"Des mesures insuffisantes qui vont entraîner une hausse durable des matières premières"
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
À retrouver chaque lundi matin sur le site de Décision Achats, un point sur les achats de matières premières avec une interview exclusive d'Olivier Lechevalier, cofondateur de DeftHedge.
Qu'observe-t-on sur les marchés en matière d'achats de matières premières ?
Les banques centrales étaient sur le devant de la scène (hausse des taux de 25 points de base en zone euro et pause très brève aux États-Unis). Le message est limpide : les taux vont continuer d'augmenter à court terme, même si les opérateurs de marché sont un peu sceptiques. Un seul exemple : aux États-Unis, la banque centrale a révisé à la hausse sa prévision de croissance à 1 % pour 2023 et prévoit deux hausses de taux supplémentaires cette année pour lutter contre l'inflation. Le marché continue de considérer qu'une récession est probable dès le deuxième semestre, ce qui va conduire la banque centrale à abaisser ses taux au lieu de les augmenter. Le décalage important entre les prévisions des banques centrales et les attentes du marché ne peut pas durer. L'un des deux a faux. Maintenant, reste à savoir qui. En tout, cela risque d'entraîner pas mal de volatilité sur les marchés financiers, peut-être pas dans l'immédiat, mais à moyen terme. S'ajoute un sursaut d'optimisme concernant l'économie chinoise et qui a entraîné de nouveau certaines matières premières à la hausse. Ce sursaut est intervenu après que la Chine eut décidé plusieurs mesures de baisse des taux et d'injection de liquidité dans le système. Nous ne partageons pas l'enthousiasme actuel. Ces mesures sont bienvenues mais elles sont insuffisantes pour redresser l'économie chinoise et vont donc entraîner une hausse durable des matières premières. De notre point de vue, seules des mesures ciblées sur l'immobilier (qui est au coeur de la dynamique économique en Chine) pourraient permettre d'enrayer le cycle de baisse de l'activité. Il va donc falloir patienter. Attention également aux conditions climatiques qui perturbent de plus en plus les récoltes. En Chine, les récoltes de maïs pourraient être moins bonnes que prévu du fait d'un épisode de sécheresse qui a commencé la semaine dernière (avec des températures proches de 40 degrés dans le nord-est du pays).
Quelles conséquences pour les entreprises en termes d'achats ?
On peut retenir deux leçons de la semaine écoulée :
- Les coûts d'emprunt vont être durablement élevés pour les entreprises du fait de la hausse du loyer de l'argent. Ce n'est pas un problème pour les entreprises qui ont de la trésorerie à placer. Par exemple, Amazon peut emprunter à 4,5 % et placer à 5 % à court terme. C'est intéressant. Mais toutes les entreprises ne sont pas dans cette situation-là.
- Le marché des matières premières connaît des mouvements erratiques, en particulier à cause de la Chine. Les opérateurs veulent croire à une relance chinoise et tous les signaux et annonces sont bons pour corroborer cette jolie histoire. Malheureusement, les chiffres ne vont pas dans ce sens-là. Il faut donc s'attendre à de la volatilité sur les matières premières à court terme.
Quels sont selon vous les points de vigilance à surveiller ?
Cette semaine, nous restons sur un marché guidé par les banques centrales avec de nouvelles hausses de taux par la Banque d'Angleterre et la Banque Nationale Suisse (+25 points de base dans les deux cas). Il sera également intéressant de surveiller de près l'évolution du dollar (puisque les matières premières sont libellées en dollar généralement). La perspective de nouvelles hausses de taux par la banque centrale américaine devrait, a priori, soutenir le dollar américain. Mais le marché continue d'anticiper un cycle de baisse durable, peut-être à partir du troisième trimestre, pour la devise américaine. Là encore, nous sommes face à un décalage important qui ne peut pas durer. Cela induit un regain de volatilité, a priori.