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Fonction achat : une légitimité et une reconnaissance renforcées à l'aune des crises

Publié par Geoffroy Framery le | Mis à jour le

Le master DESMA de Grenoble IAE-INP (Université Grenoble Alpes) souffle sa 50e bougie en 2025 et demeure la référence nationale sur le sujet des achats. A cette occasion, Dr. Natacha TREHAN, sa Directrice pédagogique nous livre son analyse de l'évolution de la fonction Achats.

Le master DESMA de Grenoble IAE-INP a 50 ans, pouvez-vous nous expliquer son origine ?

Le master DESMA est né à l'Université de Grenoble Alpes en 1975 à la demande de Merlin Gerin, aujourd'hui Schneider Electric pour former leurs acheteurs en période d'inflation post chocs pétroliers. C'était la fin des 30 glorieuses et on entrait dans une période d'instabilité qui perdure toujours. Le master DESMA est le premier diplôme d'études supérieures en management des Achats créé en France. Le professeur Barreyre est son créateur. Aujourd'hui, il fait partie de l'IAE de Grenoble, qui a fusionné avec l'INPG (Institut National Polytechnique de Grenoble) au sein de l'Université de Grenoble. Nous pensons réunir ainsi le meilleur des sciences de gestion et des sciences de l'ingénieur. Pour les Achats, l'hybridation des compétences est, à mon sens, une piste pour gérer la complexité et l'incertitude actuelle. Nous proposons une formation en alternance pour des jeunes se spécialisant après une école de commerce, d'ingénieur ou un master universitaire et une formation Executive Education pour des professionnels en activité souhaitant actualiser leurs connaissances, prendre du recul par rapport à leurs pratiques ou de se réorientant vers le management des Achats.

Comment appréhendez-vous l'évolution des achats jusqu'à aujourd'hui ?

Les Achats sont une fonction jeune comparée à d'autres fonctions en marketing, finance... HEC a été créée en 1881. Les premiers 3ème cycle en Achats en France apparaissent à partir de 1975. Plus d'un siècle nous sépare !!!

Les Achats sont la seule fonction qui se développe et acquière de la légitimité et de la reconnaissance grâce aux crises. La maxime de Churchill a été faite pour cette fonction : « Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise »

Les crises pétrolières des années 70 sont les vrais catalyseurs de l'avènement d'une fonction achats industrielles contribuant à la défense de l'avantage concurrentiel des entreprises. La crise financière de 2001-2002, avec l'éclatement de la bulle Internet, est un nouveau catalyseur mais, cette fois-ci, dans le tertiaire. Les banques, assurances, opérateurs télécom... créent leurs directions des achats : en 2000 à la Société Générale, en 2001 chez Axa...

La crise de la dette publique est, elle, à l'origine de la professionnalisation de la fonction au sein du secteur public. En France, la Révision Générale des Politiques Publiques de 2007 incite à la maîtrise des dépenses. Ainsi, le Service des Achats de l'État est créé en 2009. Le secteur hospitalier suit cette voie avec le programme PHARE en 2011 "Performance Hospitalière pour des Achats Responsables."

La crise des subprimes de 2008 nous ancre définitivement dans un monde « VUCA » (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). Les directions générales demandent de la sécurisation aux achats. L'acheteur voit alors son rôle de « risk manager » renforcé. Ce rôle est conforté par l'entrée dans un monde de judiciarisation, de réglementations qui prend toute son ampleur dans la décennie 2010.

En France, 2017 marque, à mon avis, l'entrée décisive de la fonction achats dans la RSE (Responsabilité Sociale et Sociétale des Entreprises) quels que soient les secteurs (pas que dans le public) avec les obligations de Déclarations de Performances Extra Financières, Sapin 2, Loi sur le Devoir de Vigilance, suivis par la Loi Energie-Climat. Tout cela s'inscrit dans la dynamique européenne du Pacte Vert avec des attentes fortes vis-à-vis des Achats pour décarboner les chaînes de valeur.

2020 Crise Covid. Les Achats sont en première ligne et ce n'est que le début de la complexité mais aussi de la consécration de cette fonction au sein des Comités de Directions ! En effet, depuis 2020, les crises s'enchaînent et les Achats sont systématiquement sur le front : crise de l'énergie en 2021, amplifiée par la crise ukrainienne en 2022. 2025 est l'entrée dans une crise majeure du commerce mondiale (droits de douane, fragmentation...) et l'entrée dans l'économie de guerre.

Comment la fonction Achats peut-elle agir dans cette économie de guerre ?

En fait l'économie de guerre, en référence de D. Baverez, c'est la gestion de la dépendance (dépendance au gaz russe, aux approvisionnements en Chine, aux importations américaines, à la protection de l'Otan...). En économie de paix, la confiance est le socle et on négocie sur la base d'interdépendances. Dans l'économie de guerre, le rapport de force domine. La priorité est de garantir l'accès aux ressources rares, technologies clés possédées par d'autres (intelligence artificielle, microprocesseurs, eau, terres rares...). Il faut garantir la continuité des approvisionnements, gérer les pénuries, renforcer la souveraineté. Tout cela les achats savent le faire !

L'autre guerre qu'il faut mener, et remporter, est la dépendance aux énergies fossiles. Les achats ont un pouvoir extraordinaire dans le combat contre le changement climatique. Leur rôle est clé dans la diminution des émissions de CO2 tout au long des chaînes de valeur (scope 3) mais aussi pour négocier des énergies décarbonées (scope 2), pour contribuer à transformer les business models vers plus de circularité, pour favoriser l'économie de la fonctionnalité...

Et dans le futur, comment la fonction achats va-t-elle évoluer ?

La révolution en cours est celle des possibilités offertes par l'intelligence artificielle. L'IA générative et les Agents AI arrivent à point nommé : au moment où les acheteurs n'ont jamais été autant sollicités, sur autant de sujets complexes (décarbonation, inflation, compliance, traçabilité, résilience des supply chains, droits de douane, relocalisation...). L'IA va permettre de gagner avant tout en productivité et ensuite d'aider dans l'intelligence des situations et dans les prises de décisions. Non elle ne va pas remplacer les acheteurs ! Plus que jamais les entreprises auront besoin d'acheteurs curieux, orientés business, créatifs, capable d'appréhender la complexité...

Quels sont selon vous les atouts du master DESMA de Grenoble IAE-INP?


Nous privilégions la proximité et la qualité des échanges (Nous n'avons que 2 petites promotions de 30 personnes maximum). Chaque étudiant a un suivi individualisé avec un tuteur dédié qui l'accompagne pendant toute son année. Nous avons un corps professoral exceptionnel constitué d'enseignants-chercheurs et de professionnels de haut niveau, tous passionnés. Au-delà des outils, des techniques, nous privilégions un enseignement basé sur des approches holistiques, des démarches de résolutions de problèmes. Notre ambition est de former des professionnels des Achats capables de prendre des décisions managériales et stratégiques dans des environnements complexes et incertains. Nous favorisons les allers-retours perpétuels entre les études terrains et la réflexion académique alimentée par nos travaux de recherche. Le résultat : un taux d'insertion supérieur à 98% avec bien sûr le soutien d'un réseau d'alumni de plus de 3000 professionnels à travers le monde. Nous recrutons avant tout des personnes passionnées et ouvertes sur le monde !

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