[Management] Semaine de 4 jours, des concrétisations heureuses ?
Publié par Julien Tarby le - mis à jour à
Et si la semaine de quatre jours, qui fait son chemin dans de nombreux pays et en France, devenait la norme dans les secteurs privés et publics ?
Depuis le 1er mars, les salariés de l'Urssaf Picardie qui le souhaitent concentrent leurs heures sur quatre jours, soit 1h30 de travail supplémentaire quotidien. Le jour « off » est toujours plus médiatisé et fascine des salariés plus soucieux de leurs conditions de travail et de vie dans un contexte post-Covid de « grande démission ». « L'épidémie a démontré aux entreprises les vertus d'une plus grande flexibilité et d'une moindre présence au travail », reconnaît Alexis Berthel, DRH de Panthera (20M € de CA, 500 salariés), président de l'ANDRH Savoie Mont Blanc. Le phénomène est mondial. Depuis novembre dernier, les salariés belges peuvent demander de travailler sur quatre jours au lieu de cinq, mais sans réduction du temps de travail, durant une période test renouvelable de six mois. Au Royaume-Uni, 61 entreprises tentant l'expérience n'ont pas constaté de baisse de productivité. L'Espagne s'y essaie dans les entreprises industrielles de moins de 250 salariés et les États-Unis, le Canada, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ne sont pas en reste.
35 % des dirigeants ouverts à l'expérimentation
Outre-Manche, le test organisé par l'association « 4 Day Week Global », Cambridge et Boston College durant six mois en 2022 pour 2 200 salariés de 61 entreprises, a mis en exergue une progression du CA par rapport à 2021, une baisse de l'absentéisme et des démissions, une facilitation des embauches. Si 90 % des salariés se sont dits convaincus, c'est parce qu'ils ont vu leur santé physique et mentale s'améliorer, leurs problèmes de sommeil et taux de stress se réduire selon l'étude. Le week-end deviendrait un vrai temps de loisirs, libéré de la « gestion de foyer ». Les quatre-cinquièmistes peuvent combiner les activités, s'aligner avec leurs valeurs, s'occuper de leurs proches durant le jour « off ». « Nous avons dû licencier début 2022 et avons envoyé un signal fort de bien-être à ceux qui restaient, en introduisant la semaine de quatre jours en septembre », illustre Camille Darde, DRH d'Elmy (80 M de CA, 120 salariés), fournisseur d'électricité verte à Lyon. Selon un sondage Robert Halph de juin 2022 réalisé auprès de 300 dirigeants français, 35 % ont émis le désir de passer à une phase d'expérimentation. « À l'aune de la sobriété énergétique, baisser de 20 % les déplacements domicile travail n'est pas non plus négligeable », remarque Alexis Berthel.
QVT & salaires, une équation qui varie selon les cultures d'entreprises
Trois approches de mise en place se distinguent. Premièrement, le principe d'une semaine de quatre jours avec un volume horaire réduit, parfois à 32 heures tout en conservant un salaire identique, comme l'économiste Pierre Larrouturou le conseillait déjà dans un essai de 2016. « Nous ne voulions pas rallonger les journées travaillées, sortir des horaires de garderie et générer de la fatigue », explique Camille Darde chez Elmy qui a diminué la semaine de quatre heures, à 35h. Deuxième voie, compacter les 35 heures sur quatre jours, là encore après un accord collectif. Troisièmement, si la transformation s'avère trop lourde, la méthode du 4/5e, revenant à chômer un jour par semaine, induit un contrat de travail à temps partiel pour l'individu qui y perd en salaire.
Jouer sur la polyvalence des postes et mettre en place un système de rémunération variable collectif
Certains acteurs ferment une journée dans la semaine, d'autres mettent en place un roulement entre salariés. « Les collaborateurs choisissent entre le mercredi et le vendredi. LDLC, qui a franchi le pas, nous a conseillé cette solution et la constitution de binômes pour le choix des jours », soutient Camille Darde. Un moyen pour que les réunions d'équipes au complet puissent avoir lieu. « Après quelques tests, nous avons décidé de fermer le mercredi, jour des enfants », avance Christelle Gonidec, dirigeante fondatrice d'Innov RH (300 000 € de CA, 12 salariés) à Chambéry qui a basculé aux 32h en septembre 2022 et reçoit plus de candidatures spontanées depuis. D'autres lissent à 32 le nombre d'heures hebdomadaires travaillées en moyenne sur une année, sans que les semaines soient obligatoirement de quatre jours. C'est en fait l'organisation du travail et le management qui doivent évoluer en amont. « La culture doit s'y prêter, avec des salariés engagés et autonomes. Certains ont retravaillé sur leur jour off au début pour atteindre les objectifs », retrace Camille Darde chez Elmy qui fonctionnait déjà en holocratie. Et lorsque l'exigence de disponibilité permanente est de mise, l'évolution est impossible. « Tous les métiers et entreprises ne sont pas concernés », résume Alexis Berthel. Jouer sur la polyvalence des postes, mettre en place un système de rémunération variable collectif et non individuel, ralentir la communication par courriel... ne s'invente pas du jour au lendemain et induit discussions en amont et formations. « Nous avons aussi accepté de moins répondre aux sollicitations, d'allonger les délais pour le bien-être des salariés. Les clients viennent nous chercher pour autre chose », témoigne Christelle Gonidec.
Chiffres clés:
- 62 % des mères de deux enfants sont en temps complet, contre 87,6 % des pères, selon l'Insee (données 2018)
- 64 % des salariés français souhaiteraient bénéficier d'une plus grande flexibilité dans l'organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de les condenser sur une semaine de quatre jours selon une étude ADP de mai 2022
- Seules 19 % des entreprises ont mis en place un accord de travail flexible, et 5 % d'entre-elles ont adopté la semaine de quatre jours selon ADP.
- 25% des cadres de l'Hexagone estiment que leur santé mentale au travail s'est dégradée ces deux dernières années selon une étude récente de l'APEC, à cause d'un sentiment de surcharge, d'épuisement professionnel ou de stress intense.