[Juridique] L'impact de la crise sanitaire sur l'exécution des contrats
Publié par Michel Ponsard et Edouard Héliot, UGGC Avocats le - mis à jour à
Les parties doivent apprécier la limite économique à partir de laquelle se mettre autour de la table puis s'accorder un délai court de négociation pour trouver une solution, faute de quoi le contrat peut être résilié.
La crise sanitaire a révélé le caractère central des directions achats des entreprises pour la poursuite de leurs activités. La pandémie a touché les directions achats avec un impact plus ou moins virulent, selon que leur secteur était qualifié ou non d'activité essentielle et de la possibilité de réaliser des prestations à distance.
La maîtrise des outils digitaux est apparue primordiale, non seulement à destination des services internes, pour assurer la continuité du travail des équipes rattachées au département des achats, mais aussi externe, et l'importance de la capacité d'adaptation des achats pour assurer la continuité des relations avec les fournisseurs, malgré le caractère fluctuant des livraisons.
Selon l'étude intitulée "Impacts présents et futurs de la Covid-19 sur les chaînes d'approvisionnement et les pratiques achats" de juin 2020 réalisée par l'Adra, BuyYourWay et le Médiateur des entreprises, la crise a démontré l'importance du dialogue avec les fournisseurs, notamment pour prévenir le manque de visibilité des directions achats, mieux identifier les risques et assurer la bonne gestion de l'approvisionnement. Cette étude a dévoilé que 53% des sondés estiment que la gestion des risques devait être la priorité des acheteurs, le risque principal identifié étant la rupture d'approvisionnement (à 43%).
Au-delà de la force majeure, les clauses d'adaptation dans les contrats sont devenues essentielles. Les parties doivent apprécier la limite économique à partir de laquelle se mettre autour de la table puis s'accorder un délai court de négociation pour trouver une solution, faute de quoi le contrat peut être résilié. Si les parties ne conviennent pas d'une telle clause, les dispositions supplétives du code civil prévues à l'article 1195 s'appliquent et les parties peuvent se laisser entraîner dans une longue procédure qu'elles ne maîtriseront pas et qui pourrait aboutir à ce que le juge impose une adaptation du contrat.
De même qu'en matière d'acquisition de sociétés (clause "MAC"), les services achats doivent ainsi pouvoir se réserver la capacité de renoncer à un achat, ou d'en renégocier le prix, si le bouleversement des conditions économiques fait perdre toute rationalité économique à celui-ci.
Dans ce contexte, les entreprises ont aussi mis en place des collaborations renforcées avec les autres directions, et notamment les directions juridiques qui peuvent appuyer étroitement les directions achats pour surmonter les difficultés créées par la crise, ces dernières ayant élargi leur périmètre d'influence et leurs domaines d'interventions.
Cette coopération doit permettre, d'une part, la bonne mise en oeuvre des contrats d'approvisionnement, par exemple, au regard du paiement des factures (selon l'étude précitée, 67% des sondés disent avoir respecté voir raccourci leurs délais de paiement) et d'autre part, la révision de contrats devenus inadaptés, et notamment des engagements à long terme pour sécuriser l'approvisionnement en matières premières.
La Covid-19 a, enfin, renforcé l'évolution des stratégies achats vers des achats responsables, d'un point de vue environnemental et social, sur le long-terme car les consommateurs semblent avoir pris conscience de l'importance de repenser leurs habitudes d'achats, en privilégiant l'approvisionnement local.
Par Michel Ponsard et Edouard Héliot, associés chez UGGC Avocats