Relocaliser n'est pas jouer
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
Penser la filière par la lunette des achats. Réflexion menée dans le photovoltaïque français.
Depuis sa création en 2009, Solstyce jouit de réductions continuelles des prix du matériel photovoltaïque. Les achats représentent 78 % du CA. Les prix du matériel photovoltaïque ont continuellement baissé. C'est aujourd'hui le processus inverse. Le marché photovoltaïque est tendu, l'offre limitée. Les prix suivent la loi du marché et augmentent donc. La marge Solstyce diminue donc pendant le délai entre validation des devis par le client et achat du matériel PV. « Ce délai court au minimum durant la période pendant laquelle le chef de projet « dérisque » le projet (obtention des permis de construire, des permis de raccordement électriques au réseau Enedis / RTE, obtention des prêts bancaires, etc.). Il arrive régulièrement que ce délai soit supérieur à 6 mois. C'est sans compter le début des pourparlers précontractuels avec le client, où lui sont annoncés les premiers chiffres, qui sont alors non contractuels mais qui pourraient participer à une déception du client lors de la mise à jour de tarifs plus élevés et ainsi qu'il met potentiellement fin à la relation », précise Julien Capron, alors acheteur junior chez Solstyce.
Prefered customer ? Really !
L'entreprise Solstyce est une PME sans puissance achat face à ses fournisseurs qui sont eux, pour la plupart, des oligopoles et de très grosses entreprises. « Les indices étant actuellement très haussiers, nos fournisseurs nous imposent de manière régulière des hausses de tarifs sans que nous puissions nous en défendre, ni les limiter », précise Julien Capron. C'est également sans compter les ruptures d'approvisionnement communiquées, parfois seulement quelques jours en amont. Les achats sont ainsi consultés pour répondre à l'urgence et trouver des solutions alternatives en flux tendu, avec souvent de mauvaises conditions tarifaires. Ceci fait ressortir le besoin d'être et de rester un « prefered customer ».
Développer l'autonomie de la chaîne de valeur
La relocalisation et l'essor de la filière impliquent de devenir autonome sur l'ensemble des maillons de la chaîne y compris le savoir-faire industriel, les machines de production et sur toutes les étapes de transformation. Les facteurs géostratégiques sont extrêmement importants dans un choix de promouvoir une filière locale. Le mix énergétique du pays de production n'est pas à négliger. Ceci influe dans l'utilité écologique de rapatrier la filière en France pour profiter du très bon mix énergétique très peu carboné et ainsi proposer des modules dont le bilan carbone est très bas. Il est d'autant plus important au vu du coût actuel de l'énergie - Hydrocarbures ou charbon versus nucléaire ou solaire -. « En rapatriant la production en France ou en Europe, nous pourrions également contribuer à un rééquilibrage de la balance commerciale. Ceci serait un énorme gisement d'économies en Euros ET en CO2 et bien sûr un énorme gisement d'opportunités business dans le pays », précise Julien Capron.
Qu'il s'agisse d'alliance à l'achat, de coopétition ou de partenariat entre entreprises complémentaires, cette bonne relation permettrait une rapidité et une efficacité dans l'échange d'informations, qui catalyse la création de nouvelles solutions. Les volumes d'achats pourraient être significativement augmentés, les technologies boostées, les problématiques résolues par échange de bonnes pratiques. « L'intérêt de la filière passe donc par la réflexion en collectif et non plus, comme traditionnellement, entreprise par entreprise, concurrent contre concurrent », conclut l'acheteur.