Sobriété heureuse... et vertueuse
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
Faire d'une contrainte, une opportunité... Galvaudé ? L'adage business semble cependant trouver de nouveaux modèles d'affaires vertueux en termes de consommation et de relations BtoB.
Les périodes de pénuries ne rendent pas nostalgiques. Mais l'on essaie de trouver des solutions dans des crises déjà traversées. Au hasard, celles de 1973 et 1979, celle des fameux chocs pétroliers qui mettent fin aux trente Glorieuses et augurent d'une crise longue. "Les chocs pétroliers ont poussé le gouvernement à inciter les Français à faire preuve de sobriété, à faire la chasse au gaspillage, sorte de nudge marketing avant l'heure. Mais à l'époque, il n'était question que de modifier certaines habitudes, à adapter leur conduite pour éviter la pénurie et non d'imprimer de nouveaux comportements, explique Catherine Kuszla, Directrice de la recherche rattachée à l'ESCE - Groupe OMNES qui s'est exprimé au Printemps de l'économie 2022 sur le thème de la "Sobriété : l'essence de demain ?" (18 au 21 octobre). Et cela avait fonctionné ! Aujourd'hui la donne change." Effectivement, tout le succès de l'opération a résidé dans le fait que cette sobriété ne fut pas pensée de façon systémique ou holistique.
Vers "l'entreprise keynesienne" ?
Et dans cette nouvelle façon d'appréhender la sobriété, on copie d'abord le bon sens des années 70 : baisser le thermostat des chauffages d'entreprises, remplacer les vieilles ampoules par des éclairages LED, et finalement réencourager le télétravail pour moins consommer au bureau. "L'entreprise est ce corps intermédiaire entre la puissance publique et l'individu. De fait, son activité stratégique l'oblige à consommer des ressources et de l'énergie pour produire ou fournir du service avec sobriété. Ou non ! Clients, usagers, distributeurs, salariés, fournisseurs, financeurs, et même pourvoyeurs d'infrastructures de santé, de mobilité, d'éducation ... Parties prenantes contributrices ou bénéficiaires participent de ce système de création et de partage de valeur. Il faut désormais le rendre soutenable et sobre", continue l'enseignante-chercheuse. Il n'est donc pas seulement question de changer les habitudes, il est question de faire évoluer les mentalités et de repenser la stratégie des entreprises.
De nouveaux business models sobres, mais désirables ?
Un peu à la manière d'un Beigbeider qui nous confiait dans les colonnes de Be @ Boss que l'écologie doit être sexy, la sobriété, elle, doit être attractive et surtout ne doit pas être subie. Contre ce syndrome du petit pois perdu dans une large assiette, Catherine Kuszla illustre : "Yann Lemoine, créateur des Biens en commun, met à disposition des casiers pour le partage des équipements électroménagers. En Belgique, Luc Teerlinck, chez Décathlon a lancé "We Play Circular" qui permet le partage d'équipements sportifs". L'entreprise joue donc ce rôle d'organiser et réguler ces échanges. Ces deux exemples illustrent la volonté des marques à redessiner les usages et les interactions entre clients et fournisseurs. Bref, du grain à moudre avant de ne voir arriver les jours maigres.