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Externaliser le nettoyage de ses locaux

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De plus en plus d'organismes publics externalisent le nettoyage de leurs locaux, habituellement géré en interne. Sur ce dossier sensible d'un point de vue social, des solutions existent pour améliorer les coûts sans, pour autant, sacrifier la qualité.

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@ Samsic

Dans les administrations et les collectivités locales, le nettoyage des locaux est traditionnellement confié à des agents en interne, voire à des contractuels recrutés expressément pour cette tâche. Pourtant, depuis quelques années, certains donneurs d'ordres publics ont décidé de déléguer ce type de prestation auprès d'entreprises spécialisées. Ainsi, selon la Fep (Fédération des entreprises de propreté et services associés), les marchés publics pèsent aujourd'hui 16 % du chiffre d'affaires de la profession, soit 1,248 milliard d'euros. «De plus en plus de collectivités externalisent l'entretien d'une partie de leurs locaux, notamment à l'occasion du départ à la retraite du personnel de tel ou tel bâtiment public, confirme Paulin de Boysson, consultant au sein du cabinet de conseil Factea Sourcing. Mais l'externalisation d'une prestation de propreté reste un sujet extrêmement sensible dans la sphère publique, davantage encore que dans le privé.» Pour un autre spécialiste du secteur, l'achat de ce type de service est en effet soumis à des considérations politiques. «De manière beaucoup plus flagrante que pour toute autre prestation, la couleur politique de la collectivité influe grandement sur le choix ou non de l'externalisation, dit un consultant sous couvert d'anonymat. Les collectivités marquées à gauche y sont opposées quand celles de droite y sont plutôt favorables.»

Paulin de Boysson, Factea Sourcing

« Les collectivités n'ont pas l'habitude de faire jouer la concurrence sur ce type de marché.»

Pour les organisations publiques bien décidées à franchir le pas, le choix en matière de prestataires ne manque pas. En effet, le secteur compte près de 14 835 entreprises qui emploient elles-mêmes plus de 385 000 salariés, pour un chiffre d'affaires de 7,8 milliards d'euros (source: Insee). Cela dit, le marché de la propreté est dominé par les grandes structures (500 salariés et plus) qui réalisent 48 % du chiffre d'affaires de la profession alors qu'elles ne représentent que 1 % des effectifs. A l'inverse, les sociétés de moins de 10 salariés, à vocation essentiellement locale, représentent 66,5 % des entreprises de nettoyage et seulement 11,5% des parts de marché en valeur. D'ailleurs, selon une enquête réalisée par la Fep, «les petites entreprises sont peu positionnées sur les marchés publics», puisqu'elles y réalisent à peine 10 % de leur business. En revanche, les grandes entreprises de propreté tirent 30 % de leur chiffre d'affaires de clients du secteur public.

JACQUES BURET, responsable de la proximité territoriale à la direction des bâtiments, ville d'Angers.

JACQUES BURET, responsable de la proximité territoriale à la direction des bâtiments, ville d'Angers.

Témoignage
«Nous recourons à des prestataires aussi bien locaux que nationaux»

Depuis 1981, la propreté de la mairie d'Angers et de ses annexes est assurée par un prestataire extérieur sur une surface de 25 644 m2 pour un budget d'environ 210600 euros bruts par an. Toutefois, la ville gère en parallèle 250 bâtiments publics (locaux administratifs, crèches, bibliothèques, équipements sportifs, etc.), d'une surface totale de 142000 m2 et dont le nettoyage était assuré historiquement par des agents municipaux. «Mais, face à un absentéisme relativement important, nous avons décidé de sous-traiter le nettoyage de certains locaux», confie Jacques Buret, responsable de la proximité territoriale à la direction des bâtiments de la ville d'Angers. Ainsi, 26000 m2 sont confiés quotidiennement à des entreprises de nettoyage pour un budget annuel de 900000 euros HT. La majorité des bâtiments restent tout de même aux mains des agents municipaux, soit 160 personnes, pour un budget annuel interne de 2,85 millions d'euros HT. Sur la partie externalisée, le marché de la ville d'Angers est divisé en plusieurs lots, par secteur géographique, quelle que soit la destination du lieu. A chaque appel d'offres, la qualité prime sur le prix. Ce dernier est d'ailleurs évalué en fonction d'un ratio entre la surface à nettoyer et la durée de l'encombrement des lieux. «Nous recourons à des prestataires aussi bien locaux que nationaux, précise Jacques Buret. La qualité, le matériel, la sécurité, le respect de l'environnement, notamment à travers l'utilisation de produits de nettoyage écolabellisés, sont les principaux points- clés des cahiers des charges.» Un système de pénalités est d'ailleurs prévu afin que les prestataires respectent les contraintes des cahiers des charges.


Ville d'Angers


- DEPARTEMENT: Maine-et-Loire.


- NOMBRE D'HABITANTS: 152 700.


- BUDGET MUNICIPAL 2007: 260 millions d'euros.

Parler un langage métier

Comme pour tout achat de prestation, la rédaction du cahier des charges se doit d'être la plus précise possible. Dans un premier temps, la collectivité définit son besoin. En matière de propreté, le donneur d'ordres doit ainsi fournir aux prestataires qui souhaitent participer à l'appel d'offres le descriptif des surfaces, par typologie de locaux (bureaux, usines, restaurant collectif...) et par nature de sol (moquette, stratifié, béton...). Bien entendu, la superficie entre en ligne de compte, mais ce n'est pas le point le plus important pour un fournisseur. Mieux vaut se tromper de quelques mètres carrés dans un cahier des charges que de revêtements de sols. «Plus l'acheteur parlera un langage métier, plus le prestataire sera en mesure de lui proposer une offre qui correspondra à son besoin et au résultat attendu», précise Christophe Fillon, directeur du pôle Frais généraux du cabinet de conseil LowendalMasaï. Ensuite, le donneur d'ordres doit préciser les contraintes de fonctionnement du ou des différents bâtiments publics. Il s'agit principalement des horaires d'ouverture et de fermeture des locaux, des consignes de sécurité, des locaux disponibles pour ranger ou non le matériel, etc.

Face à ce cahier des charges, la tendance des acheteurs est de passer aujourd'hui des contrats avec obligation de résultat, et non plus avec obligation de moyens, comme c'était le cas auparavant. Ce type de contrat est plus difficile à gérer et suppose de mettre en place des systèmes de contrôle qualité relativement importants. Pour Christophe Fillon, cette tendance est pernicieuse: «Je trouve que c'est une façon très optimiste de lancer des appels d'offres! Une prestation de propreté repose avant tout sur des études de faisabilité technique et humaine et, donc, sur des moyens. Je pense qu'il est beaucoup plus pertinent de s'intéresser, par exemple, aux cadences de travail mises en place par le prestataire.» Concernant les critères de sélection de l'entreprise de propreté, l'offre la mieux-disante doit être privilégiée, comme pour tout achat public.

Peu de marges de négociation

Le prix n'est donc pas le seul critère, d'autant que la marge de négociation est relativement mince. En effet, si l'on décompose le coût d'une prestation de nettoyage, la masse salariale représente 75 % du prix de revient de la dite prestation (source Insee). Aujourd'hui, selon les différentes entreprises interrogées, le prix du m2 nettoyé se négocie aux alentours de 16 euros nets pour des locaux tertiaires. «Malheureusement, les acheteurs publics continuent de privilégier le moins-disant. Nous le voyons bien dans la pondération des critères lors de la sélection des prestataires. Le prix compte encore à hauteur de 60 à 70 % dans l'attribution des marchés», affirme Gilles Rafin, président de la commission économique de la Fep et président d'Hôpital Services. Pour les chasseurs de coûts, il est normal que le prix reste le premier critère de choix. «Les prestations sont suffisamment standardisées pour que ce critère reste prépondérant dans le choix final», lui répond Paulin de Boysson (Factea Sourcing).

Si une pression excessive sur le prix de la prestation est risquée, il existe d'autres moyens de réaliser des économies. «Beaucoup de mairies laissent leurs services municipaux acheter une prestation de propreté indépendamment les uns des autres, témoigne Paulin de Boysson. En effet, les collectivités n'ont pas l'habitude de faire jouer la concurrence sur ce type de marché.

Pour réaliser des économies, ces dernières ont pourtant tout intérêt à faire jouer les économies d'échelle.» Autre source de gains: la fréquence de renouvellement de la prestation. «Trois fois par semaine, c'est largement suffisant!, reprend Paulin de Boysson. Par rapport à cinq passages par semaine, nous avons calculé qu'une collectivité réalisait en moyenne 40 % d'économies.» A noter que la fréquence de passage peut être différente selon les sites. Les halls d'accueil pour le public, le bureau du maire et celui du directeur de cabinet peuvent être nettoyés plus fréquemment que des bureaux administratifs.

PATRICK PASQUIER, directeur des affaires juridiques et des marchés, mairie de Boulogne-Billancourt

PATRICK PASQUIER, directeur des affaires juridiques et des marchés, mairie de Boulogne-Billancourt

Témoignage
«Ne pas relâcher la pression sur le prestataire pour obtenir la qualité souhaitée»

Il y a un an et demi, la ville de Boulogne- Billancourt passait un appel d'offres inédit concernant l'entretien de l'ensemble des locaux municipaux, soit un marché de plus de 2 MEuros. «Auparavant, les prestations de nettoyage étaient réalisées en interne. Le personnel parti à la retraite n'étant pas remplacé, nous avons été amenés à externaliser ce type de prestation, à titre expérimental. Fin 2005, toutes les conditions étaient réunies pour passer un appel d'offres global», explique Patrick Pasquier, directeur des affaires juridiques et des marchés à la mairie de Boulogne-Billancourt. Pour optimiser les coûts tout en garantissant la qualité de la prestation, Patrick Pasquier s'est fait accompagner par un cabinet de conseil (Factea Sourcing, NDLR). «Nous avons porté une attention particulière à la définition des besoins, précise-t-il. Les cahiers des charges ont été corédigés avec les agents municipaux pour coller au plus près de leurs attentes. Les besoins d'une crèche ne sont pas ceux de l'hôtel de ville.» L'appel d'offres est remporté par le groupe TFN. Le suivi de la prestation en est un des éléments-clés. «Nous avons mis en place des correspondants dans chaque service chargés de faire l'interface avec TFN et de contrôler la qualité de la prestation», indique Patrick Pasquier. Des bilans sont effectués périodiquement. «Par exemple, nous venons de constater que le niveau d'encadrement était insuffisant et, grâce à ces réunions, nous avons demandé de rectifier le tir. Sur le marché de la propreté, il faut rester vigilant et ne pas relâcher la pression sur le fournisseur pour obtenir la qualité souhaitée», conclut Patrick Pasquier. Un prestataire averti en vaut deux!


Ville de Boulogne- Billancourt


- DEPARTEMENT: Hauts-de-Seine
- NOMBRE D'HABITANTS: 108800
- BUDGET MUNICIPAL 2007: 152,2 millions d'euros (dépenses de fonctionnement uniquement)

Savoir dépasser le seul critère du prix

De plus, d'autres critères que le prix peuvent et doivent être pris en compte. Les références clients, l'encadrement, la formation du personnel, la capacité du prestataire à proposer et apporter de nouveaux services, la démarche qualité, etc. sont autant de facteurs qui permettront à l'acheteur public de différencier plusieurs candidats à un appel d'offres. «La collectivité peut inclure dans son cahier des charges une dimension sociétale et environnementale, ajoute Paulin de Boysson. Les enjeux et les leviers durables portent sur les produits, matériels et procédés de nettoyage utilisés, mais aussi sur la politique de ressources humaines du prestataire.» Un taux de rotation trop important du personnel devra faire s'interroger l'acheteur public sur la politique RH de l'entreprise de propreté.

Après l'appel d'offres, le suivi de la qualité de la prestation est fondamental. Les conditions d'exercice de ce contrôle qualité doivent être prévues dès la rédaction du cahier des charges. «Par exemple, la collectivité peut exiger la visite, une fois par mois, d'un responsable pour vérifier et s'assurer de la qualité de la prestation, avec une feuille de présence et de suivi à remplir», précise Paulin de Boysson. En cas de non-respect des consignes, un système de pénalités permettra de rappeler à l'ordre l'entreprise de propreté. Une part variable dans la rémunération du prestataire peut également être instituée et récompenser le travail bien fait.

 
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Sébastien de Boisfleury

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