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[Juridique] Mon fournisseur dépose le bilan: que faire ?

Publié par Gérard Picovschi, avocat Selas Avocats Picovschi le | Mis à jour le

Prenez vos précautions et assurez-vous de ne pas être à l'origine du dépôt de bilan de votre fournisseur. Bien que les cas de responsabilité soient rares pour les créanciers non bancaires, si un lien existe entre votre comportement et sa faillite, il pourrait envisager d'engager votre responsabilité

La crise du coronavirus n'épargne personne et, aujourd'hui, c'est la faillite de votre fournisseur qu'elle a entraînée. Ayant pourtant passé d'importantes commandes auprès de lui, son récent dépôt de bilan panique le département achats de votre entreprise qui doit planifier un plan d'approvisionnement alternatif. Toutefois, en parallèle, la société du fournisseur sera sûrement placée en procédure collective (soit en redressement, soit en liquidation judiciaire), ce qui implique que l'avenir de votre créance de commande - et notamment son recouvrement - dépend, dans un premier temps, de votre entreprise et des diligences qu'elle est prête à accomplir.

Si votre fournisseur a déposé le bilan, c'est parce qu'il s'est retrouvé dans l'impossibilité de faire face à ses dettes avec son actif immédiatement disponible, il est en état de cessation des paiements. À ce titre, il a été obligé de déclarer cet état de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce qui va ouvrir à son égard une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Or, l'ouverture d'une telle procédure aura pour conséquence d'interdire à la société de payer ses créanciers antérieurs durant une période d'observation qui peut s'étendre jusqu'à 18 mois (voire 27 mois depuis l'ordonnance du 27 mars 2020) pour le redressement et jusqu'à un nombre d'années indéterminé et variant d'une procédure à une autre pour la liquidation judiciaire. Lors de l'ouverture de la procédure, votre fournisseur aura normalement remis au mandataire judiciaire une liste mentionnant tous ses créanciers ainsi que le montant des sommes dues. Vous recevrez donc une notification de ce mandataire vous demandant de lui transmettre vos justificatifs de commande ou de lui adresser une déclaration de créance qui vient en correction du montant déclaré par votre fournisseur, si vous jugez celui-ci inexact.

Quels délais doivent être respectés ?

Vous avez un délai de 2 mois suivant la publication au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure collective en métropole et de 4 mois en département d'outre-mer pour adresser, soit au mandataire soit au liquidateur, une déclaration de créance par lettre recommandée avec avis de réception.

Attention, néanmoins, à ce délai de forclusion ! En effet, il arrive que le fournisseur, acculé par ses difficultés, ait omis - involontaire ou sciemment - de vous mentionner sur cette liste. Si vous avez appris par vous-même son dépôt de bilan, n'hésitez pas une seule seconde. Même en cas de forclusion, vous pourrez adresser une requête de relevé de forclusion au juge-commissaire dans les 6 mois qui suivent la publication du jugement d'ouverture au BODACC. Après réponse favorable de sa part, vous aurez alors 1 mois pour déclarer votre créance.

Il est impératif de vérifier vos commandes afin de détecter d'éventuelles anomalies comme des retards de paiement récurrents ou des carences totales de paiement. Cela permettra, en outre, de détecter et d'anticiper des possibles faillites fournisseurs futures en assurant un suivi approfondi et régulier du paiement des créances que vous détenez à leur encontre. Malheureusement, sauf si vous lui offrez un concours exceptionnel lui permettant de se redresser, vous ne serez remboursé, étant donné que le contrat ne sera pas exécuté in fine, qu'après salariés, créanciers alimentaires et disposant de sûretés, et autres créanciers fiscaux et sociaux, soit en dernier et seulement lorsqu'un plan de redressement sera établi. Dans le cas d'une liquidation judiciaire, vous ne serez remboursé que lorsque le liquidateur aura vendu assez d'actifs pour recouvrir les dettes de l'entreprise et toujours suivant un certain ordre de privilèges entre créanciers. Le plus souvent, les actifs sont insuffisants et certains créanciers ne sont jamais remboursés...

Enfin, prenez vos précautions et assurez-vous de ne pas être à l'origine du dépôt de bilan de votre fournisseur. Bien que les cas de responsabilité soient rares pour les créanciers non bancaires, si un lien existe entre le comportement que vous avez pu adopter dans la relation commerciale que vous entretenez avec votre fournisseur et sa faillite, il pourrait envisager d'engager la responsabilité de votre société, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ! Peu de faillites ont été enregistrées depuis le début de la crise, en tout cas moins qu'en 2019 sur la même période. Néanmoins, cette situation ne doit pas vous inciter à baisser votre garde. Surveiller l'état financier de ses fournisseurs, en tant que directeur des achats, c'est garantir à votre entreprise sa propre santé.

Par Gérard Picovschi, avocat au sein du cabinet Selas Avocats Picovschi