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Comment évaluer le préjudice économique en cas de rupture brutale d'un contrat de commerce ?

Publié par Patricia Dreidemy le - mis à jour à

La Cour d'Appel de Paris a donné une liste de critères à prendre en compte pour déterminer une durée de préavis : durée de la relation commerciale établie, mais aussi usages sectoriels, degré de dépendance de la victime, difficulté à trouver un autre partenaire, obstacles à une reconversion...

"L'éternelle question de l'évaluation du préjudice en cas de rupture brutale du contrat. Une décision lourde de conséquences" Tel était le thème de l'une des conférences des premières Assises juridiques de la consommation, de la distribution et de la compliance, organisées par Lexposia Forum Economie le 18 mars dernier.

Dans sa première partie, l'article L442-6 du Code de commerce stipule que le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit, engage la responsabilité de l'auteur de la rupture et l'oblige à réparer le préjudice causé. Sur ce contentieux extrêmement fréquent, Jean-François Laborde, expert auprès de la Cour d'appel de Paris, a distingué deux grandes formes de préjudices : la perte de marge, presque systématiquement évoquée, et les préjudices autres. "Quand rupture de relation commerciale il y a, la victime est privée de tout ou partie d'un préavis et donc du chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé pendant ce préavis, a déclaré l'expert. Mais, pour pouvoir réaliser ce chiffre d'affaires, elle aurait vraisemblablement dû engager des dépenses. C'est pourquoi la Cour de cassation a posé pour principe que "seule la perte de marge brute constitue un chef de préjudice indemnisable".

Evaluer la perte de marge

"Pour mesurer cette perte, le barème "un mois de relation commerciale égal un mois de préavis de rupture" a longtemps été appliqué, une manière de faire qui, pour nous experts, ne permettait souvent pas d'indemniser le préjudice véritablement subi, a expliqué Jean-François Laborde. Puis, les magistrats ont progressivement apporté des ajustements à cette règle, jusqu'à ce que la Cour d'Appel de Paris vienne donner une liste de critères à prendre en compte pour déterminer une durée de préavis : durée de la relation commerciale établie bien sûr, mais aussi usages sectoriels, degré de dépendance de la victime, difficulté à trouver un autre partenaire, obstacles à une reconversion ou encore importance des investissements dédiés".

Pour les préjudices d'autre nature, il peut s'agir de la perte de valeur d'un stock qu'on ne peut plus vendre ou compléter, de l'atteinte à l'image et du préjudice moral, des coûts de recherche d'alternatives, de l'éventuel différentiel de prix entre l'ancien et le nouveau partenaire, ou plus rarement des coûts de réorganisation. "Face à ces préjudices autres, il faut d'abord vérifier qu'ils ont bien été causés par le défaut de préavis, veiller ensuite à ne pas indemniser deux fois le même préjudice et enfin, contextualiser leur montant en le rapportant aux résultats financiers habituels de l'entreprise", a insisté Jean-François Laborde.

Pour François de Maublanc, président de la Chambre traitant du contentieux des ruptures brutales au Tribunal de commerce de Paris, "le texte a une vocation avant tout préventive : celle de changer les pratiques, une rupture brutale de contrat impliquant d'avoir à rémunérer à la fois le nouveau et l'ancien partenaire commercial, ce qui s'avère très onéreux."