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Les transformations de la confiance entre acheteur et vendeur dans la relation d'affaires

Publié par Houcine Akrout, Inseec Grande Ecole, et Mbaye Fall Diallo, Université de Lille (IMMD) le - mis à jour à

Une étude à laquelle ont contribué 600 acheteurs en France, met en évidence les liens pouvant exister entre les différentes formes de confiance au fur et à mesure du développement de la relation entre acheteur et vendeur. Décryptage des co-auteurs de ce travail universitaire:


Connaître les mécanismes qui sous-tendent la création et la transformation de la confiance au fil du temps dans une relation d'affaires ainsi que les facteurs permettant son passage d'une forme à une autre est d'une grande utilité pour les vendeurs comme pour les acheteurs. Ces derniers pourront différencier les fournisseurs et concentrer leurs achats sur un coeur de panel en fonction de la forme spécifique de confiance. De même, si le renouvellement d'un achat non stratégique peut être une opération de routine par les acheteurs, dans de nombreux secteurs, le renforcement d'une collaboration/contrat pour l'achat de produits stratégiques nécessite un diagnostic précis de l'état de confiance avec le partenaire.

Cet article synthétise les résultats d'un long travail de recherche académique sur la création et l'évolution de la confiance en Business-to-Business (B2B) dans un contexte français. Il vise à identifier les déterminants et conséquences de la confiance en fonction des étapes relationnelles et met en évidence les liens pouvant exister entre les différentes formes de confiance au fur et à mesure du développement de la relation.

Les trois étapes relationnelles pour développer la confiance

Nous développons un modèle spécifique de l'évolution de la confiance en B2B. Ce faisant, nous soutenons que, dans l'étape d'exploration, les acheteurs examinent principalement la réputation des fournisseurs/vendeurs pour déterminer s'ils sont dignes de confiance. Une fois cette confiance initiale établie, l'étape suivante est l'expansion. Au fur et à mesure que les deux partenaires de l'échange développent une relation de collaboration, la confiance se renforce, car les conflits sont résolus, la communication s'améliore et la sympathie perdure entre les parties.

Progressivement, lorsque les promesses sont tenues et l'échange est jugé bénéfique aux deux parties, une interdépendance se crée. Chaque partenaire de l'échange n'a plus besoin d'enquêter autant sur la fiabilité de l'autre comme au stade de l'exploration, car un climat de confiance durable est en train de s'établir. Enfin, lorsqu'il existe un historique de promesses tenues et d'attentes satisfaites, les entreprises peuvent entrer dans une étape de maintien, où elles se concentrent simplement sur la consolidation et la poursuite de leur collaboration. Ci-après le modèle testé :


Trois formes de confiance

En plus des trois étapes relationnelles, nous avons identifié trois formes différentes de confiance dans les relations B2B. Ce raisonnement nous a conduits à identifier plus clairement :

- La confiance calculatoire qui correspond à une sorte d'évaluation des risques encourus par rapport aux gains espérés. La réputation sert d'indicateur de la fiabilité lorsque les acheteurs n'ont pas encore d'histoire personnelle avec une entreprise. Cette confiance calculatoire apparaîtrait dans la première phase de la relation (étape d'exploration) ;

- La confiance cognitive se manifestant en termes d'attentes personnelles et/ou de croyances, elle émergerait juste après (étape d'expansion). Avec la forme cognitive de la confiance, l'acheteur effectue des évaluations sur la base de l'historique de la relation. Trois facteurs peuvent affecter la confiance cognitive : la communication, la sympathie et la résolution des conflits. La communication contribue à renforcer la confiance en permettant à chaque partenaire de recevoir des informations qui servent de retour d'information concernant les attentes et la capacité de leur partenaire à répondre à ces attentes. La sympathie favorise les émotions positives, ce qui augmente la confiance entre eux. Enfin, si les conflits sont résolus de manière satisfaisante, l'acheteur se sentira plus à l'aise pour exprimer son désaccord avec le vendeur, ce qui accroît l'honnêteté et la bienveillance

- La confiance affective, faisant référence à un investissement émotionnel et se caractérisant par la primauté des liens personnels. Les attentes qui ont été satisfaites et les promesses qui ont été tenues entraînent des émotions positives, un sentiment de lien ou de dévouement entre les deux partenaires. Cette forme de confiance interviendrait dans les phases avancées de la relation (étape de maintien).

Enfin, le comportement confiant représente les conséquences de la confiance affective. Il décrit les actions que les acheteurs entreprennent lorsque la confiance affective a été établie. En effet, les acheteurs ayant une confiance affective dans un partenaire d'échange, se sentent à l'aise pour partager des informations et investir des ressources dans ce partenariat. Ces ressources peuvent être financières ou physiques, des ressources humaines, du temps ou même de l'attention. La décision de partager des informations ou d'effectuer un investissement reflète la confiance la plus forte -affective- à laquelle les partenaires sont parvenus.

Méthodologie et résultats

Cette étude multiphase a examiné la transformation de la confiance dans les partenariats B2B, en considérant les différentes étapes relationnelles et les formes de confiance. Quatre études différentes ont été menées avec un total de 600 acheteurs B2B interrogés à qui on a demandé d'abord de classer leurs relations avec leurs fournisseurs désignés en fonction des étapes relationnelles. Cette recherche valide les treize hypothèses du modèle à l'aide des équations structurelles.

Nos résultats montrent qu'au stade de l'exploration, la réputation a un effet positif sur la confiance calculatoire, la forme dominante dans cette étape. De plus, nos résultats indiquent que la confiance calculatoire influence la confiance cognitive. Dans l'étape d'expansion, la résolution des conflits, la communication et la sympathie ont tous des effets positifs sur la confiance cognitive. Nos résultats montrent que la confiance cognitive entraîne la confiance affective et que la confiance cognitive affecte aussi indirectement les investissements relationnels et la communication confidentielle. Enfin, nous avons mis en évidence que la confiance affective influence directement les investissements dans la relation et la communication confidentielle.

Les résultats de cette recherche pourraient guider les managers à prendre la bonne décision pour piloter le panel des fournisseurs. En outre, en élucidant les antécédents de la confiance calculatoire, cette étude encourage les managers à suivre l'exemple des marques B2C en forgeant une image de marque et un capital marque puissants et positifs afin de renforcer les signaux extrinsèques nécessaires à la formation de la bonne réputation. Enfin, les fournisseurs pourront opérer une segmentation de clientèle en fonction des formes de confiance en catégorisant et sous-catégorisant les clients en vue de mettre en place des programmes et investissements pour faire évoluer leurs relations vers plus de stabilité et de résilience (confiance affective).


Pour aller plus loin, la version complète de cette recherche : Akrout, H., & Diallo, M. F. (2017). Fundamental transformations of trust and its drivers: A multi-stage approach of business-to-business relationships. Industrial Marketing Management, 66, 159-171. Industrial Marketing Management (Journal classé 3 étoiles CNRS).

Par Houcine Akrout, Docteur en Sciences de Gestion (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), HDR et Professeur à l'Inseec Grande Ecole, Omnes Education et Mbaye Fall Diallo, Docteur en Sciences de Gestion (Université Aix-Marseille III), HDR et Professeur des universités, Lille (IMMD).

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