Pour gérer vos consentements :

"Si vous ne couplez pas l'IA avec une gestion des priorités différentes, celle-ci n'est pas utile", Romaric ServaJean-Hilst

Publié par Magdalena Saczawa le | Mis à jour le

Nouveau livre blanc produit par Kedge, "La place de l'innovation dans les achats" met en lumière les priorités et les défis des services achats. Sans surprise, l'optimisation des coûts demeure au sommet des préoccupations, suivie de près par la gestion des relations fournisseurs et des risques associés. Cependant, malgré la volonté d'innover, les achats se heurtent à des obstacles majeurs. L'intégration de l'intelligence artificielle suscite l'espoir, mais nécessite une gestion stratégique. Synthèse.

Le livre blanc La place de l'innovation dans les achats, effectué par Kedge Business School sous la gouvernance de Romaric Servajean-Hilst, commence par mettre en avant les cinq priorités absolues des organisations achats auditées, par degré d'importance. En tête de liste, l'optimisation des coûts financiers domine, avec 80 % des entreprises interrogées la classant parmi leurs cinq principales priorités. "Dans la majorité des cas, les acheteurs n'arrivent plus à réduire les coûts, nous parlons donc d'une gestion des coûts", précise Romaric Servajean-Hilst, enseignant-chercheur (HDR) en stratégie à KEDGE Business School et directeur académique du MAI executive education.

La gestion des relations fournisseurs occupe la deuxième place, citée par 59 % des organisations. Celle-ci est en constante progression depuis quatre ans. "Je pense que le défi de la fonction achat dans les mois et les années qui viennent est la multiplication de normes, notamment CSRD et CS3D, qui sont des normes qui vont potentiellement développer la gestion de la relation fournisseur et développer l'attention à la RSE. C'est ainsi qu'elles ont été rédigées. Cependant, celles-ci ont été transformées en normes qui vont avoir petit à petit un caractère obligatoire. Il y a un risque que ces normes soient perçues comme des obligations plutôt que des opportunités. Nous risquons de nous concentrer sur la conformité et la paperasse, sans vraiment les exploiter. Cela nous expose aux pièges des indicateurs de performance (KPI) et de la loi de Goodhart", met en garde Romaric Servajean-Hilst ( Loi formulée en 1975 par l'économiste Charles Goodhart, qui stipule que "lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure", NDLR.).

La gestion des risques liés aux fournisseurs ressort comme item prioritaire suivant. Cette priorité est également en progression constante et régulière depuis quatre ans. Pour finir ce quinté, assurer la continuité des approvisionnements et garantir le respect de la réglementation, notamment en matière de qualité, de RGPD et de REACH, complètent respectivement les quatrième et cinquième priorités. Ces deux aspects représentent également une part significative du temps des acheteurs, respectivement 10 % et 8 %.

Le temps et les ressources, sempiternels freins pour innover dans les services achats ?

Le premier point qui ressort de l'observatoire est le manque de temps pour effectuer des activités stratégiques "Cela est dû à un sous-staffing de la fonction achat par rapport au volume à traiter. L'intelligence artificielle, lorsqu'elle est bien implantée, peut potentiellement permettre de combler ce manque d'acheteurs. Cependant, le plus intéressant dans l'utilisation de l'IA est sa capacité à faire accélérer les choses. Si vous ne couplez pas l'IA avec une gestion des priorités différentes, celle-ci n'est pas utile. Le problème avec l'IA est que cela permet aux meilleurs d'accélérer mais également aux plus mauvais." tempère Romaric Servajean-Hilst.

Le manque de ressources en temps et en personnes dédiées arrive en deuxième position. Le manque de connaissances ou de compétences technologiques suit sur le podium. Arrive ensuite la résistance au changement et enfin le manque de focus sur l'innovation, considéré comme un objectif secondaire. "La gestion des priorités au niveau des directions achats et au niveau des individus est également une question à soulever. Dans cette gestion des priorités, il s'agit par exemple de savoir si je considère que c'est perdre du temps que de le passer à discuter avec mes clients internes et à mes fournisseurs", précise Romaric Servajean-Hilst. Il convient de noter que ces défis ne sont pas exclusifs au domaine des achats, mais ils revêtent une importance particulière dans ce contexte. D'autant que l'observatoire 2023 met en exergue les trois mêmes freins.

L'importance du climat de travail dans la fonction achats

Dans une récente étude du nom de Purchasing team innovation climates as antécédents of purchasing involvement in open innovation menée en collaboration avec Robert Suurmond, professeur spécialisé en achats et supply chain management à l'université de Maastrich - School of Business and Economics (SBE), en lien avec l'Observatoire, Romaric Servajean-Hilst explore divers aspects souvent négligés dans le domaine des achats, notamment l'impact du climat de travail sur l'implication des achats dans les projets d'innovation. Les résultats ont mis en lumière l'importance du soutien institutionnel à l'innovation ainsi que du leadership du chef des achats. De plus, l'ambiance au sein de l'équipe achats a été identifiée comme un facteur déterminant dans le niveau d'engagement. Pour atteindre un taux d'implication optimal de 100 %, "le support institutionnel à l'innovation et le support de la direction achat sont vitaux. Même l'ambiance au sein de l'équipe achat est nécessaire pour réussir à être bien et mieux impliqué. Il est nécessaire que le patron des achats favorise l'initiative au sein de ses acheteurs, encourage la prise de risque, ne punisse pas l'échec, montre comment l'échec est source d'apprentissage. Cela dépend du patron des achats, ce sont des aspects du métier très incarnés", ajoute Romaric Servajean-Hils. Et ce dernier de renchérir sur l'humain: "Cela peut être atteint avec le patron plus qu'avec le processus."

Méthodologie

L'Observatoire 2023 se base sur 214 départements Achats en France. Les entreprises représentées sont des Petites et Moyennes Entreprises (7%), des Entreprises de Taille Intermédiaire (3%) et des Grands Groupes (89%) - mais aussi des start-up (1%).