Hausse des délais de paiement : une situation de plus en plus fréquente
Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
Malgré quelques bonnes perspectives économiques, comme la baisse de l'inflation sous la barre des 2%, deux nouvelles études confirment un allongement de la durée de retards de paiement entre entreprises et une situation qui a tendance à se répéter.
Altares, spécialiste de la data d'entreprise et la Coface, expert de l'assurance-crédit viennent de publier leurs analyses* sur les comportements de paiement dans le BtoB et le constat est unanime : les délais de paiement s'allongent et se répètent. Pour Thierry Millon, directeur des études Altares, "la question des délais de paiement empoisonne les relations entre entreprises mais aussi avec les acteurs publics". Ainsi, moins d'une organisation française sur deux (48,7%) paye ses fournisseurs à l'heure et c'est à peine mieux en Europe (50,5%). "Une performance très insuffisante et régulièrement pointée du doigt que les initiatives européennes ou françaises ne permettent pas pour le moment d'améliorer", poursuit le directeur des études d'Altares.
Des retards toujours plus longs et répétitifs
Côté chiffres, "85% des entreprises interrogées ont constaté des retards de paiement en 2024, contre 82% l'an dernier . Et toujours en 2024, le délai de paiement moyen s'est allongé : il atteint 51 jours, contre 48,2 jours l'an dernier", a rapporté Bruno de Moura Fernandes, responsable de la recherche macroéconomique au sein de Coface, à l'occasion de la présentation de la deuxième enquête sur les comportements de paiement en France en 2024 le 18 septembre dernier. La pratique est généralisée : si le retard de paiement moyen atteint 45 jours pour les TPE, c'est aussi le cas dans les entreprises de plus grande taille avec 38 jours pour les PME et « seulement » 32 pour les entreprises de plus grande taille.
Dans le détail, l'étude d'Altares souligne que le secteur public est bien plus impacté que le secteur privé avec des délais qui restent au-delà des 13 jours (contre 12,5 jours dans le privé). Les hôpitaux et les services déconcentrés de l'Etat étant même qualifiés de "lanternes rouges".
Enfin, selon la Coface, la majorité des sondés déclarent que les retards de paiement ont été plus fréquents que lors de l'année précédente. Ils sont même 29% à estimer qu'ils seront encore plus nombreux au cours des 12 prochains mois. La taille des entreprises reste un facteur important face aux retards de paiement : si la majorité des entreprises ont constaté un allongement de ces retards, ce pourcentage monte à 73% pour les TPE, contre « seulement » 55% des ETI et des grandes entreprises. Parmi les entreprises ayant subi des retards de paiement, 40% les attribuent aux difficultés financières de leurs clients, loin devant les problèmes organisationnels (27%) et la gestion des flux de trésorerie sans difficultés financières (20%).
La France, élève moyen de l'Europe
Plus de 80% des entreprises néerlandaises payent leurs fournisseurs à l'heure. Ainsi, selon Altares, les Pays-Bas et l'Allemagne sont les meilleurs payeurs de l'UE. Tandis que la France se classe parmi les élèves moyens derrière la Belgique, l'Irlande et désormais le Royaume-Uni. Et depuis l'été 2023, les comportements de paiement se dégradent même plus vite en France qu'en Europe. Enfin, en ce qui concerne la fréquence de ces retards, les entreprises françaises payent plus fréquemment en retard que leurs homologues allemands, polonais ou même chinois, souligne la Coface.
Défaillances d'entreprises et fragilité des fournisseurs
Les conséquences de ces retards sont une défaillance accrue des entreprises (39 506 défaillances ont été enregistrées sur les 7 premiers mois de l'année, soit une hausse de 23% par rapport à 2023 et de 26% par rapport à 2019, selon la Coface), une trésorerie toujours plus fragile, mais aussi "un recours accru au crédit fournisseur qui vient en complément voire en substitution du crédit bancaire. Une approche qui implique un allongement des délais de paiement, prive fournisseurs ou sous-traitants de l'indispensable cash pour investir et parfois pour simplement tenir", souligne Thierry Millon d'Altarès.
Pour la Coface, la pression persistante sur les marges et trésoreries devrait maintenir les défaillances à un niveau élevé au second semestre 2024 et (au moins) en première partie d'année 2025. Or, selon le directeur des études d'Altares, "Des travaux de recherche ont montré que l'existence de retards de règlement des clients augmente la probabilité de défaillance du fournisseur de 25 % et même 40 % lorsque les retards sont supérieurs à 30 jours".
De plus, toujours selon d'après la Coface, l'environnement politico-social en France est désormais cité par 37% des entreprises comme le premier risque économique, devant les difficultés de recrutement, le coût des matières premières ou le ralentissement de la demande.
*Enquête de la Coface sur les comportements de paiement en France en 2024 - septembre 2024 et Étude sur les comportements de paiement en France et en Europe - S1 2024 d'Altares