[Juridique] Contrat d'approvisionnement exclusif : quelles sont les limites ?
Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à
Un distributeur engagé à ne s'approvisionner qu'auprès d'un seul et même fournisseur dans le cadre d'un contrat-cadre, risque gros à ne pas respecter cet engagement. Mais quelles sont les limites de l'obligation d'approvisionnement exclusif ? Que risque votre fournisseur en cas d'abus ? Les réponses en quelques lignes.
Le contrat d'approvisionnement exclusif est souvent conclu entre un distributeur et un important fournisseur. Ayant fait l'objet de nombreuses jurisprudences en matière de droit de la concurrence et de la distribution, il peut conduire à certains abus, que ce soit de la part du distributeur ou de son grossiste. Il y a néanmoins des limites aux obligations qui en découlent : durée de l'exclusivité, marché sur lequel opère les deux parties à l'accord, prix des ventes ultérieures, contrepartie de l'engagement, il existe certains facteurs qui peuvent venir invalider ce type de contrats.
Durée de l'engagement
Dans un premier temps, avant de conclure tout contrat avec votre fournisseur, il semble crucial de vérifier la clause qui limite (ou non) la durée de l'exclusivité.
Lorsqu'un accord d'approvisionnement exclusif lie des entreprises d'un même État-membre de l'Union européenne, c'est le droit national qui s'applique. Ainsi, deux entreprises françaises sont soumises à la lettre de l'article 330-1 du Code de commerce qui limite à 10 ans la durée de validité d'une clause d'exclusivité. Cette disposition légale définit ainsi le contrat d'exclusivité comme étant le fait, pour un acheteur, cessionnaire ou locataire de biens de s'engager " à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur ". Dans le cas d'un contrat qui lie des entreprises issues d'États-membres distincts, le règlement 330/2010 (UE) trouvera à s'appliquer et la durée maximale ne pourra alors dépasser les cinq ans.
Attention aux positions dominantes !
Un examen étroit du marché sur lequel opère votre cocontractant est nécessaire pour déterminer, dans un premier temps, si celui-ci dispose d'une position dominante. En effet, il n'est pas rare que la Cour de justice de l'Union européenne condamne de telles entreprises pour conclusions de contrats d'approvisionnement exclusif (CJUE, 13 février 1979, Hoffmann-La Roche, aff.85/76).
Ce type d'accord constituerait une affectation du commerce entre États-membres et aurait donc pour effet de restreindre la concurrence, ce qui porterait une atteinte au principe de non-restriction du marché. Si une entreprise possède plus de 30 % de parts du marché pertinent, elle est susceptible de se rendre coupable d'un abus de position dominante en stipulant des clauses d'exclusivité.
Enfin, le fournisseur qui a cherché à se créer un réseau de distribution a pu accorder certains avantages à ses distributeurs pour qu'ils n'aillent pas vers la concurrence. Or, lorsqu'une entreprise dispose d'une position dominante, il a été considéré par la Cour de justice de l'Union que cette pratique constituait un abus, notamment s'il s'agit de rabais de fidélité, de ristournes ou primes de progression.
Ventes ultérieures et absence de contrepartie à l'engagement
Étant donné que le contrat d'approvisionnement exclusif est un contrat-cadre, ses clauses doivent pouvoir permettre la détermination des prix pratiqués lors de ventes ultérieures. Ainsi, il est important de veiller à ce qu'un index ou une grille tarifaire soient présents dans ce contrat d'approvisionnement ou joints au contrat qui stipule la clause d'exclusivité. Bien que l'absence d'une telle stipulation ne soit pas sanctionnée par la nullité, elle peut donner lieu à résiliation ou indemnisation si un abus est constaté dans la détermination du prix.
Enfin, en contrepartie de son engagement d'approvisionnement exclusif, le distributeur peut bénéficier du nom de marque, d'enseigne, du prestige de son fournisseur, celui-ci étant obligé de soigner cette image. Assurez-vous, à ce titre, que votre fournisseur vous communique, préalablement à toute signature, des documents attestant de la qualité de sa marque ou de son enseigne telle qu'une étude de marché par exemple.
Par Gérard Picovschi, avocat au sein du cabinet Selas Avocats Picovschi
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