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Mettre en place une politique achats efficace

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Agir sur le levier des achats afin d'optimiser la dépense publique est une pratique encore peu répandue. Pourtant, réaliser 10% d'économies est tout à fait envisageable, ne serait-ce qu'en jouant sur les volumes ou en définissant mieux les besoins. Pour ce faire, les acheteurs doivent se professionnaliser et ne plus uniquement envisager les achats comme un acte juridique.

@ Corbis

Agir sur le levier des achats afin d'optimiser la dépense publique est une pratique encore peu répandue. Pourtant, réaliser 10% d'économies est tout à fait envisageable, ne serait-ce qu'en jouant sur les volumes ou en définissant mieux les besoins. Pour ce faire, les acheteurs doivent se professionnaliser et ne plus uniquement envisager les achats comme un acte juridique.

Quatrième ville de France avec plus de 400000 habitants, Toulouse conclut 700 marchés par an, disposant d'un budget de 720 millions d'euros. La ville a fait appel à un avocat pour réaliser son diagnostic achats. Un choix pour le moins insolite, particulièrement révélateur du niveau de maturité achats de certaines entités publiques. Rares sont, en effet, celles qui ont aujourd'hui réfléchi à une modernisation et une professionnalisation de leurs achats. Pour Guy Courtois, directeur du cabinet Factea Sourcing, spécialisé en stratégie achats, «le souci des entités publiques reste encore trop souvent la sécurité juridique. Pour la plupart d'entre elles, la question de la professionnalisation des achats, qui permettrait assurément de faire des économies, ne se pose pas.» A l'exception de quelques villes comme Paris, Lyon, Nantes ou Boulogne-Billancourt, de certains conseils généraux et régionaux, d'une partie du monde de la santé et dernièrement de l'Etat, qui ont lancé un plan de professionnalisation de leurs achats, les initiatives en la matière se font encore attendre. L'effet boule de neige ne se perçoit pas encore, bien que les premiers résultats annoncés par ces différentes entités soient prometteurs. L'Etat compte par exemple économiser 1,3 milliard d'euros en trois ans, sur un montant d'achats total de 15 milliards d'euros.

Ressources internes ou externes?

Eric Pliquet, responsable du développement du cabinet Collectivités territoriales ressources, voit dans ces carences «la conséquence du manque de moyens accordés aux services achats dans le secteur public. A taille équivalente, les entreprises ont des équipes beaucoup plus étoffées. Résultat, les acheteurs publics n'ont pas toujours le temps de définir les besoins, de recenser les fournisseurs... L'achat est donc moins efficace.» L'idéal, dans ce cas, est de se faire accompagner par un cabinet spécialisé dans les achats, a priori apte à identifier, analyser et proposer les solutions les mieux adaptées aux besoins de l'organisation, et à assurer la conduite du changement. Rémunérée la plupart du temps au résultat, en l'occurrence sur les économies réalisées, leur intervention n'a pas besoin d'être budgétisée. En plus de faire appel à des consultants, les organisations les plus aisées recrutent des acheteurs confirmés, généralement issus du secteur privé, disposant de compétences difficiles à dénicher au sein de la fonction publique.

Mais voilà, les élus convaincus que les achats doivent être optimisés ne sont pas légion. La culture achats fait cruellement défaut dans le secteur public. Guy Courtois note toutefois que «leur décision de rationaliser et de réorganiser la fonction achats est totalement indépendante des mouvements politiques, elle se fait au-delà des partis.» Ce qui est rassurant, même si les motivations ne sont pas les mêmes selon la sensibilité politique. Le rôle des opérationnels n'est pas non plus à négliger, comme le prouve le cas récent d'une ville insulaire, dont le directeur de cabinet et le directeur de la commande publique ont convaincu le maire de lancer un plan d'optimisation des achats. Reste à voir si les élections municipales de 2008 seront l'occasion d'une réflexion de grande ampleur au niveau des achats. Ces derniers sont, quoi qu'il arrive, le dernier levier à disposition des élus pour dénicher quelques précieux euros, sachant que le recours à la dette et à la hausse des impôts ont fait leur temps.

Témoignage

«Organiser et faire émerger la fonction achats»
GERALD BENCHETRIT, chef du département achats, ANPE
L'ANPE poursuit sa modernisation. La création d'un département achats le ler décembre 2006 en atteste. L'agence, qui affiche pour l'année 2007 un volume d'achats de 964 millions d'euros sur un budget de 2,2 milliards d'euros, souhaitait utiliser le levier des achats afin de dégager quelques économies. Gérald Benchetrit, ancien responsable achats chez Volkswagen et surtout en charge de l'émergence de la fonction achats à la mairie de Paris ces trois dernières années, a été recruté dans cette optique.
Entré en fonction le ler février dernier, il prend la responsabilité de ce nouveau service achats au sein de l'Agence pour l'emploi, pour l'heure composé de cinq collaborateurs au niveau national. «Le département a pour mission l'organisation et l'émergence de la fonction achats au sein de l'ANPE et de ses 26 directions régionales», résume Gérald Benchetrit. Ce dernier est chargé de mettre en place l'organisation, la stratégie, la professionnalisation et la politique achats de l'établissement.
Chacun des collaborateurs a hérité d'un pôle d'achats (prestations externalisées et travaux, prestations de services généraux, prestations intellectuelles, achats informatiques et télécoms) et d'une partie de l'organisation achats (communication interne, plan de formation, intranet, méthode et outils, cartographie et tableaux de bord, sécurisation des dépenses...). La première initiative de Gérald Benchetrit a été de réaliser un audit des achats au sein de l'ANPE et de clarifier le rôle, les missions et le plan d'action du département. Il a par ailleurs réfléchi à la manière de faire émerger la fonction achats, sur les articulations à mettre en place entre le siège et les directions régionales (coordinateurs achats), sur les relations entre les directions et le département achats... «Ces étapes préliminaires ont permis de dégager des axes prioritaires», explique Gérald Benchetrit.
Le premier axe consistera à sécuriser le système d'information, et notamment les dépenses achats. Le second sera de cartographier les achats, afin d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique achats et des stratégies par pôle de dépenses. Les suivants seront la création d'un «Réseau référents acheteurs», l'élaboration d'un plan de formation dans le cadre de la professionnalisation de la fonction, ou encore la clarification des relations du département achats avec les autres directions.
Gérald Benchetrit n'a pas encore identifié les économies potentiellement réalisables une fois ce plan d'action mis en oeuvre. Persuadé que «les achats ont pleinement leur place dans le secteur public», il estime que les premiers résultats se feront ressentir d'ici un an et que la performance, via la mise en place des bonnes pratiques, arrivera à maturité un an plus tard.

Eric Pliquet CTR

«Les avantages de la globalisation des achats sont de l'ordre administratif et financier, avec l'effet volume.»

Recenser et répartir les compétences achats

Les entités publiques sont, dans l'ensemble, bâties sur un modèle identique. Elles disposent d'un service marchés publics, la plupart du temps rattaché à la direction des affaires juridiques. Ce service gère les dossiers, accompagne les opérationnels dans la publication des marchés, analyse les offres, effectue le suivi avec la Commission d'appel d'offres, vérifie que les exigences du Code des marchés publics sont respectées...

En somme, le niveau zéro de l'achat au sens économique du terme. Eric Pliquet concède que «Les acheteurs font ce qu'on leur demande, avec les moyens qui sont les leurs.» Cette remarque vaut surtout pour les petites entités qui n'ont généralement qu'un seul acheteur, voire aucun. Auquel cas, le maire ou le directeur financier remplit cette fonction. Ceci étant dit, des entités plus importantes, avec un service étoffé, n'auront pas nécessairement davantage de savoir-faire achats. «Ces compétences sont souvent inexistantes ou éparpillées au sein de l'entité, elles ne sont pas identifiées», confirme Guy Courtois.

Le préalable indispensable à toute réflexion sur les achats est donc l'élaboration d'un diagnostic. Celui-ci implique une revue des processus, une cartographie des dépenses, la définition d'une nomenclature adaptée, une sensibilisation des équipes et l'identification des étapes du plan de professionnalisation des achats (formations, SI achats...). Eric Pliquet résume ainsi l'objectif de ce diagnostic: «On regarde tout le périmètre de l'achat, puis on le reconstruit.» Cette phase, qui peut durer jusqu'à deux mois, permet de définir le potentiel d'évolution des achats au sein de l'entité.

S'ensuit un plan de professionnalisation des achats. «D'une durée d'environ deux ans, le plan doit s'attaquer aux sujets suivants: l'élaboration de la politique et de la stratégie achats, l'organisation du service et des compétences, les processus et outils achats, la tactique de consultation, la politique fournisseurs, la gestion de la performance, de l'information et des ressources humaines», indique Guy Courtois. La stratégie achats consiste à fixer les objectifs quantitatifs et qualitatifs, à s'assurer de la cohérence de la politique achats avec celle de la collectivité, ou encore à déterminer la stratégie spécifique par famille d'achats. Reste ensuite à réfléchir à une répartition des compétences. «Deux organisations distinctes sont généralement mises en place: une direction achats, ou de coordination achats, en charge de la mise en place de la transversalité et de la recherche d'économies, et une direction marchés publics pour le côté juridique, précise Guy Courtois. Une troisième est parfois créée. Il s'agit d'un économat ou d'une centrale d'achats, qui gère l'approvisionnement et la logistique sur les familles transversales.» Ce type d'organisation vaut pour les administrations relativement importantes. Mais pour une ville moyenne, la création d'un service achats coûtera relativement cher. La formation de quelques agents aux techniques de l'achat reste toutefois un minimum.

L'entité publique doit ensuite se poser un certain nombre de questions, la première étant: les achats doivent-ils être centralisés ou pilotés? Dans le premier cas de figure, la direction achats centralise les achats transversaux et spécifiques, ce qui, en théorie, permet de dégager rapidement des économies en jouant sur le volume, la réduction du nombre de fournisseurs, etc. Dans le cas d'achats pilotés, la direction achats ne passe pas ou peu de marchés, mais elle accompagne la direction responsable du marché. Deuxième question: à quelle direction les achats doivent-ils être rattachés? Dans la majorité des entités publiques, ils sont reliés à la direction des finances, ce qui permet une certaine proximité avec le budget. Enfin, dernière question: le service des marchés publics doit-il être rattaché à la direction achats ou aux affaires juridiques? S'il est couplé à la direction achats, celle de la commande publique chapeaute alors les deux services. Dans le cas contraire, les marchés publics dépendent des affaires juridiques, garantissant ainsi une plus grande sécurité des marchés.

Une fois la problématique organisationnelle réglée, il est temps pour l'entité publique de tirer les conséquences du diagnostic achats et de se pencher sur les techniques, les outils et les formations à mettre en place afin que les acheteurs puissent dégager des économies. «La conduite du changement est ici très importante, juge Eric Pliquet. C'est pourquoi il faut, dans un premier temps, se tester sur une ou deux familles, et instaurer une relation de confiance.»

Témoignage

«La définition d'une politique achats devenait incontournable»
JOSE MORENO, directeur de la commande publique, communauté d'agglomération de Plaine Commune
Plaine Commune est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) créé en 2000. Composée de huit villes, recensant 334 000 habitants et employant plus de 1 500 agents, cette communauté d'agglomération est la plus importante d'Ile-de-France et la dixième de France. Elle a hérité des nombreuses compétences traditionnellement dévolues aux EPCI, à savoir les espaces verts, la voirie, l'assainissement, la gestion des déchets, la lecture publique, le développement économique... «Pour accompagner la montée en puissance des services opérationnels, la collectivité a estimé, à partir de 2005, qu'il fallait renforcer ses services fonctionnels et accompagner le mouvement au niveau des finances, des ressources humaines et des marchés publics. En outre, la définition d'une politique achats, tant en interne qu'au niveau communautaire, devenait incontournable pour une meilleure maîtrise de nos coûts et de la qualité de nos approvisionnements», témoigne José Moreno, directeur de la commande publique.
Après la création d'une direction financière en 2005, une autorité de la commande publique a vu le jour en 2006. «Il s'agissait d'une volonté forte des élus de disposer d'une telle structure, afin de garantir d'abord la sécurité juridique des marchés publics, puis d'approfondir le volet économique de l'achat», explique José Moreno. Au sein de cette direction, un service marchés publics de cinq juristes est chargé d'élaborer les marchés pour l'ensemble des services communautaires. José Moreno ajoute que «la seconde étape, actuellement en cours, est de définir un plan de professionnalisation des acheteurs.»
La direction de la commande publique s'est donc dotée d'un service achats pour cette mission. Son nouveau responsable, Bruno Quesnel, devra développer cette politique achats en tirant les conséquences de l'audit mené par le cabinet Factea Sourcing en 2005. Passant peu de marchés, le service est surtout chargé de mener à bien une réflexion sur les achats. Bruno Quesnel doit en effet analyser leur dimension économique avec l'objectif, à terme, de les rendre plus efficaces.
Simultanément, Bruno Quesnel cherche à mettre en place une nomenclature.
L'ensemble combiné permettra notamment de regrouper avec efficacité les achats par famille. «Les achats transversaux vont être développés, y compris à l'échelle intercommunale, et des formations vont être dispensées sur la définition des besoins, sur la connaissance économique de l'achat, sur la négociation...», complète José Moreno.

Guy Courtois Factea Sourcing

«La professionnalisation des achats est l'occasion pour les organismes publics d'acheter mieux, et pas seulement moins cher.»

Une petite révolution

Les achats abordés sous un angle économique dans la sphère publique font, il est vrai, l'effet d'une petite révolution. Avant de se lancer à l'abordage de l'ensemble des achats, il est donc préférable d'identifier des familles, de préférence transversales, présentant un fort potentiel d'économie (fournitures, mobiliers, imprimés...). La première étape réside dans la définition des besoins. L'acheteur va analyser les exigences fonctionnelles des services selon des critères déterminés (qualité minimale, niveau de consommation, etc.). Ensuite, il s'agit de mettre en place les stratégies achats et d'identifier les principaux leviers (quantité, périodicité, etc.). Troisième étape, l'acheteur doit connaître, analyser et prospecter le marché fournisseur (sourcing). Suit l'élaboration des pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises. Un cahier des charges détaillé ne laissera pas l'occasion aux fournisseurs de s'octroyer des marges confortables, ce dont ils ne se priveraient pas dans le cas contraire. Les dernières étapes & portent sur la négo' ciation, la sélection des prestataires et la gestion de la relation fournisseurs (contrôle du respect du cahier des charges, de la qualité, des prix...). En suivant ce processus, les économies peuvent aisément atteindre 10 à 15%.

Attention toutefois à ne pas perdre de vue l'objectif de la professionnalisation des achats. Guy Courtois rappelle que cette démarche «est surtout l'occasion pour l'organisme public d'acheter mieux, et pas seulement moins cher.» Précision qui a de l'importance. L'acheteur ne doit plus s'arrêter au seul prix d'achat (moins-disant) du produit ou de l'équipement. Il doit désormais réfléchir en termes de coût global ou de cycle de vie, en intégrant les dépenses de fonctionnement, de maintenance ou encore de recyclage. Des critères environnementaux et sociaux peuvent être pris en compte. Certaines collectivités vont jusqu'à faire signer une charte de bonne conduite à leurs fournisseurs. Il faut par ailleurs être vigilant à ce que le tissu économique local ne pâtisse pas de méthodes trop radicales.

Témoignage

«Le conseil général souhaitait avoir une fonction achats centralisée»
PATRICK HOTTIN, directeur achats, conseil général des Hauts-de-Seine
En mai 2005, le conseil général des Hauts-de-Seine s'est doté d'une direction achats, suite à un audit mené en collaboration avec le cabinet Ineum Consulting. Cette direction, rattachée au département des finances du conseil général, assure les achats transversaux, tels que les fournitures de bureau, le mobilier, l'énergie... Elle gère aujourd'hui une centaine de marchés, soit un quart des achats de la collectivité. En revanche, les achats liés au métier, comme les travaux de voirie, la construction des collèges ou les achats informatiques, sont assurés par les directions opérationnelles. «Une redéfinition claire des rôles dans le processus achats a été décidée, explique Patrick Hottin, directeur achats. Le conseil général souhaitait avoir une fonction centralisée, de coordination des achats, afin de rationaliser, globaliser et donc réduire les coûts d'achat.»
Pour cela, la direction achats, composée d'une quarantaine d'agents, a été organisée en trois services: méthodes et marketing achats, commande publique, budget et approvisionnements. Le premier se concentre sur l'analyse et l'étude économique de chaque famille d'achats.
«L'analyse du marché consiste à superviser les principaux fournisseurs, leur solvabilité, les innovations techniques ou technologiques, ou encore les différentes solutions envisageables (achats, location...), commente Patrick Hottin. Ce service procède aussi à du benchmarking. Il élabore également des outils de reporting et d'aide à la décision.» Il travaille enfin à la création d'une base de données fournisseurs avec le département des systèmes d'information. Patrick Hottin insiste sur le fait que «bien acheter, c'est surtout bien réaliser les phases amont de l'achat, d'où une organisation de l'amont vers l'aval.» Le deuxième service, celui de la commande publique, est composé d'une cellule d'acheteurs issus du public et du privé, où chacun est en charge de plusieurs familles d'achats, recense et centralise les besoins, coordonne la mise en place des marchés et assure le lien avec les approvisionneurs. Il comporte également une cellule qui traite de la partie administrative des marchés et suit leur exécution. Enfin, le service budget et approvisionnements assure, entre autres, la passation des commandes. En complément, toute une série d'outils, comme les catalogues internes, les e-catalogues avec achat en ligne et la carte d'achat, sont en cours de déploiement.
Ces nouvelles méthodes de travail ont, semble-t-il, été adoptées sans anicroche par l'ensemble des 7000 agents de la collectivité, grâce à d'importants efforts de communication interne. «Les agents viennent spontanément nous consulter, se félicite Patrick Hottin. Cela est notamment dû à notre réactivité, toutes leurs questions ont droit à une réponse.» La conduite du changement a, ici, été déterminante.

Mesurer les performances

Reste ensuite à déterminer la procédure adéquate (Mapa, appel d'offres...). Guy Courtois estime par exemple « qu'un marché à bons de commande permet plus de réactivité que des Mapa successifs.» L'avantage du Mapa est qu'il permet de négocier, pratique à laquelle les acheteurs doivent impérativement être formés. Une autre possibilité de capter des économies est de passer par un groupement d'achats. Le monde hospitalier en est friand. Eric Pliquet prévient cependant que «si la globalisation permet de baisser les coûts, elle peut aussi faire perdre son identité à une commune si elle achète, par exemple, les mêmes bacs à fleurs que ses partenaires. Il risque aussi d'y avoir un décalage par rapport aux besoins des utilisateurs finaux. Les seuls réels avantages sont d'ordre administratif et financier, avec l'effet volume.» Cela reste malgré tout un moyen pour les petites collectivités de gagner en pouvoir de négociation et de mutualiser leurs compétences.

Les acheteurs, pour convaincre les plus sceptiques de la pertinence de leur action, doivent enfin pouvoir mesurer leur démarche et ses résultats, en mettant en place des tableaux de bord et un système d'information achats. La formation des équipes et la gestion du changement comptent elles aussi parmi les facteurs-clés de succès. Enfin, la mise en place d'un réseau d'acheteurs est conseillée, afin que les bonnes pratiques puissent faire l'objet d'échanges. Le chantier de la professionnalisation des achats ne s'improvise donc pas et les entités publiques ont donc tout intérêt à se faire accompagner. Sauf si les compétences sont réunies en interne. Mais, malheureusement, les acheteurs publics formés à l'achat économique se font toujours aussi rares...

Témoignage

«Il a été décidé de ne pas centraliser les achats en un point unique»
BRIGITTE LAREYRE, chef de projet organisation de la mission achats-marchés, ville de Paris
L'idée de moderniser la fonction achats à la mairie de Paris remonte à 2002. Suite à un diagnostic, la ville a pu constater que ses marchés étaient juridiquement fiables, mais que la culture achats, au sens économique du terme, faisait défaut. «Il n'y avait pas de fonction achats identifiée en tant que telle», se rappelle Brigitte Lareyre, chef de la mission achats-marchés à la ville de Paris. Dès lors, une équipe projet a vu le jour en 2003, la mission achatsmarchés, placée sous l'autorité du secrétaire général, dans le cadre d'un modèle «piloté» au plus haut niveau de l'organisation municipale, avec des services achats déconcentrés dans les directions. Depuis, celle-ci a glissé vers la direction des finances, comme pour marquer l'accent sur la recherche de l'efficacité économique. «Son objectif est de mettre en place la politique achats, de maîtriser les dépenses, d'organiser les achats dans et entre les différentes directions, de professionnaliser l'achat et de développer des outils», précise Denis Roquier, responsable de la mission achats-marchés. Le premier axe de travail a été de structurer l'organisation achats au sein des 22 directions de la mairie (périmètre achats et compétences), et de définir les achats transversaux et métiers. «Il a été décidé de ne pas centraliser les achats en un point unique, mais de définir des périmètres de responsabilité par secteur d'achats, eu égard aux montants en jeu, c'est-à-dire plus d'un milliard d'euros annuels, rappelle Brigitte Lareyre. En revanche, les processus et le rôle des services achats de chaque direction ont été homogénéisés.» La seconde démarche est celle de la professionnalisation. Des audits sur la performance des achats ont été menés, afin de voir où chaque direction en était dans sa politique achats. La profession d'acheteur a fait son entrée dans le référentiel des métiers de la ville, un club achats mis sur pied et un plan de formation élaboré. Ce dernier, axe fort de la professionnalisation, a mis l'accent sur le développement de la négociation, de la relation fournisseurs et sur l'évaluation des besoins. «Il fallait dédramatiser et formaliser sur tout ce qui se passe en amont de la procédure du Code des marchés publics, explique Brigitte Lareyre. Près de 300 personnes ont été sensibilisées à ces pratiques, avec plus ou moins de résistance.» La mission achats-marchés a par ailleurs fait appel à des acheteurs privés fin d'aider les équipes en place. Un autre grand volet du plan de professionnalisation des achats au sein de la mairie est celui des outils achats. «Depuis début 2006, nous travaillons à la promotion des outils achats communs, ce qu'oblige le fonctionnement en transversal», glisse Denis Roquier. Outil de cartographie, grille d'analyse des opportunités fournisseurs, de recensement des besoins, d'analyse des offres, de la performance économique, du gain achats...Tout a été développé en interne, en attendant l'implantation du système d'information finances, qui comprendra un module achats. La mission se félicite enfin de l'évolution des mentalités et de la volonté des acheteurs de faire entrer la dimension économique de l'achat dans leur quotidien.

 
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Damien Chalon

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