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«La professionnalisation des achats publics est lancée»

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Le directeur des affaires juridiques du ministère de l'Economie et des Finances, Jérôme Grand d'Esnon, revient pour le magazine «Acheteurs Publics» sur les événements qui ont marqué l'année 2006 et annonce la couleur pour 2007. CCAG, SBA, achats durables, ces dossiers ne manqueront pas d'animer l'exercice en cours.

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Jérôme Grand d'Esnon est le marathonien des achats publics. Avec près de 130 conférences, 10 000 acheteurs rencontrés et plus de 80 interventions en 2006, ce titre est amplement mérité. L'occasion pour l'ex-conseiller juridique à l'Elysée de retourner sur le terrain, d'aller au plus près des attentes des acheteurs publics et, surtout, d'expliquer la réforme du Code des marchés publics. Quant à l'année 2007, elle ne s'annonce pas de tout repos.

Acheteurs publics: L'année 2006 a été intense pour les acheteurs publics. Quel bilan en faites-vous?

Jérôme Grand d'Esnon:L'année 2006 a été marquée par la sortie du nouveau Code des marchés publics. Cette réforme a été moins lourde que celle intervenue en 2004. Mais elle a surtout été longue puisque nous avons fait le choix de la consultation par Internet. Les remarques ont été nombreuses et précieuses. Leur traitement a donc pris du temps.

AP: Cette réforme a provoqué la grogne des acheteurs publics...

JGE: Le climat s'est apaisé très vite. La réforme de 2004 avait été beaucoup plus forte, plus déstabilisante. Celle que nous avons menée en 2006 est mieux passée, la philosophie générale n'a pas été modifiée. Grâce à cette réforme, des outils prometteurs ont été mis à disposition des acheteurs publics.

« Il ne faut pas être angélique et dire que tout va changer parce que le Code permet telle ou telle nouvelle pratique.»

AP: Vous faites ici allusion aux accords-cadres?

JGE: Tout à fait. Les accords-cadres constituent clairement une amélioration. Ils sont le point central de la réforme. Leur potentiel est très important même si, pour l'instant, les acheteurs ont encore peur d'y recourir. Certains d'entre eux souhaiteraient que nous soyons plus directifs sur la façon de les mettre en oeuvre, demande à laquelle je résiste car il existe autant de situations qu'il y a d'acheteurs. Là encore, ces derniers doivent prendre leurs responsabilités.

«L'Etat vient de lancer un vrai mouvement de professionnalisation de ses achats, on ne peut plus acheter n'importe comment dans son coin.»

AP: Avec la réforme, les acheteurs publics vont-ils faire évoluer leurs pratiques, prendre plus d'initiatives?

JGE: Nous ne pouvons pas tout modifier d'un coup de baguette magique! Il existe encore beaucoup de pratiques très protectrices. Il ne faut pas être angélique et dire que tout va changer parce que le Code permet telle ou telle nouvelle pratique. Il faudra, sans doute, une dizaine d'années pour que cette réforme soit totalement assimilée.

AP: Pourtant le mouvement de professionnalisation se généralise...

JGE: Effectivement, l'Etat a initié cette professionnalisation, à l'instar des grandes collectivités. Le mouvement est lancé, on ne peut plus acheter n'importe comment dans son coin. Reste à l'étendre aux petites et moyennes collectivités. Leur avenir passe par la mutualisation notamment au niveau intercommunal. En effet, tout, dans le nouveau code, les pousse à acheter ensemble. Mais encore une fois, il faut que les acheteurs aient l'audace d'utiliser ces nouveaux outils.

AP: Le Code n'a pas été le seul fait marquant de l'année 2006, il y a également eu le lancement du réseau PPN (Public Procurement Network).

JGE: Effectivement, avec une présidence française! Ce réseau a un double objectif: échanger des informations entre les pays membres et résoudre les problèmes que peuvent rencontrer les entreprises répondant à un appel d'offres étranger. Le premier fonctionne bien: les pays membres se rencontrent une fois par an. Cet échange d'informations est très utile. Il est, en effet, plus facile de correspondre lorsque l'on se connaît. Le second objectif est une très bonne idée mais son démarrage reste poussif: il n'est pas assez connu des entreprises. Son taux de résolution est pourtant supérieur à 90 %.

AP: L'année 2007 s'annonce-t-elle aussi agitée?

JGE: La principale différence avec 2006 est que nous ne sommes pas tenus par des délais!

AP: A quelles réformes et nouveautés les acheteurs doivent-ils s'attendre?

JGE: Le principal chantier, cette année, sera la réforme des CCAG (cahiers des clauses administratives générales, ndlr). Le premier projet a été mis en ligne sur le site du ministère de l'Economie et des Finances, début janvier, il s'agit du CCAG des fournitures courantes et services (FCS). Nous renouvelons l'expérience de la consultation en ligne. Nous analyserons et tiendrons compte de la totalité des contributions des acteurs de l'achat public. Les autres CCAG (marchés industriels, travaux et maîtrise d'oeuvre, prestations intellectuelles et techniques de l'information et de la communication) seront ouverts à la consultation au cours du premier trimestre. Il faut préciser un point important: les CCAG ne sont pas obligatoires. Les nouveaux textes ne seront donc plus approuvés par décret. Ils seront modifiables à souhait.

«L'objectif est de sensibiliser les acheteurs publics au développement durable. Le Code a ouvert des portes mais nous ne sommes qu'au début du chemin.»

AP: Les achats durables ont également fait l'objet d'une consultation...

JGE: Le Minéfi s'est, en effet, associé au ministère de l'Ecologie et du Développement durable pour la consultation publique dans le cadre du plan national d'action pour les achats publics durables. L'objectif est de sensibiliser les acheteurs publics à cette problématique. Le Code a ouvert des portes, mais nous ne sommes qu'au début du chemin.

AP: L'Observatoire économique des achats publics (OEAP) vient de publier le premier recensement des marchés publics. Il annonce 52 milliards d'euros d'achats pour l'année 2005. Ce montant est-il fiable?

JGE: Ce recensement est une avancée significative. Pour la première fois, nous avons un début de fiabilité dans ce domaine. Le montant de 120 à 130 milliards d'euros, annoncé par la comptabilité publique, n'est pas représentatif car il prenait en compte des dépenses hors marchés (subventions, locations...). En faisant le ménage, nous sommes probablement aux alentours de 80 milliards d'euros. Quant au montant dévoilé par l'OEAP, il ne prend pas en compte les marchés inférieurs à 90000 euros. Il est difficile de récupérer les données en dessous de ce seuil. Nous allons essayer de le faire via les grandes plateformes de dématérialisation (Etat, e-Bourgogne...). Et, à moyen terme, nous disposerons de bretelles de récupération avec les applications comptables Hélios et Chorus, encore au stade de projets. Elles permettront de consolider toutes les informations échangées entre les administrations. Tant qu'elles ne sont pas installées, nous imposons aux acheteurs les fiches de recensement. C'est lourd mais il s'agit du seul moyen d'avoir des informations fiables.

«L'Observatoire économique des achats publics est une avancée significative. Pour la première fois, nous avons un début de fiabilité dans ce domaine.»

AP: La France milite pour la renégociation des accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). A quand un Small business act européen?

JGE: L'accord sur les marchés publics, qui est un satellite de l'OMC, n'autorise pas de discrimination des entreprises enfonction de leur taille. Pourtant, les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Corée du Sud, qui représentent plus de 50 % du PIB des pays signataires, n'ont pas hésité à recourir à la discrimination positive. Le principe du Small business act américain est simple: 22 % du marché national est réservé aux PME, ce qui, sur un montant d'achat fédéral de 350 milliards de dollars, représente une part non négligeable. Et cette part n'est pas ouverte à la concurrence étrangère. Pourquoi ne pas rééquilibrer cet accord qui date de 1994? Pourquoi ne pourrions-nous pas réserver une partie de nos marchés publics à nos PME? La première étape est de convaincre les Etats membres et la Commission européenne. Si nous y arrivons, nous passerons au stade supérieur! Mais c'est un travail de longue haleine...

AP: Tout comme pour la dématérialisation des marchés publics...

JGE: Nous y sommes attentifs. Elle ne marchait pas car il existait des blocages dans le Code. Avec les «roues de secours» prévues par ce dernier (possibilité de doubler l'offre en ligne par une sauvegarde sur une clé USB ou un CD-Rom, ndlr), les entreprises sont rassurées. Concernant le certificat, elles peuvent désormais utiliser celui du processus TéléTVA. Nous avons ouvert quelques portes, le mouvement doit maintenant se créer. De toute façon, nous n'aurons bientôt plus le choix! Les acheteurs publics pourront, dès 2010, imposer une réponse électronique. Les entreprises vont avoir le temps de s'organiser. Attention, nous y serons vite!

 
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Damien Chalon

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