[Tribune] Le détournement du Lean Management
Publié par Patrick Chabannes le - mis à jour à
La production Lean est un modèl d'organisation du travail qui favorise le développement d'employés proactifs, compétents, prêts et motivés pour penser et suggérer des améliorations.
Cachées derrière le pouvoir magique de la mesure chiffrée aux données intrinsèquement mensongères, les Directions se trouvent dans l'incapacité de délivrer une performance dans un monde complexe au sein d'organisations toujours plus complexes.
Le Lean Management n'avait-il pas donné les clés de la performance? Dans les années 90, les sciences de la complexité n'ont-elles pas contribuées largement au renouvellement de la pratique du contrôle de gestion en France en la faisant échapper aux visions instrumentales et en cernant le rôle joué par le contrôle, ses outils et ses pratiques dans l'apprentissage de la performance?
Rappel, le Lean pour les Nuls : une base de TPS (Toyota production system), une dose de MIT et un soupçon de théorie du progrès continu (boucle PDCA : Plan-do-Check- Act) avec trois enjeux de performance clés :
- Muda - éliminer le gaspillage,
- Mura - analyser et maîtriser la variabilité de la demande,
- Muri - supprimer la surcharge des équipements et des employés.
La fuite devant la complexité par les décideurs et les chercheurs
Les règles du "lean" original peuvent sembler contre-intuitives (ex. pour maîtriser le coût, il faut maintenir une réserve de capacité), car elles s'attachent a` maîtriser la grande complexité des systèmes d'activité. Or les dirigeants d'entreprises (et des structures publiques) sont souvent formés à la résolution de problèmes plus qu'a` la pensée complexe.
De plus, "complexité" signifie "risque" pour le décideur. C'est une tentation naturelle que de fuir le risque en niant la complexité, en se berçant des illusions du contrôle et en cherchant le salut dans des méthodes qui réduisent les systèmes d'activité à des équations mettant en relation mesures d'inputs, mesures d'outputs et rentabilité.
Enseignants et chercheurs en gestion, notamment en contrôle, portent leur part de responsabilité dans cette dérive. N'ont-ils pas trop souvent négligé la complexité des systèmes d'activité humains et surestimé la puissance des modélisations statiques et "top-down" ?