Sylvain Bruneau (Flunch) : « De mémoire d'acheteur, c'est du jamais vu »
Publié par Audrey Fréel le | Mis à jour le
Pénuries, hausse des prix sur une grande quantité de produits... Le secteur de la restauration se heurte à de nombreuses difficultés d'approvisionnement. Sylvain Bruneau, directeur des achats de la chaîne de restauration Flunch, nous expose les défis qu'il doit actuellement relever.
De nombreuses entreprises sont actuellement confrontées à des difficultés d'approvisionnement. Quelle est la situation au sein de la direction des achats de Flunch ?
Nous sommes malheureusement confrontés à ce genre de problématique. Nous avions conscience que l'année 2022 serait compliquée sur le plan de l'inflation, avec les coûts des transports, du fret, de l'emballage ou encore de l'énergie qui explosent.
Ce sont des postes structurants pour toute entreprise. Nous observons également des situations pénuriques sur plusieurs catégories d'achats directs comme les protéines animales (viandes et poissons), les produits oléagineux, le lait et les produits dérivés. De mémoire d'acheteur, c'est du jamais vu. Cela créé une situation très inconfortable.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples de catégorie d'achats confrontées à des problèmes d'approvisionnement ?
Nous observons actuellement des difficultés à couvrir nos besoins sur différents produits alimentaires, notamment les steaks hachés surgelés. Depuis plusieurs années, nous observons une baisse du cheptel bovin en France. Or, la restauration est un gros consommateur de viande bovine. Durant la crise sanitaire, un effet de stock s'est créé sur les produits surgelés car les établissements étaient fermés. Lors de la reprise, les stocks se sont rapidement asséchés et nous faisons actuellement face à une demande très soutenue.
De fait, entre fin 2021 et début 2022, le prix au kilo du steak haché a bondi de 30 %. Le marché est actuellement très volatile et nous avons peu de visibilité sur les prix et sur la disponibilité des produits. Ce sujet est d'autant plus inquiétant qu'il s'agit d'une problématique structurelle, et non passagère.
Par ailleurs, nous subissons également les effets de la crise aviaire dans l'Hexagone, notamment en Vendée et en Bretagne. Or nous achetons uniquement du poulet français. La disponibilité de la volaille est actuellement divisée par deux dans notre pays.
La guerre en Ukraine a également des répercussions sur nos achats. L'Ukraine est un gros producteur d'huile de tournesol, qui est très utilisée en restauration. Nous avons observé un mouvement de panique sur le marché mondial, tout le monde essaye de faire des stocks ce qui contribue à faire chuter la disponibilité de ce produit. Le cours de l'huile a explosé de 60 %.
Quelle stratégie mettez-vous en oeuvre ou envisagez-vous de mettre en oeuvre pour contrer ces difficultés ?
La force des partenariats avec certains de nos fournisseurs historiques représente aujourd'hui la première des armes. Nous sommes actuellement dans une situation de concurrence à l'achat. Si une entreprise n'a pas construit de relations fortes avec ses fournisseurs, la situation devient très compliquée pour elle.
Il est également important de réfléchir à des solutions pour la construction et l'intégration de filières. Il peut s'agir, par exemple, de créer des collaborations plus fortes entre les restaurateurs et les producteurs et éleveurs de viande. Il faut des engagements plus directs et inscrits dans la durée, pour donner aux éleveurs de la visibilité.
Cette situation de crise nous challenge aussi à reconsidérer certaines de nos habitudes et à renforcer l'exploration de nouveaux sourcing. Il est aujourd'hui important d'élargir son panel de fournisseurs.
Enfin, dans la construction des offres, il est plus que jamais pertinent de renforcer le recours à certaines alternatives au premier rang desquelles figurent les protéines végétales, véritable attente d'un nombre croissant de clients.