«Elargir la commande publique aux PME innovantes»
Le 14 mars dernier, le Comité Richelieu a publié son rapport sur l'accès des PME innovantes aux marchés publics. L'association pointe du doigt les freins qui, selon elle, limitent l'accès de cette catégorie d'entreprises aux appels d'offres publics. Son délégué général, Emmanuel Leprince, revient sur les propositions et les actions du Comité.
Je m'abonneAcheteurs publics: Vous venez de publier un rapport sur les marchés publics. Dans quel objectif et pourquoi?
Emmanuel Leprince: Ce rapport formule des recommandations visant à ouvrir davantage la commande publique aux PME innovantes. Il a été rédigé en réponse à une lettre adressée début 2007 par le ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et des Professions libérales, à l'époque Renaud Dutreil, au président du Comité Richelieu. Le ministre souhaitait que l'association analyse deux propositions: la réservation de petits marchés publics aux PME innovantes et le développement de marchés de recherche et développement dédiés aux PME innovantes, à l'image des Small Business Innovative Research américains et japonais. Promouvoir les PME qui innovent dans des domaines technologiques tels que l'espace, l'aéronautique, les technologies de l'information, les télécommunications, etc., est bien l'objectif du Comité Richelieu. Qui opère aussi bien sur le secteur privé que public.
AP: Pour favoriser l'accès des PME aux marchés publics, quelles sont vos recommandations?
EL: Plusieurs axes ont été définis. Notre volonté était qu'ils soient applicables à droit communautaire constant, c'est-à- dire en l'état actuel de la législation européenne et OMC. Dans l'ordre, il s'agirait d'offrir la priorité aux PME innovantes à offres égales pour tous les petits marchés publics. De leur donner la priorité, pour l'ensemble des marchés de recherche et développement exclus du code. De leur réserver une partie des marchés de recherche et développement de certains grands acheteurs publics. De permettre aux acheteurs publics d'imposer une part de sous-traitance. De faire de la part de la sous-traitance confiée à ces PME un critère de choix des offres. Et enfin, de donner aux acheteurs publics un objectif d'augmentation de la part des PME innovantes dans la commande publique.
AP: Avec un Small Business Act, le dossier pourrait-il aller plus vite dans la direction que vous souhaitez?
EL: Le gouvernement semble clairement vouloir aller dans notre direction. Les négociations ont été repoussées à décembre prochain, mais les choses bougent puisqu'une résolution du Parlement européen, du 22 mai 2007, souligne l'initiative de certains Etats membres pour rééquilibrer l'accord sur les marchés publics au profit des PME. Cette résolution demande à la Commission européenne et au Conseil de l'Europe d'insister sur l'insertion d'une clause permettant à l'Union de donner la préférence aux PME dans l'attribution des marchés publics. C'est positif pour nous qui militons depuis 1989 en faveur d'un Small Business Act! Mais nous ne préconisons pas de quotas. Les acheteurs publics doivent être libres de réserver, ou non, certains marchés à des PME.
AP: Quels sont les freins à l'entrée des PME innovantes aux marchés publics?
EL: Le premier est que les PME innovantes souffrent d'un problème d'identification de la part des acheteurs publics. Les PME doivent gagner en visibilité. Et puis les acheteurs publics ont tendance à se tourner en priorité vers leurs fournisseurs habituels. La problématique n'est donc pas ici de mieux informer les PME des appels d'offres émis, mais de les aider à faire connaître leurs compétences auprès des acheteurs publics avant la procédure d'appel d'offres. Le deuxième frein est lié au risque. Lorsqu'une entreprise, aussi innovante soit-elle, propose des produits ou des services nouveaux, l'acheteur reste méfiant. Il préfère diminuer le risque en achetant à des entreprises reconnues. Une étude menée en juin 2006 par le Comité montre que 59% des PME innovantes françaises estiment avoir perdu des contrats faute de garanties suffisantes. Un adage résume bien la situation: «Personne n'a jamais été licencié pour avoir acheté chez IBM». Enfin, un troisième obstacle découle de la globalisation des marchés. Les PME innovantes sont mal positionnées en sous-traitance, leurs relations avec les donneurs d'ordres peuvent s'avérer délicates. Les acheteurs sont amenés à réduire le nombre de leurs fournisseurs et à leur confier des marchés plus importants, afin de diminuer leurs coûts d'acquisition.
AP: Pourtant le code des marchés publics prévoit des dispositions en faveur des PME. Sont-elles bien appliquées?
EL: Dans l'absolu, les outils mis à disposition des acheteurs publics sont bons. Mais ils ne sont toujours pas utilisés. Par exemple, l'allotissement ne semble pas bien fonctionner. Ces outils sont peut-être utiles mais pas suffisants. Leur réelle application nécessite, en amont, une stratégie achats claire avec des objectifs d'augmentation des relations avec des PME sur des segments d'achats définis.
AP: Les acheteurs publics membres du Comité ont-ils avancé sur le rapprochement PME innovantes et donneurs d'ordres?
EL: Bien sûr! Prenons l'exemple de la DGA, la Délégation générale pour l'armement. Elle a mis en place un plan d'action visant à davantage impliquer les PME dans les processus d'acquisition et les programmes d'études en amont. Des journées de présentation aux grands comptes privés ou publics sont régulièrement organisées. Les grands comptes publics, qui ont adhéré à la démarche, sont le CEA, le Cnes, la DGA, EDF, La Poste, des ministères... Des collectivités ont également été approchées. Le Pacte PME compte aujourd'hui près de 1300 petites et moyennes entreprises innovantes inscrites.
Historique
LE COMITE RICHELIEU EN QUELQUES DATES
1989: création du Comité Richelieu avec pour objectif l'amélioration de la participation des PME françaises aux marchés de compensation générés par la vente de matériel d'armement américain à la France.
1994: plus de cent dirigeants de PME et ingénieurs du ministère de la Défense ont adhéré.
1997: le Comité Richelieu fonde la Fédération européenne des PME de haute technologie sous le patronage de la Commission européenne.
2003: publication du premier Livre blanc qui établit un lien entre le faible développement des PME innovantes et le nombre insuffisant de grandes entreprises françaises. La même année, l'association invite à Paris le président de la Small Business Administration américaine.
2005: signature d'un partenariat pour mettre en oeuvre le Pacte PME.
2006: organisation d'une conférence à Bruxelles, en partenariat avec la CGPME, le Medef, l'Afic et Syntec Informatique, sur le thème de l'accès des PME aux marchés publics.