La sphère publique s'attaque aux dépenses d'impression
En centralisant les impressions, les multifonctions remplacent peu à peu des parcs très hétérogènes. En outre, la facturation au «coût unique à la page» permet de contrôler les dépenses. Mais cette optimisation dépend de la maîtrise de la consommation de la couleur, qui reste dix fois plus chère que le noir et blanc.
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La Cimir en quelques mots
La Commission interministérielle des matériels d'impression et de reproduction joue un double rôle. Elle contrôle et soutient la modernisation du matériel d'imprimerie et de reproduction des administrations centrales, des services déconcentrés et des établissements publics à caractère administratif. Elle remplit un rôle de conseil auprès des services achats et utilisateurs concernant l'intégration des nouvelles technologies. Son avis préalable est obligatoire pour l'implantation de matériel de production de plus de 50 ppm.
L'arrivée des multifonctions (MFP) à usage départemental dans la sphère publique coïncide avec une meilleure maîtrise des dépenses d'impression. En 2006, les 865 dossiers traités par la Commission interministérielle des matériels d'impression et de reproduction (Cimir) ont représenté 168 millions d'euros, générant une économie de 61 millions d'euros. «Les structures publiques s'équipent de plus en plus souvent de multifonctions, relève Michel Bessou, secrétaire général de la Cimir (voir encadré ci-dessous). Ces appareils sont une bonne réponse au développement incontrôlé des parcs d'imprimantes, qui génèrent des surcoûts multiples.»
Comment parler de maîtrise des dépenses, alors que l'arrivée de ce matériel haut de gamme, couleur et haut volume peut inciter à imprimer davantage? Thierry Guignard, responsable des marchés publics chez Konica Minolta, pointe d'abord le volontarisme administratif. «Depuis plusieurs mois, sous l'impulsion conjointe du Code des marchés publics et de la Loi organique relative aux lois de finance (LOLF), les entités publiques ont l'objectif d'optimiser leurs dépenses d'impression et de mutualiser l'usage des appareils par département», constate-t-il.
L'exemple du Minéfi, ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, est éloquent. En 2004, il comptait encore une machine pour 1,4 personne! Le passage à la multifonction devrait permettre de faire chuter ce ratio imprimante/nombre d'utilisateurs à un pour quatre à l'horizon 2010 (lire le témoignage p. 57).
Les machines haut volume les plus prisées
Voici une sélection des multifonctions couleur haut volume à usage départemental, dont la vitesse d'impression se situe entre 35 et 40 pages par minute.
Des parcs très hétérogènes
Cet exemple est-il un épiphénomène? «De manière générale, le parc d'impression des collectivités publiques reste très hétéroclite, en termes de modèles, de fournisseurs ou de contrats d'entretien, résume Alain Vilcoq, consultant spécialisé chez Factea Sourcing. Les achats sont souvent effectués au coup par coup. Les fabricants en profitent en mettant en avant le très faible coût d'achat des imprimantes. En revanche, ils se rattrapent largement sur le prix des consommables!»
Au contraire des imprimantes, la MFP représente un investissement lourd: pour du haut volume (40 pages par minute), il faut compter au minimum 10 000 euros HT. L'achat d'une multifonction fournit avant tout l'occasion d'optimiser son parc. Une MFP permet, en effet, de réduire les coûts de maintenance, de mieux contrôler l'origine des flux et enfin de rationaliser au maximum le parc des machines. Le retour sur investissement est facilement mesurable.
Des dépenses maîtrisées
Outre le fait qu'elle se substitue a un parc considérable d'imprimantes individuelles, la MFP offre une grande visibilité en termes de dépense. La facturation s'établit, en effet, sur la base d'un «coût unique à la page», calculé au mois ou au trimestre, afin d'ajuster régulièrement le contrat. Ce tarif est valable pour toutes les fonctions: copie, fax, impression... En moyenne, il s'élève à 0,06 centime d'euros, contre 0,02 maximum pour une imprimante. «Ce prix comprend l'encre, le déplacement du technicien, la main-d'oeuvre, les pièces détachées, etc., décrypte Alain Vilcoq. A titre de comparaison, la maintenance n'est pas intégrée dans le coût à la page des imprimantes.» En systématisant l'utilisation départementale, la MFP permet également de réduire le nombre de copies. «Le fait de devoir se lever et aller chercher ses travaux dans un autre bureau génère moins d'impression», constate le consultant.
L'arrivée de la couleur, dix fois plus onéreuse que le noir et blanc, est-elle une menace pour les dépenses? Oui, mais la parade existe. Des logiciels de gestion très pointus sont ainsi compris dans le «package» de la MFP. «C'est l'autre critère d'achat prioritaire, avec le coût à la copie, confirme Thierry Guignard (Konica Minolta). Le client veut contrôler la copie couleur. Nos technologies lui offrent plusieurs solutions: fixer des quotas précis d'impression, de copie et de numérisation pour chaque service ou réserver l'accès de la couleur à certains utilisateurs par exemple.»
Selon Thierry Merlant, directeur des marchés publics chez Ricoh, d'autres critères d'achats peuvent entrer en ligne de compte. «Sur ce marché très concurrentiel, les écarts de prix ne sont pas toujours significatifs. Chaque fabricant met en avant ses atouts de service. Nos techniciens interviennent ainsi sur toute la France. Cela nous a permis de remporter des appels d'offres.»
Témoignage
«Améliorer le service grâce à une qualité et une rapidité d'impression supérieures»
DAVID PETIT, responsable des achats de la ville de Lens
La ville de Lens a adopté, depuis trois ans, une politique globale d'achats. Son objectif? Rationaliser ses dépenses. «Nous avons identifié quelques familles à traiter en priorité, explique David Petit, responsable des achats. L'impression en fait partie, car nous avons un parc très disparate en termes de marques, de contrats d'intervention et de fournisseurs.» Celui-ci est, en effet, constitué de 180 imprimantes jet d'encre et laser et de 71 photocopieurs, pour 300 utilisateurs administratifs, avec un fort taux d'utilisation individuelle.
Au final, les coûts de fonctionnement augmentaient régulièrement, jusqu'à 10% certaines années.
Les achats n'ayant ni visibilité, ni éléments de synthèse sur le volume global d'impression, un audit a donc été confié au cabinet de conseil Factea Sourcing. Ce dernier a préconisé l'achat de multifonctions couleur qui offrent un accès élargi aux nouvelles technologies, tout en optimisant les coûts. Par ailleurs, la collectivité disposera de statistiques consolidées et pourra suivre l'évolution de la consommation de papier. «Nous allons également améliorer le service à nos utilisateurs grâce à une qualité et une rapidité d'impression très supérieures, juge David Petit. Enfin, notre équipe informatique sera soulagée des opérations de maintenance, actuellement trop nombreuses.»
Au final, dans le cadre de la procédure qui sera prochainement mise en ligne, David Petit aura deux critères d'achat principaux, à niveau qualitatif comparable des matériels: le coût global d'utilisation et la qualité des services associés, comme l'assistance technique personnalisée, le service après-vente ou la garantie. A chaque fabricant de faire bonne impression.
Décloisonner les services
Au final, la maîtrise des coûts rencontre moins d'obstacles techniques qu'organisationnels. «Dans les collectivités, la gestion reste très segmentée, constate Thierry Merlant. Les directions de services informatiques gèrent souvent les imprimantes, tandis que les achats ont pris en main les multifonctions. Les deux services communiquant peu entre eux sur le sujet, cela complique une gestion globale du parc.» La Cimir tente de lutter contre ces cloisonnements. «Il faut tendre vers les projets communs, qui permettent notamment de réduire à deux ou trois le nombre de fournisseurs. Cette démarche ne doit pas seulement s'appliquer dans chaque administration, mais également entre elles», plaide Philippe Bessou. A titre d'exemple, la Cimir incite, au niveau local, au regroupement d'achats des préfectures, des directions départementales de l'agriculture et des forêts (DDAF) et des directions départementales de l'équipement (DDE). Les gisements d'économies sont réels. Dernièrement, un audit dans une préfecture de province a ainsi révélé la présence de treize fournisseurs d'imprimantes. Et d'autant de modèles et de contrats d'entretien.
Témoignage
«Nous avons réalisé 30 à 40% d'économies»
MARCEL DUMAREST, chargé de mission et responsable du domaine informatique à l'Agence centrale des achats du Minéfi
Le ministère des Finances emploie environ 180000 agents, répartis sur près de 7500 sites sur tout le territoire. Jusqu'en 2005, le Minéfi avait peu de visibilité sur son parc bureautique. «Nous avions des outils d'inventaire informatique pour les imprimantes mais pas pour les photocopieurs, explique Marcel Dumarest, chargé de mission à l'Agence centrale des achats (Aca) et responsable notamment de l'impression. Nous avons donc réalisé un premier inventaire en 2005 via un questionnaire aux services.» Les résultats ont été édifiants. En moyenne, il y avait une imprimante pour 1,4 agent, avec une forte présence d'imprimantes individuelles à jet d'encre. «Le matériel n'était utilisé qu'à 10% de sa capacité», note Marcel Dumarest. Le parc se révélait également très hétérogène, avec près de 500 modèles différents. Quant aux photocopieurs, peu étaient utilisés en réseau.
En s'appuyant sur cette cartographie, le ministère a décidé de rationaliser son parc d'impression. Après appel d'offres, des marchés ont été conclus début août 2006. Les titulaires ont été sélectionnés après enchères électroniques inversées.
Ricoh fournit ainsi les photocopieurs multifonctions et le distributeur LNA livre des imprimantes laser en réseau de marque HP. Les deux marchés portent sur un minimum de 28 millions d'euros jusqu'en 2010, date à laquelle un nouvel état des lieux sera effectué. «Nous avons réalisé des économies de l'ordre de 30 à 40%», estime Marcel Dumarest.
En parallèle, une campagne de sensibilisation des utilisateurs a été menée.
L'Agence centrale des achats a ainsi réalisé des documents d'information sur la bonne utilisation des systèmes d'impression. Le guide Imprimer utile, diffusé à tous les services, comporte ainsi des conseils éco responsables, comme l'utilisation du recto verso ou des aperçus avant impression. Une animation sur les intranet vient d'être mise en ligne pour accentuer cette opération.