Les réseaux territoriaux dynamisent les achats durables
Une dizaine de réseaux territoriaux regroupant différentes collectivités ont vu le jour. Véritables laboratoires des achats durables, ils sont un lieu d'échange et de conseil sur ces problématiques. Les remontées d'informations alimentent les réflexions au plus haut niveau.
Je m'abonneA travers les réseaux territoriaux, les collectivités sont de véritables boîtes à idées pour booster les achats durables. Tel est le principal constat dressé, le 11 septembre dernier à Paris, lors des premières assises «Commande publique et développement durable». Co-organisée par l'Arène Ile-de-France, l'Ademe, Cités unies France et les Eco-maires, cette journée a mis en valeur les actions foisonnantes de la dizaine de réseaux territoriaux qui maillent une partie de la France. Ceux- ci regroupent de multiples acteurs: communes, EPCI, conseils généraux et régionaux, délégations régionales de l'Ademe et de l'Arène... A l'exception du Réseau Grand Ouest (RGO), qui s'est donné un statut associatif (loi 1901), tous sont structurés de manière informelle. S'ils ont en commun la mutualisation et le transfert d'expérience afin d'intégrer des clauses de développement durable dans les marchés publics, les réseaux affichent des résultats tangibles dans des secteurs très divers.
S'appuyer sur l'expérience des grandes collectivités
Créé en décembre 2006, le réseau Paca «Commande publique et développement durable» regroupe, par exemple, 30 collectivités. Il planche actuellement sur le thème intitulé «opération de construction et qualité environnementale». Quatre réunions d'une journée sont organisées dans l'année. Les matinées sont consacrées à des ateliers de travail. Des visites d'ouvrages construits ou réhabilités en intégrant des principes de développement durable ont lieu les après-midi. «Les outils et la documentation pour établir un cahier des charges étaient insuffisants. Nous nous sommes donc rapprochés de deux associations spécialisées dans l'assistance à maîtrise d'ouvrage et l'assistance à maîtrise d'oeuvre», explique Valérie >»
Barre, chargée de mission au sein de l'Agence régionale pour l'environnement, qui anime le réseau. A terme, des trames de cahiers des charges seront proposées. Ces travaux seront mis en ligne au niveau national.
Le Réseau Grand Ouest (RGO) «commande publique et développement durable», regroupe pour sa part 41 collectivités, représentés par les élus, les juristes des services achats et/ou de la commande publique, et enfin les techniciens des services environnement ou insertion sociale. Il mène ainsi plusieurs actions: mise à disposition d'informations sur le thème de l'intégration du développement durable dans la commande publique (veille juridique, veille sur l'offre, retours d'expérience, parution de guides, nouveaux labels...), participation à des actions de formation ou de sensibilisation au sein des collectivités adhérentes, etc. «A l'occasion d'un appel d'offres, une collectivité demande, par exemple, d'être aiguillée vers un interlocuteur d'une autre entité qui a déjà traité ce type de marché. Il s'agit surtout de mise en relation des personnes», explique Emmanuelle Albert, animatrice du réseau. Les acteurs échangent et travaillent ensemble via des groupes thématiques (textile, produits d'entretien, fournitures de bureau, etc.). «Quatre ou cinq collectivités intéressées par le sujet se réunissent à plusieurs reprises pour faire l'état des lieux de la thématique et étudier les possibilités d'intégration de critères de développement durable dans les marchés concernés, témoigne Emmanuelle Albert. Le fruit des travaux est ensuite diffusé au réseau via un document de synthèse.» Le réseau organise aussi des demi-journées entre acheteurs publics et représentants d'entreprises.
Créés de manière empirique depuis 2002, ces réseaux se sont coordonnés à l'échelle hexagonale en 2005. Un groupe de travail national des réseaux territoriaux «commande publique et développement durable» a été créé à cette date. L'animation est assurée par deux associations: les Eco-maires, plutôt spécialisés dans les achats «verts», et Cités Unies France, expertes en achats éthiques. «Nous bénéficions également du soutien technique et financier de l'Ademe», explique Anne-Sophie Robin, secrétaire générale des Eco-maires.
Ce réseau national a quatre objectifs principaux. D'abord, il entend faciliter les synergies entre les différentes initiatives territoriales: partages d'expériences et d'outils, synthèses des productions des réseaux territoriaux, etc. D'autre part, cette structure nationale doit favoriser le développement et l'émergence de nouveaux réseaux territoriaux. Troisième objectif: donner davantage de visibilité nationale aux différentes initiatives locales pour témoigner de l'existence de leurs démarches. Enfin, le réseau national a pour mission d'engager des actions collectives, à l'image du premier colloque «commande publique et développement durable» du 11 septembre dernier. «Notre objectif, c'est également qu'une collectivité publique, quelle que soit sa taille, ait un interlocuteur pour les questions touchant au développement durable», ajoute Anne-Sophie Robin. Le site www. achatsresponsables.com est ainsi devenu une véritable plateforme d'échanges sur le sujet. A terme, il centralisera l'ensemble des contributions.
De nombreuses difficultés sur le terrain
Cette articulation nationale s'appuie sur un constat. Si le nouveau code des marchés publics impose aux acheteurs publics de tenir compte des objectifs de développement durable lors de la détermination des besoins, les collectivités rencontrent de nombreuses difficultés dans la mise en oeuvre de ces marchés. C'est ce que souligne une étude de l'Ademe. La méconnaissance ou l'insuffisance de l'offre, les difficultés juridiques, le prix, etc. sont les principaux obstacles recensés. L'appartenance aux réseaux territoriaux contribue à lever ces freins, même s'ils n'ont pas vocation à être des groupements d'achats. Seul le Réseau Grand Ouest, sur certaines familles d'achats, mène une réflexion dans ce sens. Toujours est-il que la participation à un réseau est une tendance forte. «41 % des collectivités qui ne participent pas à un réseau souhaiteraient y adhérer», révèle Christine Cros, chef du département éco- conception et consommation durable de l'Ademe. Au vu de son expérience, Emmanuelle Albert, animatrice du RGO, considère que «les grandes collectivités doivent jouer un rôle moteur du fait de leurs moyens et de leur avance en termes de retour d'expérience». Lors de son intervention, le 11 septembre dernier, la présidente de l'Arène Ile-de-France, Marie-Pierre Digard, a souligné que ces réalisations «devraient pouvoir s'appuyer sur un portage politique fort. Les conseils régionaux devraient les soutenir financièrement.» L'actualité a fourni dernièrement aux réseaux territoriaux plusieurs éclairages particuliers. Contributeurs au Plan national d'actions pour les achats publics durables (PNAAPD), qui a pour ambition de faire de la France un leader européen en matière d'achats durables en 2009, les réseaux territoriaux ont également formulé une quinzaine de propositions qui seront soumises au prochain Grenelle de l'Environnement. Les Ecomaires seront assis à la table du ministre.
Développement durable: l'exemple du Grand Lyon
Pour Patrick Malfait, directeur des affaires juridiques et de la commande publique de la Communauté urbaine de Lyon, le concept de développement durable a mûri sur le plan économique. «Nous sommes passés du gadget à une phase où une véritable stratégie est mise en place dans la commande publique», se félicite Patrick Malfait. Le Grand Lyon est un exemple de ce qui préfigure certainement les achats de l'après-Grenelle. «En 2007, nous nous sommes fixés un objectif: 50% de nos marchés devaient intégrer une clause sociale ou environnementale.», indique-t-il. Cela a conduit à ouvrir certains marchés à la logique de DD: voirie, transports, etc. Selon Patrick Malfait, la réussite de ces politiques passe par la «massification» de la commande, qui permettra de peser sur le fournisseur. Ainsi, le Grand Lyon s'est appuyé sur le réseau des Communautés urbaines de France (CUF) et ses quatorze grandes métropoles (Marseille, Bordeaux, Strasbourg...) pour constituer un groupement d'achats pour des véhicules électriques. «Aucune offre ne correspondait à nos besoins précis: des véhicules légers et utilitaires électriques avec une autonomie minimum de 100 km.» La parade a d'abord consisté à massifier davantage la commande en coordonnant les achats d'autres métropoles européennes.
Dans un second temps, un appel d'offres de grande ampleur sera lancé, proposant aux fournisseurs un véritable partenariat, s'ils acceptent d'investir dans la R&D pour répondre au besoin. Un contrat de longue durée, des délais de livraison importants et la prise en compte de la phase de préindustrialisation figureront ainsi dans le cahier des charges. Les achats publics, qui représentent 10% du PIB français, traduisent ainsi leur capacité à orienter la production dans le sens de leurs besoins.
Anne-Sophie Robin, Eco-maires
«Une collectivité publique doit avoir un interlocuteur pour le développement durable»
Christine Cros, Ademe
«41% des collectivités qui ne participent pas à un réseau veulent y adhérer.»
Témoignage
«Le réseau permet aux acheteurs de mutualiser leurs connaissances»
FRANCK DANIZEL, responsable achats, ville de Joué-les-Tours
Joué-les-Tours, située dans la région Centre, n'a aucun réseau «commande publique et développement durable» sur son territoire. Une situation que regrette Franck Danizel, responsable du service achats de la commune: «Le réseau permet la mutualisation des connaissances et le partage des cahiers des charges, explique-t-il. Ces aspects revêtent encore plus d'importance en matière de développement durable. Peu d'acheteurs sont formés aux connaissances techniques et juridiques particulières à cet enjeu.» Outre cette technicité dans le cahier des charges ou dans la connaissance des labels, la montée en puissance des achats verts réclame de connaître les fournisseurs. «Nous avons rencontré ce cas dernièrement, pour un marché d'acquisition de matériaux en bois et en acier, explique Franck Danizel. J'ai pu recueillir des informations et des retours d'expérience en contactant le Réseau Grand Ouest, dans la région voisine.» L'absence de réseau territorial n'empêche pas, néanmoins, de mener des actions en commun sur les achats verts. Ce fut le cas dernièrement à l'échelle de la communauté d'agglomération Tours Plus, dont fait partie Joué-les-Tours. «Un appel d'offres global a été lancé sur l'achat de papier respectant les critères du développement durable. Cette massification de la commande nous a été doublement bénéfique, puisque nous avons également obtenu des économies de l'ordre de 20 centimes d'euros par ramette.»
Le récent rapport d'activité de la collectivité ouvre la voie aux «achats durables». L'objectif annoncé est de «renforcer et développer la démarche d'achats éthiques. Son objectif est de s'assurer que derrière chaque commande, elle participe au progrès social, à la protection et à la mise en valeur de l'environnement». A titre personnel, Franck Danizel pourrait décider prochainement de s'investir dans la création d'un réseau.
Joué-les-Tours
Département: Indre-et-Loire
Habitants: 37 126
Site officiel: www.ville.jouelestours.fr