Donner du sens au travail pour plus de performance
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Capitaliser sur l'aménagement des espaces de travail engendrerait une meilleure performance des salariés selon Alain d'Iribarne, chercheur au CNRS et auteur d'un ouvrage sur le sujet. Un débat qui va plus loin et aborde indirectement celui du sens donné au travail. Débuts d'explications.
« 5 %, c'est en moyenne le taux d’absentéisme observé dans les entreprises », a expliqué Alain d’Iribarne(1), directeur de recherche au CNRS et président du conseil scientifique d’Actineo, observatoire de la qualité de vie au bureau, le 16 février dernier lors des 10e Rencontres Actineo, à l’Assemblée nationale. Les raisons ? Un espace de travail de plus en plus réduit et rationalisé ou encore le manque de motivation pouvant engendrer une véritable souffrance au travail.
Dans son ouvrage intitulé “Performance au travail : et si tout commençait par les bureaux ?”, rédigé en collaboration avec Actineo, Alain d’Iribarne pose la question de la gestion des hommes et de l’aménagement de l’espace de travail. « L’espace de travail est jugé secondaire par rapport aux organisations sociales du monde du travail. Les services généraux se penchent sur le problème de l’aménagement sans prendre conscience de l’intérêt de capitaliser sur ce sujet », commente le chercheur.
Un constat s’impose : plus l'entreprise est imposante, plus les salariés semblent satisfaits de leur environnement de travail, révèle une grande enquête TNS Sofres pour la Foncière des régions et Aos Studley. Ainsi, 66 % des salariés d'entreprises de 100 à 249 personnes se disent satisfaits de leur bureau actuel, contre 75 % pour les entreprises de 1 000 salariés et plus. Si l'aménagement des postes de travail est satisfaisant pour 66 % des personnes interrogées, le bât blesse sur le sujet de l'aménagement des espaces de travail collectifs (bulles, salles de réunion, etc.). En effet, seuls 55 % des sondés se disent satisfaits de ces espaces collectifs.
« L'aménagement des postes de travail est un vrai levier pour atténuer le stress des salariés », commente Carine Marcé de TNS Sofres. Le niveau de stress semble corrélé à la satisfaction de l'espace de travail : ainsi, 64 % des salariés qui ne sont pas satisfaits de leur espace de travail déclarent être stressés, contre seulement 38 % salariés satisfaits de leurs bureaux. C’est pourquoi les entreprises n’hésitent pas à investir dans des espaces détentes pour pallier le manque d’intimité des espaces de travail où l’open space règne en maître. Le débat est sans cesse relancé sur les bars à sieste ou les espaces réservés à cette activité de détente totale dans les entreprises.
Ces investissements en termes d’aménagement d’espace de travail sont incontournables, en raison notamment de la diminution de la surface de travail. Une surface qui représente 21,1 m² en 2011, contre 23 m² en 2010, selon l’indicateur de l'environnement de travail publié par l'Arseg (Association des directeurs et responsables de l'environnement de travail).
Si 32 % des sondés jugent que l’aménagement de l’espace de travail est important pour leur bien-être (86 %), leur efficacité (80 %) et leur motivation (72 %) selon le baromètre Actineo/TNS Sofres 2011 sur la qualité de vie au bureau, les salariés placent en tête l’intérêt du travail à 53 %, devant la qualité de vie au travail. Redonner du sens au travail, tel est l’enjeu auquel doivent s’atteler sans tarder les chefs d’entreprise.
La recherche de sens, un phénomène culturel ? C'est le point de vue défendu par Myrian Maestroni, présidente d’Économies d’énergie (Primagaz), qui parle d’« intelligence émotionnelle » comme pierre angulaire du management à la française, contrairement aux pays nordiques où les objectifs et la performance priment. « Il est nécessaire d’avoir du leadership dans le management. Et c’est là que la France a ses limites. » En d'autres termes, notre culture latine repose plus sur l'affect que la culture nordique et anglo-saxonne, axée sur la performance.
Pour l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) implanté au Québec, “pour que le travail ait un sens, il doit procurer de la satisfaction à la personne qui l’effectue, correspondre à ses intérêts, faire appel à ses compétences, stimuler le développement de son potentiel et lui permettre d’atteindre ses objectifs”.
La motivation est un levier essentiel de performance qu’il convient de ne pas négliger. « La motivation est réglée autour de l’autre, c'est-à-dire des relations sociales que le collaborateur noue avec ses collègues. L’organisation du travail doit donner du sens et du contenu pour une plus grande richesse du travail. Les salariés sont en attente de reconnaissance. Et cette reconnaissance ne doit pas se résumer à sa valeur monétaire. De plus, ces mêmes salariés sont en demande d’affect. Or, les ressources humaines sont de plus en plus techniques », explique Alain d’Iribarne.
Des entreprises peuvent apparaître comme exemplaires en la matière, comme Danone. Ainsi, souligne Marc Grosser, directeur des affaires sociales et de la responsabilité sociétale de Danone, « les managers et dirigeants de Danone sont évalués sur des objectifs à court et moyen terme, soit 1/3 de résultats économiques, 1/3 de résultats sociaux et environnementaux et enfin 1/3 d’objectifs individuels ». Danone réalise des études de faisabilité sur le contenu du travail. Une réflexion qui s’articule autour du sens du travail, de l’ergonomie du poste de travail, de la solitude, etc.
(1) Alain d'Iribarne est également docteur en sciences économiques et spécialiste de sociologie du travail.