La chaine logistique des vins et spiritueux (re)verdit
Publié par Fabien Humbert le | Mis à jour le
Transport à la voile, utilisation de bouteilles moins légères, en verre recyclé, voire en cubiténaires réutilisables... Vins, champagnes, et autres rhums tentent de réduire leur empreinte carbone.
La chaîne logistique de l'industrie (ou de l'artisanat) des vins et spiritueux n'est à priori pas des plus vertueuse écologiquement parlant. La raison ? Ils sont souvent produits à un endroit particulier lié à un terroir, à une appellation d'origine (un domaine viticole, une brasserie, une distillerie), avant d'être expédiés au loin. Selon ecospirits, entreprise spécialisée dans la chaîne d'approvisionnement des spiritueux haut de gamme, 40 milliards de bouteilles d'alcool en verre ont été produites dans le monde en 2020, générant 22 millions de tonnes d'émissions de carbone. Et en 2019, année pré-covid donc, la filière française avait à elle seule envoyé 195 millions de caisses de 6 bouteilles à l'export, générant 14 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Or, lorsqu'elle n'est pas recyclée, la bouteille en verre n'est pas des plus écologique et lourde, donc génératrice de CO2 pendant le transport. Les producteurs ont donc décidé d'agir.
Des bouteilles en verre recyclé et de la consigne
La maison champenoise Drappier a par exemple opté pour une bouteille 15% moins lourde que la norme des bouteilles de champagne (soit 900 grammes). Grâce à cet effort, à l'utilisation de véhicules électriques, l'installation de bornes de recharge pour ses visiteurs ou encore la production d'électricité via des panneaux solaires, elle est depuis 2016 officiellement neutre en carbone. Dans l'ensemble, les producteurs de vins et spiritueux réfléchissent à des solutions pour utiliser des bouteilles plus légères, et de plus en plus souvent en verre recyclé. Car la filière fonctionne particulièrement bien en France : 78% des emballages en verre mis sur le marché sont recyclés, 100% du verre collecté, soit 2 millions de tonnes par an, est recyclé. Chaque tonne de verre recyclée permettant d'économiser près de 1,2 tonne de matériau vierge et évite 500 kg d'émission de CO2.
Plutôt que de passer par l'achat de bouteilles en verre recyclées, certaines marques préfèrent récupérer les leurs et les réutiliser. Par exemple entre janvier et juin 2021, la maison Clément (rhum, Martinique), donnait un euro en bon d'achat à ses clients locaux qui rapportaient des bouteilles. La marque de spiritueux Alcools Vivant (gins, whiskies, rhums bio) va lancer l'année prochaine un système de collecte de ses bouteilles usagées. Elles seront ensuite réutilisées pour y recevoir à nouveau une eau de vie.
Des cubitainers en verre réutilisables
La Maison du Whisky (LMDW), acteur historique sur le marché parisien des spiritueux a quant à elle décidé d'utiliser les ecototes, des sortes de cubitainers de 4,5 litres en verre réutilisables, développés par ecospirits, pour livrer ses clients professionnels (bars, cafés, restaurants, hôtels). "C'est économique, puisqu'au lieu d'utiliser 6 bouteilles, on ne mobilise qu'un contenant, cela permet une baisse du coût d'achat entre 20 et 30% selon les produits ce qui est intéressant pour nos clients... et le consommateur en fin de chaine, explique Jean-François Briand, le directeur général de La Maison du Whisky. En outre les ecototes sont faciles, à stocker et facile à utiliser." Les barmen peuvent en effet puiser directement le spiritueux qui s'y trouve pour remplir verres ou bouteilles. Mais ce n'est pas tout puisque ces ecototes seront collectées par LMDW grâce à son partenariat avec la maison Richard, pionnier de la consigne des bouteilles en verre sur le marché parisien du CHR, puis renvoyées dans son entrepôt francilien afin d'être prises en charge par ecoplant , une installation de traitement de spiritueux semi-automatisée et conteneurisée conçue pour le nettoyage, la désinfection et le remplissage. "Pour le moment les marques dirigées par Alexandre Gabriel c'est-à-dire des rhums Plantation, les cognacs Ferrand, et les gins Citadelle, ainsi que des calvados de Christian Drouin et des vodkas (équitables) Fair d'Alexandre Koiransky, seront distribués de cette façon, annonce Jean-François Briand. Mais progressivement d'autres marques vont rejoindre le mouvement."
Le rhum se (re)met à la voile
Reste le problème de l'acheminement du produit de son lieu de production, vers son lieu de commercialisation. Prenons par exemple le rhum des DOM français, qui est produit à des milliers de kilomètres (en Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion et même en Guyane) de son principal débouché, la métropole. Le transport du rhum en bouteilles ou en vrac se fait dont la plupart du temps en cargo, ce qui n'est pas bon pour le bilan carbone. C'est pourquoi des entreprises de convoyages de rhum (en fûts) en goélettes à voile se sont développées, comme les Frères de la Côte, ou Towt. Mais ce mode de transport a pour effet de faire "vieillir" en accéléré le rhum et de changer son profil aromatique. De plus cela concerne de très faibles quantités. Towt a donc décidé d'innover en lançant la construction de cargos à voile, qui limiteront le changement aromatique et permettront de convoyer davantage de fûts.
Le plastique bientôt banni ?
Deux géants des spiritueux ont récemment annoncé qu'ils allaient bannir toute trace de pastique dans la fabrication de leurs bouteilles. Diageo a ainsi créé la toute première bouteille de spiritueux à base de papier (100% sans plastique donc) au monde, pour sa marque de whisky Johnnie Walker. Le groupe Bacardi a quant à lui annoncé développer à horizon 2023 une bouteille où les plastiques à base de pétrole seront remplacés par un biopolymère dérivé des huiles naturelles des graines de plantes telles que le palmier, le canola et le soja.