Des fournisseurs CSRD ready...en Chine ?
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
Tandis que l'Europe s'atermoie, la Chine, elle, agit. Et son armada de fournisseurs et d'industries de devenir "certifiés" et "traçables", en somme "CSRD-ready" ! la Chine a fait le choix de la durabilité qui rapporte, qui sécurise des marchés, qui rassure des investisseurs. Celle-là, Pékin l'a bien intégrée. Et ses industriels aussi. Billet d'humeur de la rédaction.
Pendant que les directions européennes embauchent des bataillons d'auditeurs, de juristes et de data scientists pour aligner leurs rapports sur la taxonomie verte, la Chine, elle, produit... des panneaux solaires, des batteries, du lithium transformé, des câbles haute tension, bref, tout ce qui permet aux Européens de verdir... sur papier.
La voiture électrique ? 70 % des batteries mondiales sont fabriquées en Chine. Le photovoltaïque ? Neuf panneaux sur dix sortent de ses usines. Les composants critiques ? Pékin verrouille la chaîne de valeur, de la mine au raffinage. C'est ce qu'on pourrait appeller la stratégie du guanxi appliquée aux ressources naturelles : pas besoin de dire qu'on est responsable quand on contrôle le robinet.
Pékin a compris que le soft power passe aussi par la norme. À travers la Belt and Road Initiative, la Chine exporte désormais ses propres standards ESG, bien moins contraignants, mais suffisamment structurés pour séduire les pays d'Afrique, d'Asie centrale et d'Amérique du Sud. L'objectif ? Créer un contre-CSR universel, à la fois bankable et orienté business.
Les entreprises chinoises ne sont pas plus vertueuses, elles sont mieux alignées. Avec l'État, avec les chaînes de valeur, avec leurs fournisseurs. Et elles ont cette lucidité stratégique : l'ESG n'est pas une finalité, c'est un levier d'accès aux marchés occidentaux. Voilà pourquoi les géants chinois remplissent les cases des questionnaires EcoVadis.
La vérité ? Ce n'est pas que la Chine creuse l'écart. C'est qu'elle a changé de jeu. Et que l'Europe, elle, continue à arbitrer les hors-jeu sur un terrain qu'elle ne maîtrise plus. Dit autrement, la Chine a fait le choix de la durabilité qui rapporte, qui sécurise des marchés, qui rassure des investisseurs. Celle-là, Pékin l'a bien intégrée. Et ses industriels aussi.
Pendant que l'Europe rêve d'une souveraineté économique sous condition d'annexe ESRS-E1, les fournisseurs chinois s'activent. Audit ESG ? C'est fait. Certification ISO 14001 ? En place. Reporting CO2 sur l'ensemble de la chaîne ? Téléchargeable en trois clics. À Shenzhen, à Guangzhou, à Suzhou, des fournisseurs s'alignent sur les attendus de la directive CSRD... alors même que la Chine n'est pas concernée par le texte.
Pourquoi ? Parce que leurs clients européens, eux, le sont. Et dans la supply chain mondiale, celui qui paie dicte la conformité.
Prenons un exemple très concret : les sous-traitants de BYD, CATL ou Huawei. Ces groupes, devenus des géants mondiaux, imposent déjà à leurs fournisseurs des pratiques de traçabilité carbone, de gouvernance environnementale et de déclaration d'incidents sociaux. Entendons nous bien, il ne s'agit pas ici de faire preuve de vertu, mais d'anticipation. Car ce sont ces mêmes groupes qui fournissent batteries, composants électroniques et panneaux solaires aux majors européennes qui, elles, doivent se conformer à la CSRD.
Et cela va plus loin : des entreprises comme LONGi Green Energy (leader du solaire) ou Contemporary Amperex Technology (batteries) développent leurs propres cadres de reporting environnemental pour séduire les investisseurs ESG internationaux. Elles ne se contentent plus d'être "compatibles". Elles deviennent référentes.
Le plus ironique ? Ces efforts chinois ne sont même pas pilotés par l'État. Ils viennent du marché. Des acheteurs occidentaux, des investisseurs à critères ESG, des appels d'offres conditionnés à des labels. Une pression douce, mais implacable. Résultat : ce ne sont plus seulement des fournisseurs. Ce sont des fournisseurs certifiés, traçables, et "CSRD-ready".