Supply chain - Et la main d'oeuvre vint à manquer....
Publié par Lisa Henry le | Mis à jour le
Une forte demande de main d'oeuvre en logistique tend la supply en cette période de fêtes de fin d'année. Entre les nouvelles demandes en termes de qualification qui émergent et le rebond du e-commerce "boosté" par la crise sanitaire, les raisons de cette pénurie" sont nombreuses et inquiètent le marché.
A l'approche des fêtes de fin d'année, les différentes pénuries de matières premières qui touchent nombre d'industries inquiètent en raison de leur impact sur les délais de livraison et les coûts de fabrications. A cela, vient s'ajouter une problématique supplémentaire : le manque de main d'oeuvre logistique dans les entrepôts. Depuis l'essor du e-commerce, la demande de manutentionnaire en intérim a augmenté, selon Sébastien Helaine, directeur général de Mistertemp' group, "l'apparition de nouvelles plateformes qui pratiquent le même métier côté logistique que les acteurs traditionnels, créée une demande plus forte, sans que le nombre de demandeurs d'emploi dans ce domaine n'augmente."
De la manutention au dernier kilomètre, la concentration dans les bassins d'emploi est un cercle vicieux. Ces concentrations, notamment dans le nord de la France, l'est lyonnais et l'autoroute A10 (Île-de-France), sont pourtant nécessaires aux entreprises pour Sébastien Helaine : "Une entreprise qui se lance, si elle souhaite trouver de la main d'oeuvre, est obligée de s'installer au coeur d'un bassin d'emploi, zone ou la forte demande crée une pénurie."
En outre, "le manque d'attractivité des métiers de la manutention, commente Hassan Sangare de Fed Supply, est une cause assez importante à prendre en compte." Alors que la demande est forte, il y a une baisse du nombre de candidats : "Dans l'intérim, il y a beaucoup de contrats précaires, les candidats ont du mal à se projeter dans la durée." Globalement, ce manque d'attractivité est aussi dû à une rémunération souvent insuffisante, ainsi qu'aux préjugés sur la forme de contrat, et les métiers de la logistique.
De nouvelles exigences ont aussi émergé depuis la crise sanitaire selon Hassan Sangare. En effet, l'essor du télétravail a rendu la proximité avec son domicile plus importante que jamais. "Aujourd'hui l'intérimaire qui cherche du travail sait qu'il va en trouver, et il a donc des conditions et n'accepte pas tout et n'importe quoi. En général, les travailleurs ne veulent pas faire plus d'une heure de trajet par jour pour se rendre sur leur lieu de travail." La crise sanitaire n'a pas impacté que cela. Selon Sébastien Helaine, le volume d'entreprise de e-commerce et d'achats en ligne a joué un rôle déterminant dans l'accélération de la demande de main d'oeuvre logistique. "Les entreprises comme Amazon avaient déjà un succès important, mais les confinements ont augmenté considérablement leur volume de vente, et cette habitude d'achats en ligne ne semble pas prête de disparaître."
Nouvelles demandes et profils émergents
L'automatisation de la supply chain n'a pas, contrairement aux idées reçues, supprimé des postes dans les entrepôts, mais le directeur général de Mistertemp' y voit tout de même une cause de cette pénurie de main d'oeuvre. En effet le profil type du manutentionnaire ne requiert plus uniquement les compétences basiques d'il y a quelques années : "Il y a 10 ans, c'était un travail purement manuel, commente Sébastien Helaine, aujourd'hui, c'est bien plus technologique et l'avènement du digital demande des compétences nécessaires, comme la commande vocale ou l'utilisation de machine plus pointues."
Alors que les métiers de la logistique demandent à présent des formations poussées, voire un certain niveau d'étude, la rémunération n'a, elle, pas vraiment évolué en 10 ans selon Hassan Sangare : "Un intérimaire plus qualifié va évidemment demander un salaire à la hauteur, malheureusement la conjoncture ne permet pas forcément de revaloriser la rémunération. Les profils surqualifiés ne veulent pas être sous-payés, cela va de soi."
"Les entreprises du retail ne peuvent pas toujours réévaluer leur salaire, mais il y a de nombreux points sur lesquels ils doivent travailler afin d'être plus attractifs pour les intérimaires, notamment en prenant en compte le bouche à oreille." La marque employeur, souvent évoquée pour ce sujet, a une importance primordiale. En effet, une entreprise qui "ne traite pas bien ses collaborateurs, ça se sait vite..." , commente Hassan Sangare. Selon Sébastien Helaine, les entreprises les plus touchées par ce manque de main d'oeuvre sont celles qui ont "mauvaise réputation". Les entreprises n'auraient pas toujours conscience des efforts qu'elles doivent fournir, "si elles recherchent nombre d'intérim, elle doit mettre en place des moyens de se rendre attractive", explique Hassan Sangare.
La fin de l'intérim ?
Face à cet enchaînement de problématiques, Hassan Sangare n'est pas défaitiste. "Je ne pense pas que l'intérim soit vouée à disparaître." En effet, l'intérim existe chez des métiers qui recrutent sur un volume important, et ce type de contrat, malgré ses faiblesses, permet d'embaucher rapidement, "c'est la solution facile et rapide en cas de besoins de salariés ponctuels."
Si cette crise ne devrait pas impacter l'existence de cette forme de travail à termes, les deux spécialistes de l'intérim s'accordent sur le besoin qu'ont les entreprises d'évoluer. Selon Hassan Sangare, "elles n'ont pas d'intérêt à être réfractaires au changement, que ce soit sur la transparence ou la marque employeur. Nous voyons de l'amélioration tous les jours en optimisant les campagnes de recrutement et en conseillant nos clients."