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Quand le secteur public découvre l'open space

Bâtiments dispendieux en centre-ville, arrivée de nouveaux personnels à la suite de la décentralisation... Les entités publiques doivent répondre à plusieurs défis en termes d'aménagement, notamment celui des espaces de travail mutualisés. Une transition qui s'opère de plus en plus en collaboration avec des cabinets d'architectes.

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@ Photoalto

Les mètres carrés en centre-ville sont chers pour tout le monde, y compris pour les entités publiques. «Beaucoup de régions ont par exemple des projets de construction ou d'aménagement de locaux en périphérie, indique Jean-Philippe Sieurin, directeur du secteur public chez Mobilitis, société d'ingénierie immobilière. Il y a en effet peu d'opportunités foncières et immobilières en centre-ville, de locaux à la fois adaptés à une activité de service et assez grands pour rassembler l'ensemble des équipes. Et quand bien même ce serait le cas, ces locaux sont beaucoup plus coûteux qu'en périphérie

La décentralisation, initiée en 2004, est un autre facteur qui pousse les acteurs publics à rationaliser leurs espaces, ou à bâtir des locaux pour accueillir les flux souvent spectaculaires de nouveaux agents. Le Conseil général de Loir-et-Cher comptait ainsi 1226 fonctionnaires au 1er janvier 2007, contre 810 quelques mois auparavant. «La situation est parfois compliquée pour les collectivités, qui doivent agir vite», constate Jean-Philippe Sieurin. Pour accueillir les nouveaux venus, le Conseil général a d'abord optimisé l'existant. Après consultation d'un cabinet d'architectes, l'aménagement en open space a été préconisé. Plusieurs cabinets d'architectes ont choisi ce créneau, qui conserve sa spécificité. «Le marché public est très actif et nous répondons régulièrement à des appels d'offres depuis cinq ans, raconte Christian Reybaud, directeur général adjoint de Forma, société spécialiste des espaces de travail. Nous y avons dédié plusieurs collaborateurs, qui connaissent le formalisme des appels d'offres et les besoins des administrations.» Il souligne la maîtrise des problématiques d'aménagement par les acheteurs publics qui conservent une certaine autonomie en matière d'aménagement d'espaces. «Ils nous confient des missions moins larges que dans le privé, explique Christian Reybaud. Nous intervenons pour des audits ou la programmation des espaces. Nous sommes moins consultés pour l'accompagnement.»

500 euros la journée

 

Le recours a des cabinets de conseil, qui sont en général rémunérés environ 500 euros la journée, n'est pas encore systématique. Le coût est bien évidemment pris en compte. «Mais les acheteurs publics sont plus sensibles que leurs collègues du privé à la pertinence de notre projet par rapport à leur mode de fonctionnement», note Christian Reybaud. Autre différence, le relationnel compte moins. La procédure d'appel d'offres permet de se focaliser sur le contenu. «Notre expérience avec d'autres collectivités est également un élément fondamental à leurs yeux», ajoute Christian Reybaud. Un critère nécessaire au regard des besoins particuliers des administrations qui doivent accueillir des usagers. La présence des élus suppose aussi l'aménagement de lieux adaptés aux conférences de presse ou à la réception de délégations. Il existe d'autres contraintes, notamment le fait que de nombreuses entités sont hébergées dans des bâtiments historiques ou classés. Le cabinet CACD a acquis une expertise en la matière. «Nous pouvons réaliser tous types d'aménagement, en prenant en compte les contraintes modernes, comme le plan d'évacuation en cas d'incendie», assure Georges Chalhoub, son directeur de clientèle. Les aménagements doivent faire preuve de souplesse. «Avec la décentralisation, les acheteurs publics ont perdu en visibilité sur l'évolution de leur organisation et de leurs effectifs, remarque Jean-Philippe Sieurin (Mobilitis). Comme dans le privé, ils cherchent à rassembler leurs équipes sur un site unique. La difficulté est de trouver des prestataires capables de les aider à mettre en place des solutions immobilières pérennes et flexibles.»A la différence des entreprises, l'aménagement de nouveaux locaux ne signifie pas un changement fondamental dans l'organisation du travail. «La demande publique reste très hétérogène, juge Philippe Meurice, directeur associé du cabinet d'architectes DEGW. Dernièrement, une administration a fait le choix de conserver ses 900 bureaux individuels au détriment d'espaces de travail partagés.» Selon Georges Chalhoub, «l'open space est parfois motivé par le prix du mètre carré». Autrement dit, un choix par défaut.

Témoignage

«Réorganiser les bureaux pour optimiser l'espace»
EMMANUEL CHARLOTTE, responsable du pôle construction au sein de la direction des bâtiments, Conseil général du Loiret
Le Conseil général du Loiret a procédé dernièrement au réaménagement de plusieurs locaux: l'hôtel du département, situé à Orléans, et une annexe regroupant les services sociaux et la direction des routes, située dans un immeuble au sud de la ville. «Ces bâtiments datent respectivement du début des années 1980 et de la fin des années 1970, explique Emmanuel Charlotte, responsable du pôle construction. Avec le transfert des personnels de l'Education nationale et de la direction départementale de l'équipement (DDE), lié à la décentralisation, nous devions réorganiser les bureaux afin d'optimiser l'espace. Par exemple, le service des ressources humaines était situé dans des locaux très étroits alors qu'il reçoit régulièrement de nombreux agents. Il fallait également procéder à une remise aux normes concernant le matériel informatique et l'éclairage.»
Un cabinet d'architecte d'Orléans a été sélectionné sur procédure adaptée. «Nous avons choisi ce prestataire car il avait mené des missions similaires dans d'autres collectivités locales, reprend Emmanuel Charlotte. Il était au fait des problématiques de fonctionnement propres aux collectivités: accueil d'usagers, organisation des services, etc.» L'agencement en espace ouvert a pu être réalisé entre 2005 et 2006, malgré la faible largeur du bâtiment (12,50 mètres). «Le plateau en open space a pris en compte deux impératifs: répartir les agents par pôle grâce à des bureaux en marguerite, et éviter un couloir central en proposant plusieurs cheminements agrémentés de plantes.» Le tout avec un nouveau mobilier. «Nous voulions éviter de multiplier les cloisonnettes pour remplacer celles que nous avons démolies, prévient Emmanuel Charlotte. Toutefois, il fallait assurer une intimité à nos collaborateurs, qui sont toujours réticents, dans un premier temps, au changement.»
Aujourd'hui, les agents semblent globalement satisfaits. L'espace ouvert a permis une meilleure communication entre services.

Les habitudes persistent

 

Les acheteurs publics sont à l'écoute des besoins des agents: «Le confort du collaborateur est toujours le coeur du sujet», reprend Georges Chalhoub (CACD). Le cas s'est présenté dans une direction des impôts, qui est allée jusqu'à faire réaliser une étude d'ergonomie sur son nouveau mobilier. Pour Christian Reybaud (Forma), les acteurs publics cherchent toujours le compromis. «Ils veulent optimiser l'espace, mais n'ont pas encore totalement adopté cette culture. Les habitudes de travail en espace cloisonné restent fortes.» Un constat corroboré par Philippe Meurice (DEGW): «C'est la grande différence entre l'administration française et ses homologues britannique ou néerlandais. Ils profitent des changements de locaux pour se réorganiser sur des thèmes plus contemporains: espaces ouverts, nomadisme...»

En revanche, les entités publiques ont pris avec entrain le virage écologique. Même si le diagnostic de performance énergétique ne deviendra obligatoire qu'à partir du 2 janvier 2008, de nombreuses constructions sont déjà estampillées, en partie, haute qualité environnementale (HQE). Ainsi, pour accueillir la totalité de ses effectifs angevins, l'Ademe a prévu une extension de bâtiment de 2 700 m2, qui répondra à tous les canons de la HQE: limiter les impacts d'une opération de construction ou de réhabilitation sur l'environnement, tout en assurant à l'intérieur des conditions de vie saines et confortables.

Christian Reybaud Forma

Dans le secteur public, les habitudes de travail dans des espaces cloisonnés restent fortes.

Florent Maillet

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