Délais de paiement: vers une nouvelle donne?
Publié par Anne-Sophie David le - mis à jour à
Aujourd'hui, un tiers des entreprises paient leurs factures à l'heure. Une situation qui se solde chaque année en France par la défaillance de plus de 15000 sociétés. Le ministère de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique a décidé fin novembre de durcir le ton envers les mauvais payeurs.
Selon le cabinet Altares, la proportion d'entreprises en France qui règlent leurs factures à l'heure demeure sous la moyenne européenne. 36,5% des structures françaises (publiques et privées) payent ainsi leurs fournisseurs sans retard, contre 41% en Europe. En moyenne, les entreprises hexagonales payent avec 13,6 jours de retard, soit la pire valeur depuis dix ans.
En moyenne, les entreprises hexagonales payent avec 13,6 jours de retard, soit la pire valeur depuis dix ans.
La France n'est pas la meilleure élève de sa classe, mais ce n'est pas la pire non plus en Europe. Selon Altares, c'est l'Allemagne qui tire la performance européenne avec 73,1% d'entreprises ponctuelles. Ce pays montre néanmoins des signes de tension, car la proportion d'entreprises qui retardent leurs paiements de 15 à 30 jours ne cesse de croître depuis début 2013. Il y a deux ans et demi, 5% des sociétés affichaient de tels retards, elles sont 7,3% aujourd'hui. Ailleurs, si les comportements de paiement se détendent légèrement en Belgique (12,2 jours) et en Italie, même si le seuil demeure très haut (16,3 jours), ils se tendent en Espagne (16,6 jours) et restent très mauvais au Portugal (29,6 jours), qui demeure l'élève le moins discipliné d'Europe.
Pour tenter d'enrayer cette problématique des délais de paiement, Bercy a décidé fin novembre de durcir le ton envers les mauvais payeurs. "Il y a une réalité, il ne peut donc pas y avoir d'aménagement avec les entreprises qui ont des pratiques répétées. Nous souhaitions mettre en place une stratégie implacable pour en finir avec cette situation injuste", a ainsi déclaré le ministre de l'Économie, des Finances et du Numérique, Emmanuel Macron.
Les mesures énergiques de Bercy
Au menu de cette stratégie implacable, un renforcement des sanctions, davantage de transparence et l'organisation d'une stratégie collective. Deux mesures significatives: le plafond par amende qui sera porté à 2 millions d'euros (au lieu de 375000 euros, amende administrative mise en place à la suite de la loi Hamon du 17 mars 2014) et la publication du nom des mauvais payeurs avec le montant de leurs amendes. Une première en France.
Bercy a décidé de rehausser le plafond par amende à 2 millions d'euros au lieu des 375 000 euros institués par la loi Hamon du 17 mars 2014.
Côté transparence, le rapport de gestion des entreprises établira les retards de paiement à la date de clôture des comptes, tant du côté clients que fournisseurs. Par ailleurs, l'Observatoire des délais de paiement, sans pilote depuis plus d'un an, sera présidé par Jeanne-Marie Prost, ancienne médiatrice du crédit. Sa mission sera étendue aux donneurs d'ordres publics.
Le cabinet Altares le rappelle d'ailleurs: l'administration de l'État reste le mauvais élève, mais les collectivités territoriales font mieux que le privé. Afin de promouvoir l'exemplarité des donneurs d'ordres publics, le gouvernement s'est donc engagé à réduire ses délais de paiements à 20 jours d'ici 2017. Par ailleurs, la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a étendu le champ de contrôle de la DGCCRF aux entreprises publiques, qui pourront ainsi se voir infliger des amendes en cas de non-respect des délais légaux.
Enfin, et parce que le non-respect des délais de paiement a les mêmes conséquences sur le fournisseur que le donneur d'ordres soit public ou privé, Bercy a décidé de fusionner la médiation interentreprises et la médiation des marchés publics en une seule structure: la médiation des entreprises. À sa tête, l'ancien médiateur interentreprises, Pierre Pelouzet (lire son interview ici).
Quid du cadre légal des délais de paiement en France?
60 jours: délai maximal qui peut être convenu entre les deux parties pour régler les sommes dues à compter de la date d'émission de la facture.
45 jours: délai maximal de paiement des factures "périodiques" à compter de la date d'émission de la facture.
45 jours fin de mois: à titre dérogatoire, sous réserve que ce délai soit inscrit dans le contrat et ne constitue pas une discrimination manifeste à l'égard du créancier.
>> Découvrez en page suivante les témoignages de Frédéric Grivot, vice-président de la CGPME; Luc Jeanneney, directeur achats de Lafarge France; et Sylvie Robin-Romet, directrice des achats Groupe chez Crédit Agricole S.A. Lire la suite en page 2.