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Acheteurs, contribuez à préserver le cash !

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à

Avec la crise de la Covid-19, le sujet du cash est au centre des priorités des entreprises. Les directions achats ont un rôle à jouer dans la préservation de la trésorerie, en trouvant notamment des solutions avec les fournisseurs, en adoptant des process plus efficaces, mais aussi en challengeant l

Le sujet du cash n'est pas nouveau pour la fonction achat, qui s'en est toujours préoccupée. Mais la crise de la Covid-19 a renforcé la nécessité de faire contribuer la direction achats à la préservation de la trésorerie. C'est ce qu'observe Christophe Durcudoy, associé chez Argon & Co, auprès des entreprises qu'il accompagne: "Par rapport aux crises précédentes, les directions achats ont rapidement réagi pour préserver le cash. Par exemple, en quelques jours, les dépenses inutiles ont été coupées, notamment dans les achats indirects, et les budgets ont été gelés. Également, des processus de contrôles ont été mis en place afin de vérifier les dépenses engagées", décrit-il. Et aujourd'hui, qu'en est-il ? Que peuvent mettre en place les achats pour continuer à protéger le cash ? Car, parallèlement au sujet - très important - de la trésorerie, les directions achats doivent se soucier du risque de rupture d'approvisionnement. Il s'agit donc de mener actuellement un numéro d'équilibriste pour préserver le cash, tout en soignant la relation fournisseur.

Des négociations sur mesure

La trésorerie étant une des priorités du moment pour les entreprises, les négociations reprennent du service. Christophe Durcudoy voit, en effet, se monter des "negociations factories". "Les discussions portent sur les baisses de prix, mais aussi sur le rééchelonnement des livraisons, les remises de fin d'année, etc." rapporte-t-il. Ces négociations présentent toutefois un nouveau visage : il ne s'agit pas de mener des discussions dures, mais de nouer un dialogue avec les fournisseurs pour trouver des solutions ensemble.

David Brault

"Depuis la dernière crise, les choses ont évolué : le contexte mêlant renforcement du protectionnisme, guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, Brexit et tensions avec la Russie fait que le champ pour trouver des fournisseurs est plus limité. Il faut donc éviter de bousculer ses sous-traitants avec des négociations agressives", pense David Brault, associé d'Objectif Cash. Pour lui, le cost killing n'est plus à la mode et encore moins l'augmentation des délais de paiement. "Les contrôles de la DGCCFR à ce sujet sont nombreux et les amendes peuvent être pharaoniques", met en garde David Brault.

Dans ce contexte, Christophe Durcudoy prône des négociations sur mesure adaptées à chaque fournisseur. "Elles doivent être plus que jamais gagnant-gagnant", insiste-t-il, soulignant que des négociations trop dures peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les fournisseurs, qui font eux aussi face à des problèmes de trésorerie. "Améliorer son cash en tapant sur la tête des fournisseurs ne fonctionnera pas à moyen terme", poursuit Grégory Wanlin, associé chez Enabling Procurement. Il faut, en effet, d'ores et déjà préparer le rebond et les sous-traitants seront des partenaires incontournables. "On ne passe jamais assez de temps à échanger avec ses fournisseurs", estime David Brault. Les acheteurs semblent l'avoir compris : "Depuis le début de la crise, les acheteurs ont multiplié les prises de contact directes avec les fournisseurs afin de trouver avec eux des solutions", constate Didier Louro, senior manager chez BearingPoint.

Mais, pour mener des discussions constructives, les directions achats doivent évoluer, adopter un nouveau mode de pensée. "Les acheteurs ne doivent plus procéder de la même façon. Ils doivent être en mesure de construire des solutions plus intelligentes avec leurs fournisseurs et non pas uniquement produire un cahier des charges et prendre le sous-traitant le moins cher. Mais cela nécessite un état d'esprit différent", souligne Grégory Wanlin. Il faut donc garder cela en tête lors des recrutements, mais aussi accompagner ses équipes vers cette nouvelle culture, notamment à travers des formations. C'est, en effet, en adoptant ce nouveau mode de pensée, tourné vers le partenariat, que des négociations réellement "gagnant-gagnant" pourront avoir lieu. "En tissant un lien de confiance avec ses fournisseurs, il sera possible d'obtenir des conditions intéressantes sur les délais de paiement ou, encore, de négocier une reprise du stock non utilisé", rappelle Grégory Wanlin. Ce qui conduira ainsi à une amélioration de la trésorerie, et cela sur du long terme.

Des process plus efficaces

Un dialogue constructif avec ses fournisseurs est donc nécessaire pour améliorer son cash, car c'est uniquement de cette façon que des solutions durables pourront être trouvées. De manière générale, une bonne gestion des fournisseurs est nécessaire en matière de préservation de la trésorerie. David Brault conseille, par exemple, de réduire le nombre de ses fournisseurs pour obtenir de meilleures conditions, que ce soit concernant les prix, mais aussi les délais de paiement. "L'objectif est de sélectionner les meilleurs fournisseurs pour leur fournir un plus gros volume de commandes. La difficulté, actuellement, est de s'engager sur des volumes de commandes, étant donné le manque de visibilité", explique David Brault.

Au lieu de s'engager sur de gros volumes de commandes, Christophe Durcudoy préconise de négocier davantage d'agilité avec les fournisseurs, de passer des commandes moins volumineuses, mais plus régulières. On revient sur la nécessité du dialogue, pour partager ses problématiques avec ses sous-traitants et comprendre, en parallèle, les leurs. Et ces discussions peuvent être plus facilement menées, il est vrai, avec un nombre réduit de fournisseurs avec lesquels un partenariat de confiance a été construit. Réévaluer son référentiel fournisseurs peut aussi être l'occasion de se poser des questions sur la relocalisation, par exemple : "La crise peut être l'occasion de revoir ses stratégies d'achat, de prendre un peu de hauteur", indique Christophe Durcudoy.

Si le référentiel fournisseurs doit être réévalué, Didier Louro pense qu'il faut également travailler sa qualité, pour pouvoir facilement contacter les services comptables. Pour lui, cela simplifiera la mise en place ou le renforcement des plateformes de dématérialisation. "Pouvoir facilement contacter les services comptables permettra de les accompagner dans l'adoption de ce nouvel outil. La crise est l'occasion de rendre l'ensemble des processus achats plus efficaces", conseille-t-il. Pour lui, des processus plus performants favoriseront une meilleure efficacité opérationnelle et offriront nécessairement une meilleure visibilité en termes de trésorerie. Notamment en généralisant les bons de commande pour faciliter le rattachement aux factures. "Cela nécessite de travailler avec les prescripteurs internes afin qu'ils prennent bien en main les outils et comprennent les bénéfices pour eux-mêmes, l'entreprise et leurs partenaires", indique Didier Louro. Des process plus efficaces pour plus de cash.

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