“Acheteurs et clients internes partagent les mêmes objectifs”
Responsable des achats de BNP Paribas depuis depuis mars 2007, Sylviane Le Carré a été chargée de promouvoir la fonction achats au sein du groupe bancaire. Retour sur une mission difficile mais passionnante.
Je m'abonneDepuis que vous avez pris vos fonctions, en mars 2007, quel est votre principal objectif ?
Sylviane Le Carré : Accroître le rôle des achats dans l'entreprise. Un important travail de consolidation a été réalisé par mon prédécesseur (Stanislas Chevalet, NDLR). Aujourd'hui, il est nécessaire d'aller plus loin et de vendre la fonction en interne à tous les niveaux d'un groupe tel que le nôtre, c'est-à-dire dans les pôles, les métiers, les filiales et les territoires.
Est-ce à dire que la fonction achats n'est pas suffisamment reconnue au sein du groupe BNP Paribas ?
On ne peut pas dire cela. Tout le travail opéré depuis 1998 a confirmé l'importance de la fonction dans notre groupe. En revanche, il était important de renforcer sa présence au niveau local pour mieux accompagner les opérationnels.
Pour ce faire, l'organisation achats a-t-elle évolué ?
Nous avons créé un «Group Procurement Board» (groupe de pilotage achats, NDLR) en avril dernier. Il est composé des principaux responsables achats des pôles et des métiers du groupe. Il définit la stratégie achats et le développement de la fonction. L'équipe centrale, pour sa part, reste chargée du suivi des catégories d'achats et des fournisseurs globaux. A ce titre, elle applique une stratégie par catégorie, déclinée ensuite au niveau des acheteurs locaux. Elle assure également un support méthodologique pour l'ensemble des acheteurs du groupe et travaille, enfin, au développement de la fonction, avec les pôles et les métiers.
Au sein de cette équipe centrale, comptez-vous des acheteurs chargés exclusivement de promouvoir la fonction en interne ?
Je travaille avec une équipe de six personnes, salariées du groupe, dont la mission est d'expliquer notre métier, de donner envie aux clients internes de collaborer avec nous et d'aider les métiers à mettre en place une organisation achats. Ce ne sont pas des acheteurs mais de véritables consultants. Ils sont aussi chargés d'animer différentes communautés à l'intérieur du groupe autour de notre fonction. Leur dernière mission est d'identifier les projets auxquels les achats peuvent apporter un support opérationnel.
@ ARNAUD OLSZAK
«Il faut donner envie aux clients internes de travailler avec nous.»
Rencontrez-vous beaucoup de résistances de la part des clients internes ?
Nous travaillons sur un terrain plutôt favorable. La maîtrise des coûts et des risques opérationnels fait partie de la stratégie du groupe BNP Paribas. Or, la fonction achats est perçue par la plupart des opérationnels comme porteuse de valeur ajoutée dans ces deux domaines. Certaines entités sont moins matures que d'autres. Mais le travail réalisé en amont pour expliquer notre métier porte de plus en plus ses fruits.
Certains projets peuvent impliquer plusieurs entités du groupe. Votre organisation peut-elle répondre à ce type de besoin ?
Tout à fait. Sans être nécessairement transversaux, un certain nombre de projets non récurrents nécessitent une expertise de la part des achats. Pour répondre de manière très souple à ces besoins, des acheteurs projet peuvent intervenir «à la demande» et s'intégrer dans l'équipe projet du client interne. Ce sont en général des acheteurs qui doivent être déjà bien expérimentés et capables d'intervenir dans des environnements assez complexes, avec de nombreuses interactions, tant internes qu'externes.
Quel taux de couverture espérez-vous atteindre?
@ ARNAUD OLSZAK
Je ne raisonne pas en taux de couverture. Je suis toujours surprise d'entendre un confrère se féliciter d'avoir atteint tel ou tel seuil. De quoi parle-t-on exactement : du nombre de produits référencés, de la part des dépenses réellement négociées ? Le taux de couverture est un critère quantitatif qui n'est pas un bon indicateur et que, en tout état de cause, je ne pourrais garantir à ma direction.
Quels sont vos objectifs de réduction des coûts ?
Là encore, il faut être extrêmement vigilant. Je pense que les objectifs d'économies n'appartiennent pas aux acheteurs mais aux opérationnels. Le support de la fonction achats doit permettre à ces derniers d'atteindre leurs objectifs de réduction des coûts. Les objectifs de la fonction achats sont donc partagés avec ceux de ses clients. Cela évite de nager à contre-courant, de rechercher des économies à tout prix alors que ce n'est pas la priorité du client interne.
La performance de vos acheteurs n'est-elle pas calculée à partir des économies réalisées ?
En réalité, elle est mesurée en fonction de leur contribution à l'optimisation de la base de dépenses de leurs clients, ce qui inclue les baisses de coûts unitaires consécutives aux négociations. Toutefois, la performance de nos acheteurs s'apprécie également à partir d'autres critères, comme la recherche d'innovations ou la contribution à des projets d'investissement. Au final, l'objectif est surtout de mesurer la valeur ajoutée que peut apporter un acheteur à son client interne. La performance des acheteurs est mesurée dossier par dossier, tant quantitativement que qualitativement. Sur ce dernier critère, nous quantifions le résultat de chaque action selon sa nature, les économies réalisées ou encore les coûts évités.
Biographie
Sylviane Le Carré, 44 ans, est responsable achats du groupe BNP Paribas. Diplômée de l'ESCP-EAP, elle a poursuivi une carrière de responsable commerciale chez Europcar, puis chez Sage, avant de rejoindre le groupe BNP Paribas en 1998. Repérée par son prédécesseur, alors responsable des achats de la banque, elle intègre la direction achats du groupe BNP Paribas à la fin 2005 et lui succède en mars 2007.
BNP Paribas:
ACTIVITÉ : Établissement financier
PRODUIT NET BANCAIRE 2007 : 31 milliards d'euros
EFFECTIF : 168 000 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS : 7 milliards d'euros
EFFECTIF ACHATS : 100 collaborateurs