Aérien : les classes premium en pleine mutation
Les voyageurs d'affaires délaissent l'avant des avions au profit des classes économiques, moins chères. Face à ce constat, les compagnies réagissent : des classes intermédiaires apparaissent, tandis que les premium sont rénovées.
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Les classes premium - les premières comme les classes affaires - n'ont plus la cote. Les compagnies aériennes le ressentent durement, les billets de ces catégories représentant la plus grosse part de leurs revenus. Le phénomène s'est considérablement accentué avec la crise économique qui, depuis mi-2008, a obligé les entreprises à réduire leurs déplacements et leurs dépenses. Les classes affaires, ou les premières, se sont peu à peu vidées de leurs passagers. Lesquels se sont tournés vers les sièges économiques. « Ce comportement souligne l'apparition d'une nouvelle tendance, voire d'un changement irréversible, explique Didier Bréchemier, consultant expert du transport aérien au sein du cabinet Roland Berger. Désormais, sous l'influence de la vague low cost, les voyageurs recherchent principalement le meilleur prix. Là où, quelques années plus tôt, le service et le confort jouaient un rôle plus important. » Résultat : les taux de remplissages des cabines premium aurait baissé de 20 à 30 % en un an, selon l'Iata, l'association internationale des compagnies aériennes. Toutefois, cette tendance semble prendre une double orientation et différer entre les moyen et long-courriers. Ainsi, sur les vols les plus longs, la clientèle business commence à reprendre les chemins de la classe affaires. «Lentement, mais sûrement, estime Philippe Malval, directeur pour l'Europe de l'Ouest de British Airways. Ces derniers mois, la baisse des volumes s'est atténuée. » La compagnie indienne Jet Airways l'a également constaté sur le marché français. Sa business appelée «Première» affiche des taux de remplissage en hausse. Mieux : « De plus en plus d'entreprises signent des contrats corporate avec nous», se réjouit Michel Simiaut, son directeur France.
A l'inverse, sur les vols de moins de quatre heures, «les entreprises ont majoritairement cessé d'acheter du premium et n'y reviendront probablement jamais », craint Philippe Malval (British Airways). Pour maintenir ses parts de marché, la compagnie britannique (comme Air France et bien d'autres) a dû baisser ses tarifs, même en économique. Car ses résultats sont en baisse : British Airways a enregistré une perte nette de 416 millions d'euros lors de son exercice 2008/2009, pour un chiffre d'affaires de 8,5 milliards d'euros. « Nous sommes certains que la clientèle n'est pas prête à repayer les prix d'avant 2008. Certaines entreprises se sont même débarrassées de leurs contrats cadres en se concentrant sur le best buy», reprend le directeur Europe de l'Ouest du transporteur. «Sur ce créneau [les vols de moins de quatre heures, NDLR], le passager recherche le tarif le moins cher», confirme Didier Bréchemier (cabinet Roland Berger).
Sur le long-courrier, la baisse se tasse et l'hémorragie menace le premium
Seule issue pour les transporteurs : réduire les coûts. « Une grosse difficulté, selon Philippe Malval (British Airways). Il s'agit de diminuer les dépenses sans toucher aux services. Déplus, il faut continuer à investir dans nos produits. Et ce, en baissant nos tarifs pour maintenir la clientèle. Le phénomène low cost a au moins eu l'avantage de nous pousser à nous adapter», poursuit-il. Du coup, un phénomène apparu discrètement dans les années quatre- vingt-dix prend de l'ampleur : les compagnies sont de plus en plus nombreuses à créer dans leurs avions une classe économique supérieure, à mi-chemin entre la business et l'économique. «Pour les compagnies, ces classes permettent de limiter l'impact brutal d'un passage de la business vers l' économique pour la clientèle. Et de revoir progressivement leurs structures tarifaires, jusque-là trop élevées», explique Didier Bréchemier (cabinet Roland Berger). Les dernières compagnies à avoir sauté le pas sont Air France et KLM. En novembre, la seconde a présenté sa classe baptisée «Eco nomy Comfort». En l'occurrence, une cabine économique supérieure reprenant les sièges de la classe économique mais auxquels l'espace aux jambes a été agrandi de 10 cm et l'inclinaison doublée. Toutefois, au niveau du service, les passagers disposent des mêmes re pas que les voyageurs de l'économique et n'ont pas accès aux salons business des aéroports. Pour bénéficier de cette classe aménagée sur l'ensemble des avions long-courriers, les passagers doivent s'acquitter d'un supplément tarifaire de l'ordre de 80 à 150 euros. A moins d'être membre du programme de fidélité de la compagnie qui permet de bénéficier de réductions.
Quelques semaines plus tôt, c'est Air France qui avait annoncé l'arrivée dans ses appareils d'une classe intermédiaire. Baptisée Premium Voyageur, celle-ci offre, sur certains vols long-courriers dans un premier temps, 40 % d'espace en plus qu'en économique et des sièges à coque fixe. Cette classe sera progressivement étendue sur l'ensemble du réseau long-courrier du transporteur et devrait équiper tous ses avions d'ici à 2011. «Les passagers ne veulent plus payer pour des services dont ils n'ont pas besoin, estime Pierre-Henri Gourgeon, directeur général d'Air France. La Premium Voyageur répond aux besoins d'une clientèle business soucieuse de limiter ses dépenses. »
Succès des classes intermédiaires et rénovation des premium
British Airways, de son côté, a lancé sa classe Eco+ il y a dix ans. « Cette classe avait pour but d'augmenter les revenus en tirant la clientèle économique vers le haut, raconte Philippe Malval. Car, à l'époque, nos passagers se montraient prêts à payer plus pour avoir davantage de confort et de services mais n'acceptaient pas le rapport de 1 à 3 séparant les prix des deux classes. Aujourd'hui, cette classe tient un rôle inverse : elle permet d'éviter le passage de l'avant des avions vers l'arrière. » L'ensemble de sa flotte étant équipée, la clientèle de British Airways est déjà familière de cette offre. Du coup, la compagnie se trouve en position favorable pour proposer des solutions aux acheteurs, « notamment des offres mixtes affaires/éco qui permettent de réduire la facture de 35 % », selon Philippe Malval. Chez la compagnie britannique, la classe intermédiaire réduit de 20 % le nombre de sièges dans ses avions et, dès lors, pour atteindre la rentabilité, le prix doit être 20 % plus cher qu'en économique. «A ce niveau de tarifs, il est encore possible de déclencher l'acte d'achat », assure le directeur Europe de l'Ouest de la compagnie. Au-delà de l'aménagement de ces classes intermédiaires, une autre réalité caractérise le transport aérien. Les compagnies sont en effet nombreuses à rénover leurs premières ou leurs classes affaires. «Sur les lignes à haut potentiel, les firsts existeront toujours, estime Didier Bréchemier (cabinet Roland Berger). Vers New York ou Singapour, l'acheteur pourra encore réserver des billets en premium. » Ainsi, chez Jet Airways, l'avant des avions gagne peu à peu des parts de marché. La compagnie se montre même confiante pour l'avenir. «En 2010, nous misons tout sur le premium », assure Michel Simiaut, son directeur France. Dans certains de ses appareils, la compagnie indienne a d'ailleurs aménagé de véritables suites.
Ce concept n'a pas tardé à être repris par d'autres transporteurs asiatiques ou ceux des pays du Golfe. « Un produit comme la classe affaires doit être rénové tous les quatre ans en moyenne, estime Philippe Malval (British Airways). Nous travaillons d'ores et déjà sur le lancement de la prochaine génération de sièges-lits et finalisons la mise en oeuvre d'une nouvelle first. » Il faut dire que les véritables premières restent des cartes de visite pour le savoir-faire haut de gamme d'un pays, que les transporteurs doivent soigner. Mais au-delà du service à bord les compagnies s'attachent à choyer les voyageurs dès l'aéroport. Prise en charge spécifique, lounges dédiés, repas gastronomiques... Tout est bon pour améliorer le confort du voyageur d'affaires. Finnair a même rehaussé la barre en décembre (voir p. 42) en aménageant un spa de 600 m² dans le nouveau terminal de l'aéroport d'Helsinki.
Michel Simiaut, Jet Airways
«En 2010, notre compagnie va tout miser sur les classes premium. »