexifie la lisibilité des grilles tarifaires des établissements. Dès lors, il est difficile pour un travel manager de savoir si les collaborateurs de l'entreprise réservent leurs nuits d'hôtel dans les établissements affichant les prix les plus compétitifs. Pour rationaliser ce poste de dépenses, il est donc nécessaire de consolider toutes les données liées à l'hôtellerie - nombre de voyageurs, de réservations effectuées, d'établissements fréquentés sur telle ou telle destination, etc. -, ce qui dans la pratique n'est pas une mince affaire. «Dans les entreprises, 65 % des réservations hôtelières sont directement effectuées par les collaborateurs, sans passer par les agences de voyages ou par un outil interne de réservation en ligne, constate Jean-Marc Dandurant (American Express). Résultat, il est très difficile de récupérer des données très fines, pourtant indispensables pour référencer des hôtels et des tarifs avantageux. »
Changer les habitudes des collaborateurs
Les informations fournies par les outils de réservation en ligne, les logiciels de gestion de notes de frais, les agences de voyages et autres centrales de réservation hôtelière peuvent se révéler très utiles. «Il faut identifier les les où les collaborateurs de l'entreprise séjournent plus souvent, puis négocier le prix des chambres avec trois ou quatre établissements avant de les référencer», reprend Jean-Marc Dandurant. Un choix plus cornélien qu'il n'y paraît. « Une nuit passée dans un hôtel relève d'un choix personnel, même dans le cadre d'un déplacement professionnel», explique Christophe Drezet, consultant au sein du cabinet Epsa. Selon lui, il n'est pas aisé d'imposer des établissements alors que les collaborateurs ont souvent l'habitude de fréquenter des hôtels qu'ils apprécient, sans tenir compte des politiques de référencement de leur entreprise et des tarifs négociés. « Toute la difficulté réside donc à trouver un compromis entre la satisfaction du voyageur et la réduction de la facture hôtelière», résume le consultant.
Le prix des chambres se négocie en fonction du volume annuel de nuitées que l'entreprise est susceptible de garantir à tel ou tel établissement, d'où l'importance de posséder des données consolidées et fables au moment de la négociation. Il est également possible de négocier des remises arrières en fin d'année si les objectifs en termes de réservation ont été atteints. Par ailleurs, certains services peuvent devenir gratuits, notamment dans les grandes chaînes, comme le parking, le petit-déjeuner, la navette vers l'aéroport, voire le wi-f. «Les établissements indépendants ne sont pas nécessairement plus chers que les chaînes hôtelières», rappelle Jean-Marc Dandurant (American Express). Pour bénéficier du tarif négocié quel que soit le taux de remplissage de l'établissement, certaines entreprises souscrivent à un service qui leur garantit cette possibilité. Dans le jargon des hôteliers, on parle de LRA, ce qui signifie Last Room Availability. « Contrairement à une idée reçue, ce service n'est pas avantageux car il a un coût. Mieux vaut demander et apprendre aux collaborateurs de l'entreprise à réserver le plus tôt possible leur chambre», conseille Jean-Marc Dandurant.
Communiquer les bonnes pratiques
Pour l'ensemble des spécialistes, l'optimisation des dépenses hôtelières repose en grande partie sur la communication autour des bonnes pratiques et des règles de réservation hôtelières. « Ces règles doivent être claires, précises et communiquées, notamment aux assistantes qui effectuent encore un certain nombre de réservations, souligne Julie Fouard (CWT). Dans la mesure du possible, il faut rendre obligatoires les réservations dans les hôtels référencés par l'entreprise. Et si un établissement référencé est complet, il faut prévoir d'autres règles de réservation. » Pour Christophe Drezet (Epsa), il faut également «recommander fortement, voire rendre obligatoires » les canaux de réservation qui garantissent un meilleur respect de la politique voyages de l'entreprise, «notamment l'agence de voyages et les outils de réservation en ligne qui intègrent directement les hôtels et les tarifs négociés». Le reporting est un autre élément-clé pour réduire ses dépenses. L'analyse des consommations permet au travel manager, d'une part, de vérifier que les collaborateurs de l'entreprise réservent bien dans les établissements sélectionnés et que, le cas échéant, cette politique de référencement correspond bien à leurs besoins, et d'autre part, que les établissements appliquent bien le tarif négocié, et notamment la LRA si l'entreprise y a souscrit. «Il est indispensable pour les responsables voyages de contrôler la mise en oeuvre de leur programme hôtelier et de surveiller que les engagements des hôteliers sont bien respectés», indique Christophe Drezet qui conseille enfin de conserver les trois quarts du programme hôtelier d'une année sur l'autre. En effet, en améliorant le respect de la politique voyages et donc les réservations auprès des établissements référencés, l'entreprise pourra obtenir sur le long terme des conditions tarifaires avantageuses.
Jean-Marc Dandurant,American Express Voyages d'Affaires
«II faut identifier les villes où les collaborateurs de l'entreprise séjournent le plus souvent, puis négocier le prix des chambres avec trois ou quatre établissements avant de les référencer.»
Témoignage: « Notre priorité est de référencer des établissements proches de nos lieux de production ou de nos fournisseurs »
En 2009, les collaborateurs du groupe Renault ont réservé près de 100 000 nuitées dans le monde, dont 60 % en zone EMEA (Europe, Moyen- Orient et Afrique). « Et encore, en cette période de crise, la direction du groupe nous a clairement demandé de réduire les dépenses de voyages. L'ensemble nos voyageurs a alors fait des efforts considérablesEstelle bon pour limiter au maximum leurs Regional Su déplacements et contribuer Performanc ainsi à la réduction de nos coûts Travel, Rem généraux», précise Estelle Purchasing Bonleux, Regional Supplier Performance Manager Travel au sein de Renault Nissan Purchasing Organisation (RNPO), l'entité chargée de gérer les achats de Renault et de Nissan. De plus, le gel de certains projets a permis d'éviter quelques déplacements. Ainsi, l'an dernier, le nombre de voyages a été réduit de moitié.
Cela dit, l'hôtellerie reste une famille d'achats très importante, qui représente près de 20 % des dépenses de voyages du constructeur automobile, sachant que 10 % des collaborateurs se déplacent deux à trois fois par an. Aussi Renault s'est-elle attaquée à cette catégorie de dépenses. Aujourd'hui, elle a près de 500 hôtels référencés en zone EMEA, mais ce nombre a baissé de 40 % l'an dernier. «Nos critères de référencement sont plutôt simples, avance Estelle Bonleux. Notre priorité est de choisir des établissements proches de nos lieux de production ou de nos fournisseurs pour éviter les déplacements trop chronophages. »» C'est pourquoi Renault raisonne par ville et non par pays. De même, si les chaînes hôtelières sont privilégiées, des établissements indépendants tirent leur épingle du jeu, comme en Roumanie où les chaînes sont indépendants tirent luit Nissan leur épingle du jeu, comme en Organisation Roumanie où les chaînes sont peu présentes dans certaines villes. Quelques conditions toutefois : être référencé dans les systèmes de réservation utilisés par les agences de voyages et proposer un accès Internet. «Pour retenir un établissement, nous nous appuyons notamment sur nos acheteurs locaux qui ont une bonne connaissance de l'offre sur place.»
Reconnaissant que le marché hôtelier «n'est pas aussi lisible» que celui de l'aérien, Estelle Bonleux conseille «de définir des règles de réservation les plus simples et les plus claires possibles». Et surtout, de faire en sorte qu'elles soient relayées et appliquées par le top management. «Dans sa gestion d'un voyage, l'acheteur se focalise souvent sur l'aérien, qui représente une part plus importante de son budget, plutôt que sur l'hôtellerie. C'est une erreur. Il faut donc beaucoup communiquer auprès des grands voyageurs et du top management pour sensibiliser les collaborateurs au bon respect des règles de réservation.» Cela passe également par des self booking tools (SBT) conviviaux, avec par exemple des informations sur la localisation des hôtels par rapport aux sites industriels (géo-coding). «Le panel doit être en phase avec l'activité de l'entreprise. Par exemple, lorsque Renault s'est développée en Roumanie, nous avons dû référencer très rapidement de nouveaux établissements dans ce pays. » Avec la garantie que les collaborateurs du groupe y seront bien logés.
Renault
ACTIVITÉ: Constructeur automobile
CHIFFRE D' AFFAIRES 2009: 33,712 milliards d'euros
EFFECTIF: 121 422 salariés
RNPO
VOLUME D'ACHATS 2009: 52 milliards d'euros
EFFECTIF: 3 700 collaborateurs