Motorisations thermiques : un dernier coup à jouer en 2023 ?
Publié par Jean-Philippe Arrouet le - mis à jour à
La réglementation, la fiscalité comme l'industrie automobile pousse les acheteurs à choisir des véhicules électrifiés or les moteurs thermiques n'ont pas dit leur dernier mot. De bonnes affaires sont encore possibles à condition d'accepter une part de risque calculé.
Des véhicules électriques, encore et encore. Tel est, peu ou prou, le ressenti des visiteurs qui ont arpenté les allées du dernier Mondial de l'automobile de Paris. Au sein des flottes d'entreprises, la course à l'électrification s'accélère d'autant plus que l'inflation, et pas seulement celle des carburants, a fait bondir les dépenses automobiles. " Le budget des flottes a augmenté de 20 à 30 % en 2022 ", confirme Philippe Ambon, directeur du développement de Holson, fleeter et conseil sur la transition énergétique des flottes. Dans ce contexte, les TCO des voitures électriques deviennent plus compétitifs que leurs équivalents thermiques. Quant à la réglementation, elle oriente également le marché vers ce type de motorisations en imposant des renouvellements de flottes en véhicules à faibles émissions. Sans compter l'apparition des ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité) qui interdisent l'accès de quelques métropoles, dont le Grand Paris, aux vignettes Crit'R 4 et 5. Bref, de quoi reléguer aux oubliettes, les motorisations diesel qui ont longtemps été les seules disponibles dans les flottes. Ce serait tourner la page un peu vite car les derniers chiffres rapportés par Arval Mobility Observatory pour le mois de décembre 2022, montre que les ventes de diesel résistent. Sur les dix modèles (voitures particulières) les plus immatriculés dans les flottes, 50 % roulent au gasoil. Certes, la demande s'oriente à la baisse mais le diesel fait toujours les affaires (sans concurrent crédible) des plus gros rouleurs.
Le pari de repartir en diesel
Compte tenu de leurs émissions de CO2, les diesels suscitent pourtant la méfiance des acheteurs depuis l'apparition des ZFE-m que la loi " climat et résilience " prévoit de généraliser aux 150 plus grandes agglomérations. Les diesels en seront bannis mais quand ? L'exemple du Grand Paris montre que les pouvoirs publics marchent sur des oeufs. Sans doute parce que leur coeur est de la même couleur que certains gilets dont ils redoutent le retour. Par conséquent, le calendrier d'entrée en vigueur des ZFE-m n'en finit pas de s'allonger. À Paris, l'interdiction des Crit'Air 3 (essence d'avant 2006 et diesel d'avant 2011) est reportée à 2025. Autrement dit, les diesels neufs, conformes à la norme Euro 6 et classés Crit'R 2, ne sont pas près d'être chassés de la capitale. Ce qui laisse le temps, - pourquoi pas -, de signer un nouveau contrat de location longue durée (LLD) pour ce type de motorisation. Sauf que les gestionnaires de flotte redoutent une dépréciation des valeurs résiduelles (VR). Demain, qui en voudra encore d'un diesel en occasion ? " Les VR des diesels ont chuté de plus de 20 % en trois ans car les loueurs et les côteurs avaient déjà pricé les diesels en fonction de l'arrivée de ZFE ", analyse Philippe Ambon. Cependant, le diesel conserve une certaine popularité en occasion. " Les VR des diesels sont en augmentation car leur part dans les immatriculations a diminué de 15 à 20 % alors que la demande sur le marché VO est de 40 à 50 %. Ces VR se stabilisent depuis mi-novembre " observe Yoann Taïtz, directeur cotations et perspectives pour la France et le Benelux chez Autovista.
Faire vite, tout en mesurant son risque
D'après cet expert, les VR des diesels ont atteint un plafond, donc le moment est propice à s'interroger sur le choix de cette motorisation. À condition de se positionner rapidement car la demande VO, qui soutient ces diesels, est une sorte de " bulle " artificiellement entretenue (pour combien de temps encore) par la pénurie de véhicules neufs ou abordables pour les particuliers. Une bulle qui risque de se crever brutalement lorsqu'arriveront sur le marché des VO les nombreux véhicules dont les entreprises ont prolongé les contrats au moment de l'irruption du covid. Par conséquent, avant de signer un bon de commande, il convient de réfléchir à l'usage futur du véhicule et parfois de sortir des références établies en LLD : " Il y a des opportunités sur des durées de détention inférieures à 36 mois ", estime Yoann Taïtz. D'autant que les remises sur ces véhicules se négocient aujourd'hui plus facilement que sur les électriques.
Un contexte dont profitent également les véhicules Flexfluel, capables de rouler à l'essence comme à l'éthanol (E85). Ce segment de marché est soutenu par un prix des carburants moins élevé que l'essence ou le gasoil. D'après le site carburant.org, début janvier 2023, un plein d'E85 coûtait de 56,80 €, contre 92,05 € en SP95-E10 et 95,05 € en gasoil. Même si cette motorisation, engloutit 20 % de carburant en plus, elle suscite une forte demande de la part des particuliers et, de plus en plus, des entreprises. " Ces moteurs offrent un intérêt pratique en permettant de basculer d'un carburant à l'autre ", ajoute Philippe Ambon. De quoi écarter la question de l'autonomie sur longues distances alors que le parc de stations équipé était de 3 249 en janvier 2023 selon les chiffres tenus à jour par la filière (bioethanolcarburant.com).
L'E85, un carburant transition
" Il représente 80 à 90 % de notre mixte de vente sociétés, d'autant que nous avons arrêté les versions essence équivalente ", se réjouit Marc Jenniches, directeur des ventes sociétés de Ford France. Ce constructeur est le seul, avec Jaguar-Land Rover, à proposer des véhicules acceptant nativement du bioéthanol, donc sans reprogrammation de la cartographie moteur ni la pose d'un boîtier additionnel. La garantie constructeur est de trois ans comme pour les autres motorisations. " Ce type de motorisation s'adresse aux gros rouleurs pour lesquels l'hybride rechargeable a moins d'intérêt et il est moins cher que l'hybride série. C'est donc une bonne transition pour continuer à rouler beaucoup ", argumente le responsable de Ford. D'autant qu'il existe quelques avantages fiscaux : les régions accordent une carte grise à 50 % voire gratuite et l'État une TVA récupérable sur ce carburant (comme sur le diesel) ainsi qu'un abattement de 40 % sur le taux de CO2 qui sert au calcul du malus. Cependant Marc Jenniches rappelle que " le flexfuel ne change pas la vignette Crit'Air car il n'apporte pas de bénéfice en termes de rejets de CO2. " Autrement dit, cette carburation n'a d'intérêt qu'avec des véhicules de puissance et de taille raisonnables. Ce n'est donc pas la martingale pour réduire la fiscalité des gros SUV, comme avec l'hybride rechargeable. Cerise sur le gâteau, l'intérêt de l'E85 se trouve renforcé lorsque le moteur flexfuel est également hybride. Cette greffe, opérée par Ford, n'augmente quasiment le coût de production du véhicule, qui reste abordable et elle permet de gagner à la fois en consommation et en CO2. Ainsi, le SUV Kuga, dans sa version FHEV E85 Powershift (2,5 l et 190 ch), ne rejette que 118 g de CO2 contre 122 g pour la version hybride rechargeable (dont le premier prix est, par ailleurs, supérieur de 2 500 €). Pour autant, le choix de l'E85 n'est pas exempt de tout risque, avertit Philippe Ambon : " le flexfuel est un pari sur l'avenir et la fiscalité " car il doit son succès à la défiscalisation de TICPE que lui accorde l'État. Pour combien de temps encore ? Nul ne le sait mais la crise énergétique semble écarter une remontée de cette fiscalité qui pénaliserait les ménages les plus modestes, nombreux parmi les acquéreurs de boîtiers de conversion. Dans les entreprises, ce laps de temps permettra d'adapter sa flotte à l'électrification, sans aller à marche forcée ni pénaliser aucun conducteur.
NXO France passe au boîtier E85 hybride avec Onelease
" Nous avons de très gros rouleurs qui font de grandes distances d'un seul bloc, donc le choix de l'électrique était compliqué pour eux ", témoigne Pascal Belin, responsable général de NXO France, spécialiste des réseaux IT. La réponse à ce besoin est venue de son loueur longue durée, Onelease, qui lui a proposé d'équiper des véhicules hybrides de boîtiers de conversion de seconde monte pour rouler à l'E85. " C'est le meilleur des deux mondes ", témoigne Marc Charpentier, directeur commercial de Onelease qui expérimente cette solution depuis plusieurs années avec ses clients sans constater de pannes (ce montage fait perdre la garantie constructeur au profit de celle du fabricant de boîtiers qui est généralement plus courte). Chez NXO, les premiers Renault Captur et Arkana e-Tech, équipés d'un boîtier E85 commencent à être livrés. Le surcoût est minime (1 000 € TTC pose comprise) par rapport au prix du véhicule neuf. " Nous nous sommes projetés sur deux, trois voire quatre ans, avec des véhicules qui roulaient beaucoup et nous avons trouvé un équilibre sur 4 ans. Cette solution est moins coûteuse, plus propre et les véhicules sont mieux équipés ", se réjouit Pascal Belin. Les conducteurs eux aussi y trouvent aussi un avantage car ils paient le carburant de leur voiture de fonction (ce qui les incite aussi à refaire le plein en E85 plutôt qu'en SP95-10). Reste que l'E85 n'est pas une solution universelle dans les car policies. Chez NXO, Pascal Belin a aussi commandé des hybrides (sans boîtiers) pour les petits et moyens rouleurs ainsi que des hybrides rechargeables pour les SUV de fonction afin de leur éviter le malus.