Fiscalité : faut-il rouler "électrifié" ?
Publié par Jean-Philippe Arrouet le | Mis à jour le
La fiscalité automobile pousse les acheteurs vers des modèles électrifiés dont le TCO devient enfin compétitif. Mais attention à analyser préalablement les usages des véhicules pour éviter les déconvenues.
"Nous sommes face à un double effet ciseau, observe Marc Charpentier, directeur commercial de One Lease. D'un côté, la fiscalité des véhicules thermiques se dégrade car le gouvernement durcit chaque année les règles sur le CO2, ce qui gonfle la TVS et le malus. De l'autre, les loueurs croient de plus en plus dans les niveaux de revente des véhicules électriques dans trois ans." Les capacités des batteries progressent et l'obligation de les louer perd du terrain.
En outre, plusieurs mesures poussent à choisir ces modèles: le bonus porté à 5 000 euros (3 000 euros, en 2021), l'offre élargie dans les gammes des constructeurs, le soutien gouvernemental au développement des infrastructures de recharge. Sans compter l'obligation, imposée par la récente loi d'orientation des mobilités (LOM) aux entreprises de plus de 100 véhicules en parc d'y intégrer des motorisations peu émettrices de CO2. La loi de finances pour 2021 enfonce le clou en prévoyant des augmentations de malus l'année prochaine et surtout en 2022... auxquelles échapperont les véhicules électrifiés.
Quant aux modèles électriques uniquement, ils bénéficient jusqu'en 2022 d'un abattement de 50% de la valeur de l'avantage en nature (AEN) dans la limite de 1 800 euros par an. Un coup de pouce fiscal destiné à couvrir le coût de la recharge et surtout à ne plus pénaliser les salariés qui choisissent ce type de véhicules de fonction (dont le prix d'achat plus élevé se répercutait sur l'AEN donc, in fine, sur leur feuille d'impôt). Avant toute refonte d'une car policy, "Il faut partir d'un TCO intégrant l'AEN, ce que ne prend pas toujours en compte celui du loueur", conseille d'ailleurs Marc Jaubert, consultant senior flottes automobiles et mobilité chez Ayming. Enfin, les plafonds des amortissements non déductibles (AND) sont eux aussi très favorables avec 30 000 euros pour les voitures électriques (contre 9 900 € pour les plus polluantes).
Le choix de l'hybride
"Je sensibilise les responsables de parc pour que le choix de l'hybride ne soit pas qu'une question fiscale. Certes, le TCO est meilleur sur le papier mais si on ne recharge pas, c'est 200 à 600 kg de poids en plus qui se traduiront sur la consommation", avertit Géraldine Chaze, directrice de clientèle chez Fatec Group. Cette spécialiste du fleet management a poussé les études sur le parc de ses clients et relevé des consommations réelles parfois comprises entre 10 et 20 l/100km lorsque les batteries ne sont pas rechargées. Et ce n'est pas un bonus de 2 000 euros qui y changera quoi que ce soit au TCO, surtout si les conducteurs roulent beaucoup.
Chez NXO, Pascal Belin, a tiré une croix sur le diesel dans sa flotte en y substituant des hybrides rechargeables, dont une vingtaine est à la route depuis un an. "Entre le Renault Kadjar Diesel et le Kia Niro PHEV, nous avons la même consommation de référence. Elle varie entre 4,5 l et 6,5 l/100 km pour le premier et entre 1 l et 6 l/100 km pour le second", confie le responsable des services généraux. Une amplitude qui change tout car elle montre, dans le cas du PHEV que quand les collaborateurs, bien aidés par une formation, jouent le jeu, l'entreprise peut en retirer des gains significatifs.
Total économise 10% en optimisant sa fiscalité
Jusqu'à présent, pour renouveler ses 1 600 voitures de commerciaux ou de direction, Laurent Tricot, directeur des services et moyens généraux de Total Paris La Défense, tenait compte des coûts directs (loyer, assurance, carburant) et peu du CO2 (hormis pour écarter les véhicules "malussés"). "Avec l'évolution de la TVS et des amortissements non déductibles, les niveaux de CO2 ont de plus en plus d'impact et nous aurions eu 10% d'augmentation si nous n'avions rien fait", concède-t-il. Pour revoir sa car policy, il a sollicité Ayming qui a travaillé sur l'introduction de véhicules électrifiés. Du 100% électrique pour profiter de l'augmentation du bonus, d'une offre de modèles élargie et d'un calcul plus favorable des avantages en nature (AEN). La préconisation porte surtout sur l'hybride rechargeable proposé à de gros rouleurs (jusqu'à 30 000 km alors que le plafond couramment observé pour cette motorisation est de 15 000 à 20 000 km).
Pour tenir ce pari, Laurent Tricot a pris des consommations de référence moins favorables que celles des constructeurs (4 l contre 1,5 l), prévu une sensibilisation des conducteurs à la recharge et lancé l'installation de bornes sur les sites. Surtout, Total a reconsidéré ses marques d'hybrides dans le but d'optimiser les plafonds d'AND (et ainsi de compenser, en partie, leur prix plus élevé). Conséquence : les premiums allemands ont été écartés au bénéfice des hybrides français, moins chers. Toutes ces optimisations financent le "verdissement" de la flotte. "Par rapport au parc que nous avons actuellement, les économies réalisées me permettent, à iso coût, de passer à l'hybride tout en restant français", se félicite Laurent Tricot.
Picks-up... down
Comme de simples utilitaires, les Picks-up échappaient à la TVS et au malus, tout en proposant des habitacles dignes des SUV. La loi de finances 2019 a supprimé cette aubaine pour les entreprises en taxant ceux d'au moins cinq places comme des VP (les autres restant des VU). En 2021, plus que jamais, la fiscalité sera punitive pour ces gros émetteurs de CO2. élu pick-up de l'année 2020, le Ford Ranger débute à 216 g de CO2 en double cabine. Il va écoper de 3 992 € de TVS et de 22 871 € de malus... soit presque son prix d'achat (29 475 € HT). Sur ce marché qui s'effondre, Mercedes a déjà jeté l'éponge en retirant son Classe X.
Promotion canapé
Quelle différence entre une voiture particulière (VP) et sa version "société" (VS) ? La banquette arrière qui disparaît. Ainsi, le véhicule profite des avantages fiscaux d'un VU (pas de TVS et TVA récupérable) mais ces modèles à deux places se revendent mal. Certains constructeurs proposent un kit de transformation, comme Citroën pour sa C3 Aircross (700 € environ). L'entreprise acquiert une version VP qu'elle transforme en VU, tout en stockant la banquette pour la remonter avant de revendre la voiture... au prix d'un VP. Seul bémol, le malus sera dû avec la nouvelle carte grise.