La RSE : levier pour la reconnaissance stratégique des achats
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Si les acheteurs ont gagné en compétences et se sont révélés indispensables au cours de la crise sanitaire, les directions générales n'ont semble-t-il pas encore pris le pouls du virage stratégique de la fonction.
"On observe un déséquilibre entre les attentes des directions générales qui recrutent et celles des directeurs achats sur la vision du métier et son repositionnement stratégique dans l'entreprise, notamment depuis ces 18 derniers mois en raison de la crise sanitaire", souligne Marie Roux, consultante en recrutement spécialisée dans les achats au sein du cabinet Robert Walters. Ainsi, du point de vue des recruteurs, au final, entre l'offre et la demande, il y a un "certain scepticisme de la part des directeurs achats face aux recruteurs finaux" qui ont tendance à ne pas intégrer tout le potentiel stratégique du métier achat. Or, c'est un fait, mécaniquement, la fonction achat a gagné en stratégie au cours de ces derniers mois gérant l'urgence des approvisionnements, les pénuries ou le risque des faillites fournisseurs. Bien que "depuis la crise sanitaire, des liens se tissent de manière plus fine entre les achats et la supplychain dans les entreprises, ce qui permet de consolider une vision globale de la stratégie achats" selon les mots de Marie Roux, "pour être en phase, il faudrait redonner ses lettres de noblesse à la fonction achats et la repositionner dans l'entreprise en l'intégrant plus en amont sur les projets de transformation digitale ou dans la politique RSE par exemple", explique Marie Roux.
Digital et gestion des talents : de nouveaux territoires à conquérir
De nombreuses entreprises se sont lancés dans la transformation digitale, accélérée par la crise du Covid, tout en accentuant leur politique RSE face aux défis environnementaux de demain et notamment avec les objectifs de neutralité carbone. Car si le rôle stratégique de la fonction achats est reconnu dans les entreprises aujourd'hui avec 56% des directions achats représentées dans le Codir/Comex, voire même directement rattachée à la direction générale dans 47% des cas, selon le livre blanc sur l'Observatoire de la fonction achats en 2030 conjointe du cabinet Michael Page et du CNA, celle-ci a encore de nouveaux territoires à conquérir. A savoir : la gestion de ses talents, les achats responsables et la digitalisation. "On trouve aussi des demandes de profils hybrides comme des directeurs achats qui pilotent également des équipes IT ou d'autres fonctions liées à la transformation de l'entreprise", souligne Marie Roux de Robert Walters.
RSE : un tremplin pour la reconnaissance stratégique des achats
C'est face à ces nouveaux défis, que les achats sauront marquer encore davantage de leur empreinte l'entreprise en démontrant leur rôle essentiel dans la compétitivité et le business de cette dernière. "Si les achats sont peu associés, les questions de sustainability deviennent telles qu'ils seront davantage intégrés au process. C'est le cas par exemple de la réflexion sur les emballages, du recyclage des produits et des circuits courts. La RSE, et plus largement l'économie circulaire, est un vrai levier pour faire des achats une fonction stratégique", explique Sébastien Perdereau, practice manager spécialisé achats et supply chez Michael Page. Et cela passe notamment par le marketing achats. "A l'avenir, les achats doivent davantage travailler en amont sur les besoins clients externes et travailler de concert avec la direction marketing. Ils doivent être force de proposition par exemple dans la composition du produit, donc l'innovation, ainsi que sur les zones de sourcing en lien avec la supplychain", selon Sébastien Perdereau. Ainsi, selon l'Observatoire des achats en 2030, l'acheteur de demain devra maîtriser les compétences suivantes, le sourcing de l'innovation, le déploiement d'une stratégie d'achats responsables, maîtriser les outils de digital procurement, piloter la stratégie en période de crise et savoir analyser la vulnérabilité du réseau fournisseurs.
"Les achats doivent embarquer les RH dans la gestion des talents"
Dans les "10 recommandations stratégiques pour une transformation réussie de la fonction achats"*, le CNA et le cabinet Michael Page citent une plus grande parité au poste de directeur achats, une meilleure intégration du variable dans la rémunération... mais l'accent est mis sur le volet RH et la formation. "Repenser les programmes de formation" ou "développer des postes de RRH en charge de la gestion des talents achats et créer des parcours avec des immersions dans les autres services (R&D, commercial, marketing, finance, production". Car au final, la fonction achats est transverse et doit être au plus près des besoins de ses clients internes. De leur côté, "les achats devraient embarquer davantage les RH dans la gestion des talents afin d'éviter l'endogamie du métier", souligne Sébastien Perdereau, practice manager spécialisé achats et supply chez Michael Page. Il s'agit également de "développer une culture achats" en intégrant des modules et/ou des spécialisations dans les formations supérieures en management et écoles d'ingénieurs. Autrement dit rendre la fonction achats plus attractive et mieux la faire connaître. "Il faut se poser la question de l'attractivité du métier d'acheteur car il existe peu de passerelles entre le métier achats et les autres. Quand on devient acheteur on reste souvent acheteur", conclut Sébastien Perdereau.
*Observatoire de la fonction achats 2030 - Capital humain & enjeux de transformation