"Ce qui se passe en ce moment nous rappelle ce qui s'est produit dans les années 1980 avec les caisses d'épargne américaines"
Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
À retrouver chaque lundi matin sur le site de Décision Achats, un point sur les achats de matières premières par Olivier Lechevalier, cofondateur de DeftHedge.
Qu'observe-t-on sur les marchés de matières premières ?
On observe un regain d'appétit au risque sur les marchés financiers : le pétrole connaît une tendance plutôt baissière en raison de doutes sur la solidité de la reprise économique chinoise (les signaux concernant la consommation sont encore négatifs), l'or a renoué avec sa tendance haussière après des prises de bénéfices alors que les inquiétudes sur le secteur bancaire américain ont ressurgi, par exemple. Ce dernier point est important. Les marchés financiers vont devoir apprendre à naviguer dans un environnement plus volatil, marqué par une hausse du coût du capital et l'augmentation du risque bancaire. Cette semaine, c'est la First Republic Bank - 14e plus importante banque américaine en termes d'actifs - qui a été le centre d'attention des opérateurs. Son action a chuté sur la seule journée de mardi de 44 % ce qui fait une dégringolade de 93 % depuis le début de l'année. Nous ne pensons pas qu'il y ait un risque systémique. Ce qui se passe en ce moment nous rappelle ce qui s'est produit dans les années 1980 avec les caisses d'épargne américaines (la hausse des taux par la banque centrale américaine fut l'un des facteurs déclenchant la crise). Par le passé, cela s'est traduit par une baisse du crédit mais pas par une récession. Nous doutons toutefois que l'économie américaine soit en mesure d'éviter une récession mineure. C'est d'ailleurs ce qui devrait inciter la banque centrale américaine à faire une pause de politique monétaire après la hausse de 25 points de base prévue la semaine prochaine. Du point de vue des opérateurs, il ne faut pas exagérer l'impact possible sur les marchés des difficultés bancaires américaines. Il ne faut pas s'attendre à une longue période d'aversion au risque (qui serait favorable aux valeurs refuge comme l'or) mais plutôt à des bonds ponctuels de l'aversion au risque en fonction des nouvelles sur le terrain bancaire américain.
Quelles conséquences pour les entreprises en termes de finance et de trésorerie ?
Pour les entreprises européennes, les problématiques bancaires américaines peuvent paraître éloignées. Et, en effet, il est peu probable que cela entraîne des répercussions directes. En revanche, nous sommes désormais dans une situation où le coût du capital est plus élevé ce qui signifie que certaines entreprises, particulièrement celles qui sont fortement endettées, vont avoir des difficultés pour se refinancer à bas. Prenons un exemple simple : aujourd'hui, la BPI propose des prêts aux start-up à un taux d'environ 4 % sur huit ans. Cela reste bas. Mais il y a encore un an de cela, on était inférieur à 2 %. Le monde de taux élevés est indéniablement un problème pour beaucoup d'entreprises et pas uniquement pour les banques régionales américaines.
Quels sont selon vous les points de vigilance à surveiller d'un point de vue macroéconomique et régional ?
Une grosse partie des banques régionales américaines ont publié leurs résultats cette semaine, ce qui a provoqué un regain d'aversion au risque favorable aux valeurs refuge (comme l'or). Mais il reste encore quelques banques qui doivent publier dans les séances à venir. On ne peut donc pas exclure de nouveaux regains de tension si le marché constate que la fuite des capitaux se poursuit au niveau des banques régionales. Il est fort probable que la Réserve Fédérale américaine s'exprime sur le sujet ce mercredi, également.