« Notre objectif est de stimuler la fibre commerciale de nos acheteurs »
Pour favoriser la reconnaissance de la fonction achats en interne, Accor s'est fixé un challenge de taille : transformer, en développant leur posture commerciale, ses acheteurs en véritables communicants. Explications d'Isabelle Lauzon, directrice générale des achats au sein du groupe.
Je m'abonneLes achats chez Accor ont évolué. Quels ont été les derniers changements opérés ?
Isabelle Lauzon :
La première évolution marquante fut la mise en place en 2009 d'une gouvernance achats avec un comité de pilotage. Ce dernier est dirigé par Gilles Pélisson, le p-dg du groupe, et comprend notamment le directeur général délégué, le directeur financier ou encore le directeur hôtellerie France. Ce comité valide et suit les projets-clés de sourcing au niveau du groupe. Dans ce cadre, nous avons aussi étudié l'harmonisation de nos méthodes de travail par la mise en place d'un cadre, d'outils et d'un vocabulaire communs à notre vingtaine de directions achats pays. Loin d'être psychorigide, cette démarche est avant tout pragmatique. L'objectif n'est pas de tout formaliser, mais de trouver un juste milieu pour être plus performant et efficace, tout en laissant une marge de manoeuvre aux équipes.
Quel mode d'organisation prévaut au sein du département achats ?
Depuis 2008, nous sommes passés d'une organisation par étapes de la «supply chain» (veille marché, sourcing, contractualisation, etc.) à une organisation par catégorie d'achats. Les acheteurs ont désormais pour vocation de gérer une ou plusieurs familles de A à Z. Cette organisation permet de responsabiliser davantage les équipes, rendre leur travail plus cohérent et intéressant. Elle favorise également l'émergence d'un interlocuteur unique pour les fournisseurs et les clients. Cette méthode qui prévalait déjà dans certaines des directions achats pays, a ainsi été renforcée.
Quel est le périmètre d'intervention du service achats ?
@ ARNAUD OLSZAK
Nous gérons une multitude de catégories dont les plus importantes, en termes de dépenses, sont les achats alimentaires, le mobilier et les équipements pour les chambres, les prestations de blanchis série, et bien évidemment les frais généraux. Il est très difficile d'évaluer exactement notre taux de couverture étant donné qu'au-delà des dépenses de nos filiales, nous gérons également celles de l'ensemble de nos hôtels managés et franchisés. Globalement, le taux de couverture dépasse aujourd'hui 50 %, ce qui est un bon résultat, même s'il a vocation à progresser encore dans les prochaines années.
Biographie
Ingénieure chimiste et diplômée d'un MBA (HEC Montréal), Isabelle Lauzon (44 ans) a travaillé 17 ans chez Air Liquide, d'abord dans la vente, le marketing et les opérations, avant de prendre la direction des achats du groupe. Depuis 2008, elle est directrice achats d'Accor.
On peut donc dire que les achats d'Accor sont sur la voie de la professionnalisation...
Tout à fait. Cette montée en puissance n'aurait pu être possible sans le soutien de la direction générale. En effet, le top management nous fait confiance, alloue aux achats le temps et les ressources nécessaires, ce qui constitue un gage de crédibilité et de visibilité en interne. Fort de ces moyens, nous pouvons ainsi proposer aux opérationnels des briques de solutions performantes, en termes de qualité, de TCO (Total Cost of Ownership), etc. Nous pouvons même concevoir avec nos fournisseurs des produits sur-mesure, adaptés aux besoins de nos prescripteurs. A travers cette démarche, notre objectif est de stimuler la fibre commerciale de nos acheteurs afin qu'ils adoptent une attitude de «service provider». Mais ce positionnement doit être distingué de l'attitude «être au service de». Il ne s'agit pas de satisfaire coûte que coûte les desiderata de chacun, mais bien de répondre aux besoins de manière à améliorer la performance globale de l'entreprise.
Les acheteurs du groupe parviennent-ils à se positionner en tant que fournisseurs de services ?
De plus en plus. Mais il faut l'admettre que chez Accor, comme dans bon nombre de groupes, la fonction achats n'est pas encore aussi mature et reconnue que la vente ou le marketing. En tant qu'ancienne commerciale, mon objectif est de transférer aux achats les compétences et les outils propres à la vente. Un challenge de taille mais passionnant ! D'ailleurs, la hausse récente du nombre d'hôtels franchisés, véritable priorité du groupe, devrait inciter les acheteurs à adopter cette attitude commerciale, même si, en théorie, nous devrions privilégier cette posture vis-à-vis de tous nos hôtels, qu'ils soient en propre ou non.
Quelle est votre stratégie pour favoriser la reconnaissance des achats en interne ?
La communication constitue un levier d'action non négligeable. Si notre objectif premier est de trouver des solutions performantes, encore faut-il savoir les présenter et les vendre correctement. Or l'art de communiquer est rarement la spécialité historique des achats. Résultat : nombre d'opérationnels méconnaissent notre activité, voire la redoutent ! En effet, l'intervention des acheteurs est souvent vécue par certains clients internes comme une entrave à leurs prérogatives. C'est pourquoi, je passe beaucoup de temps à expliquer quelle est la valeur ajoutée réelle de notre fonction. Une attitude que j'essaie de véhiculer auprès de mes propres équipes afin qu'elles relayent également ce message en interne.
Quels outils concrets vous permettent de mieux «vendre» la fonction au sein du groupe ?
Il y a les présentations classiques et leurs slides, que j essaie de rendre le plus concret et intéressant possible pour les opérationnels. Je participe aussi à diverses réunions pour rappeler au plus grand nombre d'opérationnels l'impact positif de notre fonction sur la performance de l'entreprise. Il est aujourd'hui primordial que les achats se débarrassent de leur caractère administratif, dans le mauvais sens du terme. Il faut donc des équipes compétentes que j'enrichis via le recrutement de profils éclectiques : aussi bien des collaborateurs expérimentés que des jeunes qui sont désormais mieux formés à ce métier. Je ne cherche pas que des profils 100 % achats, mais aussi des vendeurs, des opérationnels, etc.; l'important est de développer notre fibre commerciale. Enfin, pour mieux intégrer la fonction en interne, je mise sur le travail en mode projet pour favoriser l'échange entre acheteurs et prescripteurs. Plus encore, cette organisation incite les acheteurs à devenir de véritables animateurs et manageurs de projets.
Quels sont vos chantiers des mois à venir ?
Nous travaillons sur notre stratégie achats développement durable, qui se décline en deux volets : renforcer notre charte achats durables entre Accor et ses fournisseurs-clés, pour qu'un certain nombre d'engagements et d'actions puissent être mis en place, et travailler en interne sur dix sujets-clés environnementaux et sociaux pour le groupe, chaque pays se focalisant sur les thématiques prioritaires. Un programme sur le management des fournisseurs est par ailleurs prévu pour 2011.
Accor
ACTIVITE
Hôtelleries
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009
7 milliards d'euros
EFFECTIF
1 50 000 salariés
VOLUME D'ACHATS 2009
4 milliards d'euros
EFFECTIF ACHATS
180 collaborateurs