Les achats, chefs d'orchestre de l'intégration de l'innovation fournisseur
Publié par Christophe Segot-Chicq : analyste sourcing chez SVP le | Mis à jour le
Les achats sont de plus en plus sollicités pour sourcer des idées innovantes.... mais les transformer en vecteurs exploitables de changement et de gains est un véritable challenge et un levier de performance.
Dans un monde où les mutations sont permanentes et où les demandes de résultats financiers sont de plus en plus exigeantes, le défi des sociétés est de trouver des sources fortes de profits qui permettront
d'engendrer des gains de productivité dans le futur.
L'innovation est donc un levier indispensable dans la survie et le développement des entreprises. Cependant, les processus de recherche d'innovation peuvent être longs et coûteux et, de ce fait, ne sont pas à la portée de toutes les sociétés dont les ressources humaines et financières peuvent être limitées. C'est pourquoi, capter et gérer ces avancées chez des fournisseurs innovants est un bon moyen d'accroître ses performances.
Implémenter l'innovation au sein de sa propre structure peut se révéler complexe mais les achats peuvent jouer un rôle crucial dans cette démarche.
Conduite du changement à travers l'innovation fournisseur
L'innovation incrémentale est la moins risquée et la plus facile à implémenter car elle consiste à améliorer des sujets existants. Les évolutions se font de manière douce pour des projets à court ou moyen terme avec un budget réduit, sans générer de grands changements ni de résistance au niveau de l'organisation de l'entreprise comme de celle du fournisseur. L'innovation de rupture consiste en un véritable changement et est potentiellement génératrice de gains exponentiels.
Ce type d'innovation, plus difficile à implémenter car implique des changements drastiques, est plus coûteux en termes de ressources humaines et financières et plus risqué. Cependant, en cas de succès, l'ampleur des retombées économiques est parfois difficile à estimer. La recherche et l'implémentation de l'innovation, qu'elle soit incrémentale ou disruptive, doivent avoir pour socle une approche "time to market", un contrôle des coûts et un suivi des résultats.Il est impératif de cadrer un projet lors de son démarrage que ce soit en termes de temps, de moyens humains et financiers mais également d'assurer un suivi pendant sa réalisation. Dans la recherche d'innovation chez les fournisseurs, l'acheteur est un maillon incontournable dans la veille technologique.
Néanmoins, il doit s'appuyer sur les compétences techniques d'experts internes qui pourront par la suite oeuvrer au projet. Lorsqu'une idée nouvelle est captée par l'entreprise, l'acheteur doit s'entourer de toutes les compétences internes afin de guider les changements nécessaires à l'implémentation de l'innovation. Quelles soient techniques, organisationnelles, financières ou liées à un nouveau produit, cette innovation implique une conduite du changement qui visera à l'adapter à sa structure pour en récolter les bénéfices. La culture d'entreprise joue également un rôle important en autorisant voire valorisant la nouveauté et la prise de risque inhérente à toute innovation. L'acheteur devra repérer, mobiliser les parties prenantes ("influenceurs", centres de décisions) et faire preuve de leadership pour faire avancer plus efficacement le projet.
Les outils de l'acheteur pour implémenter l'innovation
La digitalisation : un moyen pour libérer des ressources
La digitalisation des achats, véritable virage technologique, permet aux équipes achats de se décharger de certaines tâches. Elles peuvent être accomplies ou facilitées par ces outils et permettre de dégager plus de temps pour se consacrer à des projets d'exploration et de vision long terme, favorisant la création de valeur. Les outils sont nombreux et variés : logiciels de facturation, "market place", médiathèque des contrats ou flux d'information connectés...
De plus, si ces technologies sont partagées avec les fournisseurs critiques, cette normalisation informatique engendre une fluidification des échanges, une meilleure compréhension mutuelle, des processus communs, une collaboration plus efficace qui conduira à l'apparition d'innovations.
Calcul du retour sur investissement de l'innovation
Le calcul du retour sur investissement (ou ROI) se doit de prendre en compte chaque aspect du projet mais d'autres modes de calcul peuvent le supplanter comme l'ARPU (Average Revenue Per User). L'ARPU est une manière moins linéaire de calculer les bénéfices d'un projet car il se concentre sur l'ensemble des gains générés, y compris les gains annexes, et pas seulement par ceux du projet en lui-même.
Développement de partenariats innovants
Afin de motiver les prestataires à innover et à partager ces nouveautés il est nécessaire de faire de certains fournisseurs des partenaires stratégiques et privilégiés. Le cahier des charges établi avec le fournisseur doit laisser la place à l'innovation en stipulant l'intérêt pour des avancées techniques ou organisationnelles. De plus, certains projets de R&D peuvent être cofinancés. Le sponsorship est un bon moyen de créer de la synergie, d'avoir la main sur une partie du process et de répartir les pertes en cas d'échec.
Racheter une entreprise particulièrement active et créative peut également s'avérer lucratif, si les projets aboutissent. Une analyse approfondie des projets par les experts internes est donc nécessaire pour évaluer les chances de succès des propositions d'innovation. Par conséquent, en intégrant des innovations externes proposées par des fournisseurs via le service achat, les risques sont alors partagés et l'innovation devient alors plus facilement accessible. Le rôle de veille technologique des acheteurs et une bonne connaissance de leurs fournisseurs ainsi que les liens de partenariat sont donc déterminants.
Ainsi, une bonne maîtrise de la gestion de projet et de la conduite du changement sont aujourd'hui des prérequis pour tout acheteur qui souhaiterait faire prendre de nouvelles directions à son entreprise. L'enjeu de l'innovation est d'autant plus important après la crise sanitaire majeure qui a eu lieu récemment et les bouleversements organisationnels ou les nouvelles tendances de consommation que cela à apporter.
Par Christophe Segot-Chicq : analyste sourcing chez SVP. Après avoir suivi une formation dans les achats à l'ESSCA et à Kedge Business School, Christophe a plusieurs expériences en tant qu'acheteur à la MGP et chez Galderma.Il a rejoint SVP Information Décisionnelle en qualité d'analyste sourcing.