Matières premières: Faire face à un super-cycle haussier
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
À retrouver chaque lundi matin sur le site de Décision Achats, un point sur les achats de matières premières par Olivier Lechevalier, cofondateur de DeftHedge.
Qu'observe-t-on sur les marchés en termes de matières premières ?
Nous sommes face à un marché marqué par des problématiques de pénurie. C'est particulièrement le cas pour les matières premières agricoles, mais pas seulement. Cette semaine, le prix du sucre a atteint un point haut depuis onze ans. Du fait de mauvaises conditions climatiques (essentiellement en Chine et au Pakistan) et des conséquences de la guerre en Ukraine (avec l'incertitude concernant la reconduction du corridor permettant d'exporter les céréales de l'Ukraine), la production de riz cette année devrait connaître sa plus forte chute en l'espace de deux décennies. C'est le signal que l'inflation alimentée par les produits alimentaires (qui pose un vrai casse-tête en Europe) n'est pas près de disparaître. Les problématiques de pénurie sont également présentes sur les métaux. Le platine, qui est un métal noble résistant à la corrosion, a vu son prix flamber cette semaine jusqu'à la zone des 1100 dollars (c'est une forte résistance technique qui a temporairement bloqué l'appréciation des prix). Mais le marché devrait continuer de progresser à moyen terme notamment parce que la production fait face à une baisse inattendue en Afrique du Sud et en Russie (dans ce dernier cas, c'est notamment lié à des coupures de courant et à une mauvaise maintenance des installations de production). On constate ce phénomène sur la plupart des matières premières. C'est la confirmation que nous sommes face à un super-cycle haussier.
Quelles conséquences pour les entreprises et pour notamment pour la vente au détail ?
Au niveau des matières premières agricoles, on voit très nettement comme répercussion une hausse des prix à la vente. Si on regarde le cas français, entre septembre 2021 et mars 2023, le sucre a augmenté de 56 % pour le consommateur final, les pommes de terre de 44 %, les farines de 32 %, le riz de 24 % etc. Ce sont des hausses massives qui, comme l'ont montré les derniers chiffres de l'INSEE, pourraient conduire à une baisse des ventes au détail. Il n'est donc pas certain que les entreprises soient en mesure de répercuter la totalité de la hausse des prix spot sur les consommateurs. Il faudra accepter de rogner sur les marges.
Quels sont selon vous les points à surveiller à l'étranger ?
Il est souvent intéressant de regarder ce qui se passe à l'étranger. Les ventes au détail en Suède en février ont connu un plongeon historique de 9,40 % sur un an. C'est pire que pendant la crise financière mondiale de 2007-2008. Si la Suède joue son rôle d'indicateur avancé du reste de l'économie mondiale comme par le passé, il faut s'attendre à ce que la résilience des ménages face à l'inflation et à la hausse des taux vacille dans d'autres pays, peut-être même en France. Dans le cas suédois, les trois plus grands distributeurs du pays n'ont pas eu d'autre choix que d'annoncer des baisses massives de prix.