Pour gérer vos consentements :

"Il faut rester ouvert d'esprit et savoir, parfois, désapprendre !"

Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à

Sonia Martin, directrice achats de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, ferraille sur tous les fronts achats avec une énergie hors du commun. Mais il est une mission qui lui tient encore plus à coeur aujourd'hui: contribuer à la relance économique grâce à la commande publique. Rencontre.

Quels sont vos enjeux prioritaires aujourd'hui?

2020 a été marquée par la crise sanitaire. Les achats ont été très mobilisés pour trouver des solutions d'approvisionnement en masques, EPI, gel, tests, ... et en même temps il était crucial de continuer à passer les marchés, et notamment pour nos opérations de travaux, car cela aurait créé un trou d'air pour les entreprises.

En 2021, il faut maintenir le rythme ! Les régions ont également récupéré des départements de nouvelles compétences en particulier sur les transports scolaires et interurbains, et nous commençons également à préparer les marchés pour l'ouverture à la concurrence des TER. Les enjeux sont majeurs sur ces segments.

Le code de la commande publique est-il un frein, pour vous, ou un levier ? Quelles améliorations aimeriez-vous y voir apportées?

Concernant le code de la commande publique, on peut commencer par rappeler les principes fondamentaux du code des marchés publics: égalité de traitement, liberté d'accès et transparence des procédures, ceci au service de l'efficacité de la commande publique et de la bonne utilisation des deniers publics. Sur le principe de bien utiliser l'argent public, en tant que citoyens nous sommes tous d'accord ! Maintenant, en pratique, qu'est-ce que cela implique ?

Du positif, d'abord : la publication des appels d'offre publics permet une ouverture large à la concurrence et de découvrir de nouveaux fournisseurs, les cahiers des charges étant le plus souvent non modifiables après réception des offres, un travail approfondi est mené sur la définition du besoin pour la préparation des consultations, de même les critères de jugement des offres sont bien définis.

Alors, tout est bien dans le meilleur des mondes :-) ?

Je ne dirais pas cela, et pour au moins trois raisons :

- La nécessaire traçabilité juridique de l'ensemble des actions menées par les acheteurs publics génère une lourdeur administrative coûteuse en temps et en ressources, donc en argent public. Ce coût est également répercuté chez nos fournisseurs, dont l'un me disait récemment que répondre à un appel d'offre public lui prenait 5 fois plus de temps que pour un appel d'offre privé. Pour pallier ceci, nous avons mis en place une cellule pour accompagner les fournisseurs qui veulent répondre à un appel d'offre, mais ne savent pas comment faire... les acheteurs publics ont un réel travail de simplification et de pédagogie à mener pour que la transparence des procédures ne soit pas supplantée par leur complexité !!

- Cette complexité qui est aussi le lot quotidien des acheteurs publics : comme dans le secteur privé, 'bien acheter' nécessite à la fois une très bonne connaissance du secteur et de l'offre fournisseur, une collaboration étroite avec les directions prescriptrices ... mais aussi une connaissance fine et pointue du code et de ses possibilités, alliée à une très forte capacité d'anticipation et d'analyse, ainsi pour finir qu'une rigueur administrative à toute épreuve ! Le recrutement de talents est donc un élément clé... et une mission difficile dans le secteur public qui est en plein développement sur les achats ! Ce sont vraiment des métiers en tension. A la région, ayant un gros volume d'achat, nous avons pu spécialiser les agents sur chacun de ces métiers (achat, juridique et administratif), ce qui nous permet de maîtriser les différentes composantes du métier.

- L'absence de négociation pour les marchés importants (dès 214K€ pour une collectivité) : en effet, comment peut-on en pratique bien utiliser l'argent public si aucune adaptation ni technique ni de prix ne peut être réalisée lorsqu'on a les offres ? Toute erreur de définition du besoin se paie cash, un fournisseur peut se retrouver "irrégulier" parce qu'il ne répond pas 100% à la demande, alors même qu'il propose une solution plus intéressante, mais qui simplement n'a pas été anticipée ! Certes il existe la procédure "négociée" ou le dialogue compétitif, mais ce sont des procédures longues et dont l'usage est vraiment trop limitatif. L'innovation ne se décrète pas à priori, la co-construction et la collaboration avec les fournisseurs ne doivent pas se limiter à des segments pré-identifiés mais à l'ensemble des achats !

Si je pouvais faire évoluer les choses, je laisserai donc plus de liberté aux acheteurs publics avec, en priorité, la négociation possible dans tous les cas. Comme pour beaucoup d'autres sujets, je pense qu'il faudrait aussi rapprocher les personnes en charge de définir les procédures et ceux qui les appliquent sur le terrain, au service d'une vraie simplification pour les usagers.

Comment travaillez-vous avec le service juridique de la Région ?

Nous travaillons en étroite collaboration, avec des rôles clairs et bien définis : la direction des achats est en charge de l'ensemble des procédures d'achats, depuis le sourcing jusqu'à la rédaction et l'attribution des marchés. Nous maîtrisons l'ensemble des composantes des stratégies d'achat, c'est un atout considérable ! La direction des affaires juridiques apporte quant à elle son expertise en tant que conseil interne, développe la connaissance marchés publics au sein de la collectivité et gère les contentieux, en particulier pendant l'exécution des contrats. Ce double regard est vraiment très pertinent et nous apporte une réelle efficacité.

Et avec la finance? Comment la valeur ajoutée des achats est-elle calculée?

Depuis la création de la direction des achats, nous mesurons les économies réalisées. Ces économies sont intégrées par la direction des finances dans les budgets de l'année n+1. C'est un réel levier qui nous a permis de générer des économies.

Lire la suite en page 2 : Quelles leçons avez-vous tiré de la crise que nous avons vécue... et que ne vivons encore? / Les achats publics sont investis d'une mission: relancer l'économie. Comment y contribuez-vous? / Comment faites-vous pour favoriser votre écosystème local? Est-ce compatible avec une logique de réduction des coûts? / D'ailleurs, avez-vous des objectifs en matière de réduction des coûts ? Et quels sont vos axes de travail? / Considérez-vous la RSE comme un terrain de jeu ou un champs de mines ? Avez-vous des sponsors engagés sur le sujet au sein de la Région? Quelles sont les actions RSE les plus avancées à la Région? Comment travaillez-vous sur la baisse de l'empreinte carbone? l'économie circulaire? L'inclusion? / Que prévoient vos cahier des charges ?

Et en page 3 : La digitalisation... où en êtes-vous et qu'a-t-elle apporté aux acheteurs ? / Vous êtes issue de l'automobile. En quoi votre expérience passée a-t-elle servi les achats que vous faites aujourd'hui? / Quelles qualités recherchez-vous chez vos acheteurs et comment les faites-vous monter en compétence? / Comment envisagez-vous le futur des achats?