Face à la crise, la télématique se réinvente
Publié par Jean-Philippe Arrouet le - mis à jour à
La pandémie contraint les entreprises à mieux protéger leurs salariés qui se déplacent. Elle chamboule également les habitudes de mobilité, laissant entrevoir des ajustements dans la gestion des flottes. Autant d'enjeux dont se sont déjà saisis les télématiciens.
Dans les secteurs du BTP ou de la messagerie, où les flottes continuent de rouler, parfois intensivement, pendant le confinement, la télématique permet de concilier les contraintes d'exploitation et les règles sanitaires. "Pour beaucoup de nos clients dans le BTP, la localisation des véhicules permet un nettoyage systématique des engins et de matériels partagés. En outre, notre solution d'identification des utilisateurs facilite l'envoi sur sites des personnels chargés de ce nettoyage", témoigne Barbara Tron, directrice marketing d'Océan. Même constat chez Coyote Fleet, dont les utilisateurs peuvent tracer l'utilisation de leur parc en temps réel et identifier les véhicules de pool de retour sur site pour déclencher des opérations de désinfection.
Utiles, du confinement au déconfinement
Pour la majorité des entreprises dont les véhicules sont restés, et restent, à l'arrêt, les télématiciens ont mis en avant certains services et parfois de nouveaux. Ainsi Xee, spécialiste de la maintenance connectée, a alerté ses clients sur le risque que les batteries se retrouvent à plat.
"5% des véhicules nécessitaient un dépannage de batterie à la fin du premier confinement", explique Laurent Evain, fondateur et codirigeant de cette start-up. Une alerte encore plus utile dans le cas des véhicules électrifiés, dont la batterie de puissance risque une mise au rebut en cas de décharge complète. Au-delà des données techniques, ce télématicien a fait remonter des informations précieuses concernant l'utilisation des véhicules en phase de déconfinement. "Nous avons été surpris de constater que certaines flottes roulaient moins mais consommaient autant qu'auparavant", pointe le dirigeant.
Un paradoxe qui s'explique par une modification des horaires et des trajets. Du côté d'Océan, filiale d'Orange Business Services, une cellule a été montée pour trouver comment aider les clients à faire face à la crise. Elle leur a notamment recommandé d'utiliser l'outil d'identification des conducteurs pour limiter l'occupation des véhicules partagés à un seul salarié à la fois. Chez Coyote Fleet, l'accent a été mis sur la possibilité, pour le client, de paramétrer ses rapports et alertes. "Un périmètre peut être délimité pour respecter un rayon de déplacement de 20 kilomètres", évoque un porte-parole.
D'autres prestataires ont profité de la baisse d'activité de leurs clients pour les inciter à se former. "Nous avons une centaine de tutoriaux en ligne, qui ont beaucoup été visionnés", témoigne Julien Rousseau, p-dg de Suivideflotte.net. Pour sa part, Quartix a sorti un guide et renforcé son service support :
"Nous avons proposé aux clients de les former à l'utilisation de notre interface pour qu'ils utilisent plus de fonctions que d'habitude, notamment l'état d'utilisation de la flotte pour identifier les véhicules au dépôt et ceux sur sites dans le but de prévoir un roulement efficace", explique Anne Barade, responsable des opérations Europe.
Sur 25 000 clients, Quartix a mesuré les fonctionnalités les plus prisées pendant cette période.
Sécuriser les conditions de travail
Outre le "géofencing" destiné à alerter en cas de sortie d'une zone délimitée, les clients ont plébiscité le module de suivi des comportements au volant. Pas uniquement pour traquer les gros consommateurs de carburant, mais pour repérer ceux qui se sentiraient pousser des ailes une fois déconfinés. "Cela a permis aux entreprises de faire de la prévention en interne et d'intervenir rapidement en cas de dérive", pointe Anne Barade. Par ailleurs, la télématique a montré son utilité au-delà de sa mission de gestion d'un parc de véhicules.
Océan a ainsi incité ses clients à utiliser la géolocalisation pour contrôler le nombre de personnels présents simultanément sur un site. "Dans le secteur du nettoyage par exemple, on peut éviter les télescopages si une équipe arrive avant que la précédente soit partie", cite Barbara Tron. D'autres télématiciens n'ont pas choisi d'exploiter la géolocalisation, mais plutôt les données enregistrées par le véhicule pour remonter des informations plus précises, susceptibles de faire foi en cas de contrôles. Tel est le cas de Kuantic : "Nos clients peuvent vérifier que les consignes sont respectées, qu'il s'agisse de celles des autorités ou de l'entreprise, comme l'obligation de télétravailler au lieu de se déplacer", souligne Samuel Vals, directeur commercial.
Ici, les données issues du "bus can", le cerveau électronique du véhicule, comptabilisent le moindre tour de roue. "Un employeur peut se fier à ces données pour vérifier que ses salariés sont bien consignés avant de faire sa déclaration de chômage partiel. C'est aussi un moyen d'avertir les salariés en cas de dérive constatée", ajoute-t-il.
Au-delà de l'adaptation des déplacements au contexte sanitaire, la télématique apparaît comme un outil d'optimisation post-Covid de la gestion des flottes. "Nous offrons trois types de fonctionnalités", explique Jad Tabet, directeur de Targa Telematic France. "D'une part, l'asset management vise une bonne exploitation et une maximisation de la valeur résiduelle des véhicules. D'autre part, le fleet management a pour but une optimisation opérationnelle de la flotte. Enfin, nous apportons de nouveaux services de mobilité." C'est autour de ce 3e levier que se mobilisent désormais les prestataires pour accompagner les entreprises. "Une réduction de 15 à 20% de la taille du parc est possible avec l'autopartage", livre le directeur de Targa Telematic France, qui est en mesure d'équiper ainsi des flottes existantes.
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