[Tribune] Le déséquilibre significatif dans le contrat : quels sont les risques ?
Publié par Gérard Picovschi le - mis à jour à
Les conditions d'application font appel à des notions floues. Seule l'analyse constante de la jurisprudence et des avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales permet de saisir les contours de la notion. Les juges déterminent, au cas par cas, si l'article L.442-6 I 2° est applicable.
Lorsque vous entretenez des relations commerciales avec un fournisseur, vous négociez les conditions contractuelles les plus favorables. Cette situation est courante, puisque la liberté contractuelle permet aux parties de négocier le contenu de leurs engagements sans restriction. Les professionnels choisissent les conditions auxquelles ils s'engagent et, n'étant pas contraints de s'engager, ils doivent respecter leurs obligations. Toutefois, afin de créer un cadre et ainsi éviter que certaines stipulations du contrat engendrent une profonde disproportion entre les obligations des cocontractants, le Code de commerce a introduit un article L442-6 I 2° sur la notion de "déséquilibre significatif". Le point sur cette notion dans les contrats B to B:
Producteurs ou fournisseurs et distributeurs : des limites légales à la liberté contractuelle
L'article L.442-6 I 2° du Code de commerce sanctionne le fait de "soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties." Plus concrètement, pour mettre en oeuvre ce texte, il faut que :
-le contrat concerne des "partenaires commerciaux" et non de simples contractants. Cela induit une certaine continuité dans la relation contractuelle.
-le contrat contienne un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Il faut relever qu'il n'existe pas de définition légale du "partenaire commercial" ou du "déséquilibre significatif". Il apparaît dès lors que les conditions d'application font appel à des notions floues. Seule l'analyse constante de la jurisprudence et des avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CECP) permet de saisir les contours de la notion. Les juges déterminent, au cas par cas, si l'article L.442-6 I 2° est applicable.
Dans le cadre des relations entre professionnels, qui n'impliquent pas un consommateur, le "déséquilibre significatif" peut porter sur une différence importante de valeur entre les droits et obligations échangés. Le déséquilibre peut être identifié grâce à une "analyse globale et concrète du contexte économique" dans lequel le contrat a été conclu ou négocié. Plusieurs critères seront pris en compte, tels que la situation de contrainte d'une des parties lors de la négociation, le pouvoir discrétionnaire d'une des "parties fortes" au contrat, la limitation de responsabilité de la partie dominante en cas de manquement à ses obligations essentielles ou au contraire une sanction manifestement disproportionnée imposée à la "partie faible", etc.
Il convient de relever que les sanctions prononcées par le Juge sur ce fondement concernent souvent le secteur de la grande distribution où l'efficacité du dispositif trouve un écho particulier dans le domaine de la négociation commerciale avec les fournisseurs. En effet, la notion de contrainte y est particulièrement présente, contrairement aux autres secteurs où les relations d'affaires sont plus équilibrées.
Mise en oeuvre et sanction du déséquilibre significatif prévu par le Code de commerce
Les titulaires de l'action en responsabilité fondée sur L442-6 I 2° du Code de commerce, sont au-delà du partenaire commercial victime, toute personne justifiant d'un intérêt, le ministre chargé de l'économie, le président de l'Autorité de la concurrence ou le ministère public.
La partie ayant soumis un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif engage nécessairement sa responsabilité et devra réparer le préjudice subi.
Lorsque l'action est engagée par le ministre de l'Économie ou le ministère public, le juge peut également demander la cessation de la pratique (L. 442-6-III), la nullité des clauses ou contrats illicites, la répétition de l'indu ainsi qu'une amende civile pour l'État, pouvant être assez conséquente.
Recourir à un professionnel du droit pour défendre vos intérêts en justice sera alors indispensable afin d'identifier les situations de déséquilibre significatif dans le cadre d'un contrat, car l'article L442-6 I 2° du Code de commerce n'apporte pas de définition précise et seule l'étude approfondie des décisions rendues permet de les caractériser.
Par Gérard Picovschi, Avocat Selas Avocats Picovschi