[Avis d'expert] Digitalisation des voyages d'affaires : les nouveaux usages bousculent la travel policy
Publié par Pascal Daveau - Euklead le - mis à jour à
La digitalisation du secteur voyages et déplacements a induit de nouveaux usages dans l'univers privé. Ceux-ci s'étendent désormais au monde professionnel. Comment la travel policy doit-elle évoluer pour permettre à l'entreprise de continuer à maîtriser son budget ?
Après l'apparition des transporteurs low-cost comme Easy Jet, c'est au tour de la révolution digitale apparue dans la première décennie des années 2000 de révolutionner le secteur voyages et déplacements. Comparateurs de prix (Kayak, Booking, Google Flight...), plateformes communautaires liées à la mobilité (Blablacar, Uber...) et à la location de logements (Airbnb) bouleversent les habitudes.
Conquis par leur facilité d'utilisation, notamment grâce au déploiement des applications mobiles, ce sont les particuliers qui s'en sont emparés les premiers. Aujourd'hui, ces derniers répliquent ces nouveaux usages dans le cadre de leurs activités professionnelles. Mais à quels prix pour l'entreprise ? Quelles précautions prendre ? Entre une travel policy rigide et une politique souple, où placer le curseur pour gérer au mieux le budget ? Au-delà, comment la faire accepter des voyageurs ?
Un besoin prégnant de centralisation des données
Historiquement, l'entreprise a eu une approche top down des déplacements des salariés avec une politique de voyages (travel policy) mise en place par la direction et gérée par une seule personne grâce à un outil de réservation dédié. Départs, retours, modes de transport, hôtellerie... tout est géré conformément à la stratégie de l'entreprise. Un moyen pour les dirigeants de s'assurer que les collaborateurs ne transgressent pas les règles internes en réservant dans des classes supérieures à ce qui leur est attribué. Reflet d'une volonté de pilotage et de maîtrise du budget, elle invite les voyageurs à respecter les accords-cadres qui ont pu être signés avec les prestataires (ex. accord avec des loueurs courte durée tels qu'Europcar).
Mais les nouveaux usages liés à la digitalisation du secteur bousculent ce schéma. Selon le Baromètre FCM-DéplacementsPros, moins de 10 % des collaborateurs affirment utiliser les outils de réservation de l'entreprise pour la majeure partie de leurs déplacements, et 22 % des sondés le font parfois : "En réalité, une grande partie des voyageurs d'affaires interrogés (48 %) préfèrent se tourner vers internet." Notons également que 35 % des utilisateurs Airbnb ont réservé en dehors de la travel policy.
Or, si les collaborateurs sont de bonne foi, faisant de la recherche des meilleurs tarifs un jeu, leurs réservations en ligne hors de l'outil de réservation de l'entreprise privent cette dernière d'informations cruciales.
Centraliser les données de chaque voyage est impératif. Pour une question de sécurité tout d'abord. Selon le Code du travail, l'entreprise a l'obligation de mettre ses salariés hors de danger (attentats, événements climatiques, contexte géopolitique...) sans délai quel que soit le lieu où ils se trouvent dans le cadre de leurs activités professionnelles. C'est le "duty of care" ou devoir de protection. Un manquement à cette obligation peut conduire l'entreprise à supporter de lourdes condamnations pécuniaires.
Les retours d'informations sont tout aussi impératifs pour optimiser un budget qui peut aisément dépasser 400 000 € par an pour une PME. Avec les nouveaux usages, le poste devient de plus en plus opaque. En effet, trajets, nuitées, repas font régulièrement l'objet de notes de frais dont les saisies sont incomplètes malgré l'existence de logiciels de reconnaissance optique. Ville de destination, nom de l'hôtel, montant TTC et HT, nombre d'invités à un repas, sont absents des indicateurs... limitant ainsi les moyens de comparaison, d'arbitrage, et de négociation. C'est sans compter qu'en règle générale, les entreprises ont préalablement négocié avec des opérateurs tels SNCF, Air France, chaînes hôtelières, compagnies de taxis...
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