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«Le cost killing assassine des branches entières de notre économie»

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Favoriser des relations durables entre acheteurs et fournisseurs, telle est la mission de médiation de la sous-traitance, créée au printemps dernier par le gouvernement. Un pari ambitieux sur lequel revient Jean-Claude Volot, le patron de la nouvelle structure

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Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de créer une médiation de la sous-traitance ?

Jean-Claude Volot : Cette idée est apparue lors des Etats généraux de l'industrie, lancés le 2 novembre 2009 par Christian Estrosi, ministre chargé de l'Industrie. Or, lors de la clôture de ces débats, les effets néfastes du déséquilibre dans les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants ont largement été soulignés. C'est donc pour optimiser la collaboration entre ces acteurs que le président de la République a décidé de créer le 4 mars 2010 un poste de médiateur de la sous-traitance, placé auprès du ministre chargé de l'Industrie. Cette création s'inscrit dans la droite lignée des actions menées pour rapprocher acheteurs et fournisseurs, comme la signature de la charte des bonnes pratiques entre grands donneurs d'ordres et PME, dont la médiation du crédit est à l'origine, ou la création de l'association Pacte PME.

«L'objectif de la médiation est de trouver un équilibre pour mettre fin aux pratiques de cost killing adoptées par certaines entreprises.»

@ ARNAUD OLSZAK

«L'objectif de la médiation est de trouver un équilibre pour mettre fin aux pratiques de cost killing adoptées par certaines entreprises.»

Biographie

Jean-Claude Volot, 60 ans, a créé durant sa carrière plusieurs entreprises dans les domaines de l'aéronautique et des polymères complexes, avant de devenir président de Dedienne Aerospace. Professeur associé à la Sorbonne Paris-IV en stratégie industrielle, il est l'actuel président de l'APCE (Agence pour la création d'entreprises). Jusqu'en 2010, il a été délégué au sein de la médiation du crédit, d'abord dirigée par René Ricol, puis par Gérard Rameix, avant d'être nommé en avril dernier premier médiateur de la sous-traitance.

En tant que médiateur de la sous-traitance, quel rôle allez-vous jouer concrètement ?

Mon objectif est de développer une approche collaborative dans les relations entre les donneurs d'ordres et leurs fournisseurs, quelle que soit la filière. Rappelons que mon périmètre dépasse le strict cadre des sous-traitants pour concerner les équipementiers ou encore les prestataires de services de toutes les familles d'achats (informatique, ingénierie, achats immatériels...). Car si le champ d'intervention de ma mission était circonscrit initialement à l'industrie, il a aujourd'hui pour vocation de représenter tous les secteurs d'activités. D'ailleurs, le terme de "médiation interentreprises" est plus approprié pour designer la structure dont j'ai la charge.

Comment se déclinent vos missions ?

Elles sont au nombre de trois. Tout d'abord, j'assure la médiation individuelle. Son objectif : rétablir le dialogue entre un donneur ordres et son fournisseur dès que ce dernier en fait la demande. Ensuite, j'ai en charge la médiation collective, dédiée aux fédérations professionnelles ou à un groupement d'entreprises locales. Dans ce cadre, je peux regrouper moi-même certaines demandes convergentes, puis me tourner, sans citer mes sources, vers le donneur d'ordres concerné pour lui demander d'améliorer ses pratiques. Enfin, ma dernière mission consiste à faire évoluer, via la concertation, les lois, les règlements, les usages et les normes (Afnor, ISO...) afin qu'ils favorisent un meilleur équilibre dans les relations interentreprises.

«Dans certains pays, l'intérêt général prime sur l'intérêt particulier. En France, les sociétés restent beaucoup plus indépendantes et individualistes.»

@ ARNAUD OLSZAK

«Dans certains pays, l'intérêt général prime sur l'intérêt particulier. En France, les sociétés restent beaucoup plus indépendantes et individualistes.»

Pourtant, l'arsenal législatif actuel est déjà censé garantir cet équilibre...

Tout à fait. Mais dans la réalité, il est peu respecté car aucun contrôle n'est effectué. Nombre d'acheteurs, adeptes de certains abus, se mettent hors la loi : non-respect des délais de paiement, arrêt brutal et unilatéral d'une commande, mise en place de cartels de donneurs d'ordres pour mieux réduire les coûts, etc. Non seulement ces pratiques sont illégales et punissables, mais elles assassinent des branches entières de notre économie. L'objectif de la médiation n'est pas d'entraver les règles de la libre concurrence. Il s'agit surtout de trouver un équilibre qui permette de mettre fin aux pratiques de cost killing, adoptées par certaines entreprises. D'autant que nombre de grands comptes privilégient aujourd'hui des pratiques d'achats vertueuses. Il s'agit donc de faire la promotion de ce type de comportements.

Selon vous, qu'est-ce qui pousse les acheteurs à devenir des cost killers ?

Face à une économie mondialisée toujours plus concurrentielle, les entreprises ont de plus en plus de difficultés à être compétitives. Elles sont incitées à développer des programmes de réduction des coûts colossaux pour générer des marges plus importantes. Pourtant, elles ont d'autres alternatives pour gagner en efficacité. Prenez l'exemple des sociétés allemandes ou sud-coréennes, pour qui la solidarité avec les fournisseurs est souvent une priorité. Leur but est de renforcer et préserver le tissu industriel de leurs partenaires, pour en tirer plus de valeur ajoutée. Si, dans ces pays, l'intérêt général prime sur l'intérêt particulier, en France, les sociétés restent beaucoup plus indépendantes, individualistes. Toutes ces divergences sont donc très culturelles.

Au-delà d'un nécessaire changement des mentalités, quels sont vos objectifs dans l'immédiat ?

Pour améliorer durablement la collaboration entre les entreprises, nous avons répertorié sur notre site une quarantaine de défauts de qualité relationnelle. Au fur et à mesure des plaintes, nous allons dégager les problèmes propres à tel ou tel secteur d'activité. Nous pourrons établir une cartographie des défauts types, afin de mieux les quantifier et les prévenir sur le long terme. Pour chaque médiation, nous définirons des taux de succès. Un reporting final sera effectué et publié d'ici avril 2011.

Lors des médiations passées, comment les acheteurs ont-ils ressenti votre intervention ?

Les donneurs d'ordres sont prêts à discuter. Les succès remportés par la médiation dans le traitement de ses premiers dossiers en témoignent. Car 50 % des litiges sont liés à un défaut de dialogue chez le client. C'est-à-dire à un manque de communication en interne, notamment de la part du top management qui met la pression sur les acheteurs pour réduire les coûts, sans les briefer au départ sur les méthodes à utiliser. En tant que médiateur, je cherche avant tout à mettre les parties autour de la table pour trouver des solutions à l'amiable. Si je dispose de moyens de contraintes, mon but n'est pas de les exploiter. Car la médiation s'inscrit en dehors de toute procédure contentieuse ou juridique. Je ne suis ni juge, ni avocat.

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Le rôle du médiateur

Le médiateur des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance a pour mission de favoriser une relation partenariale, authentique et durable, entre donneurs d'ordres et fournisseurs, au sein de filières structurées et décloisonnées. Il s'agit d'une stricte fonction de médiation. Son action s'inscrit donc en dehors de toute procédure contentieuse ou juridique. Le médiateur s'appuie sur un réseau de médiateurs régionaux et de tiers de confiance, professionnels accompagnant bénévolement les entreprises dans leurs démarches. www.mediateur.industrie.gouv.fr

 
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Charles Cohen

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