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CPE de Mourmelon, un cas d'école de la commande publique

Publié par Geoffroy Framery le | Mis à jour le

Comment moderniser les infrastructures de défense en intégrant des objectifs environnementaux et sociaux ambitieux. Réponses avec le CPE de Mourmelon, contrat d'un montant de 87 millions d'euros qui court sur 20 ans. Le plus important CPE de la métropole et une première en région.

Projet de longue haleine, la genèse du CPE (Contrat de performance énergétique) débute en 2021 trois ans avant sa notification. Ce contrat vise à moderniser les infrastructures de défense tout en intégrant des objectifs environnementaux et sociaux ambitieux sur une période de 20 ans avec pour finalité de consommer moins, consommer mieux, consommer sûr avec des enjeux considérables liés à la souveraineté nationale, l'efficacité énergétique et le développement économique. Les travaux, axés sur l'optimisation des performances énergétiques, ont été réceptionnés en décembre 2024. L'occasion pour la rédaction de revenir sur la complexité de cette commande publique et de ce cas d'école qui a bénéficié du retour d'expérience de 11 autres CPE déjà lancés. Il s'agit du plus important CPE de la métropole pour un montant estimé à 87 millions d'euros. Et une première en région.

De grandes ambitions environnementales

Les ambitions du CPE de Mourmelon se déclinent en plusieurs axes complémentaires. Le premier objectif consiste en une réduction de 41 % de la consommation énergétique finale, grâce à l'optimisation des systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation et de production d'eau chaude. Parallèlement, le contrat vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 86 %, une performance rendue possible par le recours à 80 % d'énergies renouvelables. "Ce choix technologique à base notamment de biomasse, permet de privilégier une ressource locale et durable par rapport aux combustibles fossiles, réduisant ainsi la dépendance aux marchés internationaux. Ces objectifs ambitieux permettent de réaffirmer le rôle majeur du Service d'Infrastructure de la Défense en tant qu'acteur incontournable de la transition énergétique ", précise Antoine Farjaud, Adjoint Chef SAI au SID Nord-est.

Favoriser les opérateurs locaux

Sur le plan social, le contrat prévoyait la réalisation de 49 000 heures de prestation sur la durée du marché. Un engagement fort et concret en faveur de l'emploi et du soutien aux petites et moyennes entreprises. Pour constituer le dialogue compétitif nous avons cherché à rendre le plus possible accessible ce type de procédure globale - et par définition pas des plus accessibles - aux PME afin que le SID puisse pleinement jouer son rôle de soutien au dynamisme et à l'activité économique dans notre zone de compétence géographique. En parallèle, la communication a ainsi constitué un levier décisif permettant de construire de vraies logiques partenariales avec les acteurs économiques du bassin chalonnais. Ces actions nous ont permis d'intégrer une large part d'acteurs locaux dans le processus.

"Aujourd'hui, en un peu moins de 25% de durée de vie du contrat, nous avons déjà atteint 78% des objectifs initiaux en termes d'insertion sociale avec 16/26 bénéficiaires ayant déjà pu bénéficier d'une embauche directe", détaille Antoine Farjaud. En chiffres, 3 des six co-contractants sont des PME. Au total, 39 entreprises sur les 51 sous-traitants sont également des PME (soit 68% de PME). Preuve d'une volonté affirmée de soutenir l'économie locale dans un cadre de commande publique structuré et compétitif. Dit autrement, cette démarche contractuelle visait à susciter une concurrence la plus large possible dans un souci d'allocation optimale des deniers publics.

Un dispositif méthodique et innovant

Le succès du CPE repose sur une démarche rigoureuse dès l'identification des besoins. L'équipe en charge a défini avec précision les besoins fonctionnels et techniques, afin d'assurer que la solution retenue réponde de manière optimale aux exigences opérationnelles du ministère des Armées. Le recours au dialogue compétitif a permis d'ouvrir le marché à un large éventail d'opérateurs économiques, favorisant ainsi l'émergence de solutions innovantes adaptées aux enjeux de performance énergétique.

La préparation du projet a impliqué un montage financier complexe, intégrant des financements publics et le plan de relance, garantissant ainsi la viabilité économique du contrat sur le long terme. La sécurisation juridique de la procédure, par la rédaction de clauses précises et la mise en place de mécanismes d'intéressement et de pénalités, a permis d'encadrer rigoureusement la relation contractuelle sur 20 ans. Cette méthode, qui combine excellence technique et maîtrise des risques, représente un exemple probant de gestion de marchés publics d'envergure.

Point de vigilance sur un contrat aussi long,"la santé économique des opérateurs avec lesquels on a contractualisé est à surveiller. Nous avons mis en place des clauses pour pallier les défaillances potentielles . mais il faut malgré tout être vigilant sur ces aspects-là, pour ne pas être captif de nos opérateurs économiques ", résume Antoine Farjaud.

Une coordination et une collaboration exemplaires pour viabiliser sur le long terme

La réalisation du CPE de Mourmelon a nécessité une coordination étroite entre divers acteurs. Équipes techniques, juristes spécialisés, responsables financiers et opérateurs économiques se sont mobilisés pour faire face à la complexité de la procédure. Les nombreuses journées d'information organisées ont permis de sensibiliser et de préparer les PME, assurant ainsi une large diffusion des connaissances techniques et opérationnelles nécessaires à l'exécution du contrat.

C'est une évidence. Les challenges sont nombreux pour un marché qui court sur 20 ans. D'autant qu'il se caractérise par une volumétrie financière et une technicité qu'il faut maîtriser. "Il fallait concilier les exigences opérationnelles du ministère des Armées avec les contraintes du marché. La viabilité sur le long terme, notamment en termes de performance énergétique d'un contrat qui se déroule sur 20 ans était aussi un défi. Et bien évidemment, l'ensemble de ces caractéristiques devait s'intégrer dans le cadre réglementaire de la commande publique", synthétise Antoine Farjaud, Adjoint Chef SAI au SID Nord-est / SAI. Et ce dernier de compléter sur la définition du besoin: " La précision était de mise. S'agissant d'un dialogue compétitif, on ne maîtrisait pas forcément la solution technique à mettre en oeuvre. Par contre, on avait des objectifs et besoins fonctionnels. Pour faire en sorte que la solution technique réponde le mieux possible aux besoins de nos utilisateurs, il fallait qu'on soit très précis dans la définition de ce besoin."

La sécurisation au coeur de ce CPE

En corollaire, vous vous en doutez, la sécurisation juridique a également été un challenge. Bien évidemment, " Nous avons prévu des objectifs performanciels à atteindre et mesurables qui se sont déclinés en clauses contractuelles les plus précises possible, notamment sur l'aspect des pénalités et de l'intéressement qu'on a inclus en cas de dépassement des objectifs", analyse le chef de ce projet.

L'expérience acquise lors de la préparation et la mise en oeuvre du CPE a également permis d'ajuster les outils de suivi et de mesure de la performance. Un dispositif d'ingénierie spécifique a été déployé pour contrôler l'atteinte des objectifs de consommation énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, garantissant une réactivité rapide en cas d'écart par rapport aux cibles fixées. « C'est un exemple concret de mise en oeuvre de la LPM (loi de programmation militaire et souligne comment la Loi de Programmation Militaire en région trouve une application concrète sur le terrain", poursuit Antoine Farjaud.

Un CPE inédit qui va s'essaimer

L'expérience de Mourmelon ouvre la voie à la multiplication de contrats similaires dans d'autres régions. Douze CPE sont encore à l'étude dans la zone, notamment de Lille à Autun, avec pour objectif de généraliser ce modèle de commande publique innovant. Ce projet, en conjuguant exigence technique, dynamisme économique et engagement écologique , sert de référentiel pour de futures initiatives dans le domaine de la transition énergétique . Le succès de cette démarche repose sur la capacité à conjuguer des objectifs multiples - efficacité énergétique, sécurité opérationnelle et efficience sociale - dans un cadre contractuel rigoureux et transparent. La méthode appliquée à Mourmelon démontre que l'investissement dans des infrastructures modernes et performantes peut être réalisé en associant un dialogue constructif avec le secteur privé, tout en favorisant l'accès des PME à des marchés dimensionnants dans une logique de partenariat gagnant-gagnant.

Rappelons enfin qu'un accompagnement au changement a été indispensable en début de contractualisation. "Des doutes liés à une complexité de suivi de contrat sur 20 ans, et des risques associés à une dépendance vis-à-vis d'un opérateur privé ont été soulevés. Nous avons donc mené des actions de communication et de formation pour justement clarifier et dédramatiser en insistant sur les garanties offertes par le cadre contractuel. De plus, un suivi rigoureux a été planifié dès la phase de passation pour anticiper les éventuelles difficultés lors de l'exécution du marché", relate Antoine Farjaud.


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