Un pilotage de bout en bout par le digital
Publié par MATHIEU NEU le - mis à jour à
Sous l'effet des innovations technologiques, les organisations achats revoient leur copie et se tournent vers une numérisation croissante des processus. Mais un changement aussi profond implique nombre de précautions et de méthodes adaptées pour s'assurer de l'efficacité de la transformation.
"D epuis 2016, l'intérêt que les directions achats portent aux solutions de digitalisation et leurs intentions d'innover en la matière se caractérisent par un brusque essor ", constate Olivier Audino, président fondateur de Buy Made Easy, fournisseur de solutions e-achats. Signe de l'évolution dans ce domaine, il note également la nette augmentation des participants aux événements consacrés à ce sujet : "Lorsque nous lancions un webinar en lien avec la thématique dans un passé encore récent, nous finissions par attirer 15 à 20 personnes. Aujourd'hui, en moins de 24 heures après l'ouverture en ligne, nous totalisons 50 inscrits". Selon une étude publiée en 2018 par PwC, 60 % des directeurs achats déclarent vouloir mener un programme de digitalisation complet de leur fonction à un horizon de cinq ans.
Pour autant, le cap n'est pas forcément franchi dans la réalité, en raison de freins budgétaires. Il subsiste des difficultés à convaincre la direction générale, car ce sont des outils qui impliquent tous les départements dans l'entreprise. "Par ailleurs, les achats n'ont parfois pas le pouvoir ou ne veulent pas supporter seuls une telle mutation", ajoute Olivier Audino. 35 % des directeurs achats interrogés au sein de l'étude de PwC auraient d'ores et déjà digitalisé leurs processus transactionnels. Mais seuls 16 % des directeurs déclarent avoir une vision claire et une feuille de route pour digitaliser la fonction achats.
Un contexte parfois défavorable
Souvent, les projets de digitalisation dans les directions achats ne sont pas pris en compte dans leur intégralité. "Les sujets de digitalisation, de façon générale, ne sont vus que dans une approche relative au source-to-pay, alors qu'ils s'inscrivent dans un ensemble qui concerne l'intelligence artificielle, la blockchain ou la robotisation. Ces thématiques sont fréquemment éludées, car ces sujets sont craints. Les approches d'immersion sont intéressantes, elles montrent ce que sont concrètement ces leviers et comment les mettre en place. Tout l'enjeu actuel est l'évangélisation de ces sujets, en fait très simples", indique Isabelle Carradine-Pinto, directrice en charge de la compétence de conseil en achats PwC.
Lorsqu'on s'arrête sur le choix d'une technologie pour répondre à un objectif donné, les enjeux et bénéfices semblent bien compris. Mais la démarche devient plus complexe dans l'exécution des projets. Avant d'être technologiques, il s'agit de projets métiers, et les fonctions achats laisseraient encore trop souvent l'informatique prendre en charge des missions qui leur incombent. "Elles investissent au compte-gouttes lors de la phase projet, et en payent les pots cassés au final. Certaines entreprises entrent en exécution du projet sans remettre suffisamment en question les raisons de leurs décisions et sans s'assurer de la compatibilité avec les objectifs initiaux. Lorsqu'on met en place un outil source-to-pay, on peut avoir comme but d'atteindre 80 % de ses dépenses d'achat dans celui-ci. Dans plus de 50 % des cas, pour éviter la complexité, les fonctions achats réduisent le périmètre au fur et à mesure de l'avancement et se retrouvent avec un montant d'achat dans l'outil qui se situe plutôt autour de 50-55 % au maximum", décrit Isabelle Carradine-Pinto. Entre l'objectif et le résultat, on constate donc un écart majeur dû au manque de pilotage par les enjeux et au défaut d'implication de la maîtrise d'ouvrage.