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« Les achats comme outils de décloisonnement des organisations. »

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En quelques années, Jean-Michel Gras a su imposer sa direction à tous les niveaux : hausse du taux de couverture, développement des achats durables, mise en place d'un système d'information, etc. Son secret ? L'instauration de relations de proximité et de confiance avec les clients opérationnels. Rencontre.

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En trois ans, la direction achats de TF1 a connu une véritable montée en puissance. Qu'est-ce qui explique ce phénomène ?

Jean-Michel Gras : Le potentiel de développement de notre démarche achats était considérable puisqu'en la matière, le groupe partait, peu ou prou, de zéro. Absence de structure dédiée, maturité achats faible... Toutes les dépenses étaient gérées de A à Z par les opérationnels. Nous avions donc une marge de progrès importante. Et très vite, il a fallu faire nos preuves. Ainsi, pour démontrer sa valeur ajoutée, la direction achats - encore naissante à l'époque - a dû prendre à bras-le-corps des dossiers emblématiques pour le groupe média (négociation des contrats avec Météo France, référencement des prestataires informatiques, etc.). Une stratégie qui a porté ses fruits, puisqu'en quelques mois nous avons généré plus de 8 millions d'euros d'économies, participant ainsi activement à l'amélioration de la rentabilité de l'entreprise.

Quels leviers avez-vous activés pour être si rapidement opérationnel ?

En m'attaquant, dès mon arrivée, à au moins une catégorie d'achats dans chacune des 27 filiales de TF1 (Eurosport, LCI, Téléshopping, etc.). Par ailleurs, nous avons rapidement développé les synergies entre les différentes filiales, en mutualisant les dépenses communes à chacune d'entre elles. Via la signature de contrats-cadres, nous avons ainsi pu miser sur la massification des volumes et donc obtenir des tarifs plus avantageux auprès des fournisseurs.

Développer une culture achats dans un groupe comme TF1 a dû être un sacré challenge...

Tout à fait. TF1 a une culture d'entreprise très forte à laquelle s'identifient les salariés. Non seulement ils sont attachés à leur groupe, mais aussi à leur métier. Aussi, face à la montée en puissance des achats, certains opérationnels craignaient de perdre une partie de leurs prérogatives. Aussi, pour susciter leur adhésion, il a fallu beaucoup investir en matière de communication et de pédagogie, en privilégiant les relations de proximité avec les clients opérationnels. Durant les deux mois qui ont suivi mon arrivée, j'ai rencontré pas moins de 150 managers du groupe ! Le but de ces entretiens ? Démystifier l'action des achats en exposant clairement nos objectifs et notre méthodologie. C'est ainsi que le message a pu passer, assurant in fine le succès de notre démarche.

Quid de la collaboration actuelle avec vos clients internes ?

Elle est largement positive puisque nous refusons de leur imposer une vision dogmatique des achats. Ainsi, chaque décision est prise de manière collégiale avec les opérationnels dans le cadre de comités de pilotage trimestriels. Ce travail de concert nous a permis de susciter leur reconnaissance. Et surtout de montrer que le métier d'acheteur dépassait le strict cadre du cost killing. Autrement dit, que nous pouvions optimiser les dépenses sans pour autant imposer les fournisseurs les moins-disants ou dégrader la relation avec ceux déjà référencés.

Quel est donc aujourd'hui le taux de couverture achats chez TF1 ?

Il atteint environ 80 % des achats hors droits, ce qui représente un panel éclectique de dépenses. En effet, au-delà de la gestion de l'ensemble des frais généraux, la direction achats intervient en support sur de nombreuses prestations techniques : plateaux de télévision, éclairage, décors, caméras, prestations de post-production, etc. Ceci étant, nous devons redoubler d'efforts pour étendre notre taux de couverture aux autres familles manquantes. Et aussi accroître notre leadership sur certains dossiers où nous sommes encore sollicités en fin de parcours.

Depuis janvier dernier, la direction achats s'est dotée d'un système d'information...

En effet, nous planchions sur cet outil depuis environ deux ans et demi. Largement fonctionnel, l'ERP (progiciel de gestion intégré) fourni par SAP devrait couvrir une grande part de notre volume achats. Il permettra de structurer notre démarche via un contrôle plus précis des dépenses dépassant un certain seuil. Au-delà de la systématisation des processus transactionnels, cet outil va nous permettre d'optimiser notre sourcing et d'avoir une meilleure visibilité sur la structure de notre panel, ainsi que sur la part des fournisseurs référencés utilisée par les clients internes.

Quelle est votre politique en matière d'achats responsables ?

Le développement durable constitue un axe très important de notre stratégie. Ainsi, depuis trois ans, nous avons fortement développé le recours au secteur protégé pour de nombreuses prestations. Par ailleurs, depuis début 2009, nous nous appuyons sur EcoVadis pour évaluer la performance RSE de nos fournisseurs. Une démarche mutualisée avec l'ensemble des métiers de Bouygues Telecom. Nous avons déjà évalué près d'une centaine d'entreprises et souhaitons étendre ces analyses à plus de 130 partenaires d'ici début 2012. Enfin, rappelons que TF1 a obtenu le label diversité de l'Afnor. A ce titre, nous cherchons à varier nos sources d'approvisionnement, notamment vis-à-vis des PME.

Quels sont vos chantiers à venir ?

Maintenant que les achats de TF1 ont atteint un niveau de maturité satisfaisant et une couverture très significative, nous devons passer à l'étape supérieure : devenir une fonction plus stratégique pouvant jouer un rôle de poids dans le processus de transformation de l'entreprise. En effet, en tant que « catalyseur » en matière de transversalité et de synergies entre les différentes entités du groupe, les achats peuvent constituer un instrument puissant de décloisonnement des organisations, insufflant un mode de management coopératif entre les différents acteurs. Par ailleurs, rappelons que le positionnement de notre fonction dans la communication institutionnelle de l'entreprise, notamment auprès des analystes financiers et investisseurs, prend une importance croissante. Aussi nous voulons renforcer cette position afin de davantage participer à l'amélioration et à la pérennité du business model de l'entreprise.

Biographie

Jean-Michel Gras, 40 ans, est titulaire d'un DESS d'économie et d'un master en organisation et qualité. Il a travaillé pendant 13 ans chez Bouygues Telecom où il a notamment créé une direction achats informatiques puis une direction achats réseaux et services. En 2007, il intègre TF1 où il est chargé de bâtir la direction achats du groupe.

@ ARNAUD OLSZAK

« Chaque décision est prise de manière collégiale avec les opérationnels dans le cadre de comités de pilotage trimestriels. »

@ ARNAUD OLSZAK

TF1

ACTIVITE
Audiovisuel
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009
2,4 milliards d'euros
EFFECTIF
3 600 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS 2009
650 millions d'euros (hors droits audiovisuels)
EFFECTIF ACHATS
15 collaborateurs

 
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Charles Cohen

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